Il y a quelques semaines la presse locale faisait état de l’imminence de l’inculpation et du renvoi de l’ex président et ses hommes devant les juridictions. Mais il n’en est rien.
Au contraire, et, nonobstant la récente déclaration laconique du ministre de la justice devant les parlementaires qui commencent à s’inquiéter de la tournure des événements, affirmant qu’il faut laisser le temps à la justice, et que ce dossier ne sera jamais abandonné, les choses semblent évoluer vers un règlement à l’amiable du dossier et plusieurs signes montrent que le pouvoir du président Ghazwani hésite à aller jusqu’au bout de la logique judiciaire qui, au vu des graves accusations de la CEP, ne pourrait qu’aboutir à une condamnation, ou voire même des condamnations de l’ex président et des centaines de personnes impliquées.
D’abord il y a eu cette curieuse audience accordée par le président Ghazwani à l’ex Dircab de Aziz et son farouche défenseur. Cette audience qui semble-t-il a scellé une paix des braves fut un déclic. En effet Ghazwani a également reçu l’un des hommes d’affaires cité dans le rapport de la CEP. Et les événements vont s’accélérer : un mini remaniement va voir l’entrée au gouvernement d’un ex ministre de la justice qui est lui aussi dans le collimateur des enquêteurs et qui est placé sous contrôle judiciaire. Et voilà la goûte qui a fait déborder le vase.
Cette nomination est en effet en porte- à- faux avec la logique du président Ghazwani qui, à l’occasion de son premier remaniement gouvernemental avait libéré tous les ministres impliqués dans ce dossier. Ainsi, à sa lecture du communiqué annonçant la composition le 9 août dernier du nouveau gouvernement, Adama Bocar Soko, le ministre-secrétaire général de la présidence de la République, avait déclaré au sujet des ministres sortants : « Tout en respectant la présomption d’innocence, il a été estimé que les personnes concernées devaient bénéficier de toute latitude pour prouver leur innocence. C’est pourquoi ils figurent parmi les ministres touchés par le changement. Le président de la République n’hésitera pas à faire appel à nouveau aux compétences et à l’expertise de ceux, parmi eux, dont l’innocence aura été avérée ».
De ce fait, la nomination mercredi par décret présidentiel de Dia Moctar Malal comme Secrétaire Général du gouvernement a pris tout le monde de court et a eu l’effet d’une bombe.
Comment est-ce possible ? Cet ancien cacique du régime de Ould Abdel Aziz est toujours sous contrôle judiciaire depuis le mois d’Août dernier. Son passeport avait été confisqué et ses comptes gelés. Comment alors a-t-il pu échapper à la justice et catapulté du jour au lendemain au sommet de l’Etat ? A-t-il été blanchi par Ghazwani ? Et la séparation des pouvoirs dont on se vante tant, ne serait-elle que de la poudre aux yeux ?
Cette affaire va porter un sacré coup au pouvoir du président Ghazwani qui n’a apparemment pas compris l’avantage de l’union sacré qu’il a su susciter jusque là. Serait-ce là la fin de l’Etat de grâce ?
Des voix s’élèvent de partout, y compris au sein des soutiens du président pour lui demander d’arrêter cette dérive pendant qu’il est encore temps et de ne pas tomber dans les mêmes travers que son prédécesseur. Il y a eu par exemple le cri de détresse de ce député de l’UPR qui a dit haut et fort qu’il désavoue cette tendance à continuer à gouverner avec ceux qui ont montré leurs limites et qui sont tristement célèbres.
Malheureusement au train où vont les choses on craint fort que Ghazwani n’ait choisi la solution de la facilité : suivre les sentiers battus et maintenir le système en place, un système qui n’a apporté au pays que pauvreté et désolation, un système où Aziz aura une place au soleil. Ce sera alors l’enterrement assuré du dossier de la CEP et avec lui tous les espoirs suscités par les engagements (Ta’ahoudati) du président Ghazwani face au peuple mauritanien. Un vrai gâchis !
Bakari Guèye