En 2014, dans un éditorial intitulé « Au pays d’un seul homme », j’écrivais ceci : « La Mauritanie, un pays et un homme Mohamed Abdelaziz. C’est une manifestation radicale d’une réalité amère : Mohamed Abdelaziz est le seul homme valable en Mauritanie ».
Aujourd’hui, l’histoire ne me donne-t-elle pas raison ? Les résultats de la commission de l’enquête parlementaire ne m’ont-ils pas renforcés dans ma pensée d’il ya six ans ? Eh oui ! Aujourd’hui, force est de reconnaître qu’Abdelaziz était l’alpha et l’oméga de l’action gouvernementale.
Ses ministres, sans paraphraser Pr Ely Moustapha, étaient des assistants – ou des figurants – sans avis, ni décision. Ils n’étaient au fond que de simples faire-valoir…Triste.
La raison : ils (ceux qui sont concernés par les dossiers traités par la commission parlementaire) ont tous affirmé devant celle-ci qu’ils n’agissaient pas car ne pensaient et n’existaient pas. Ils étaient justes des figurants qui attendaient les claquements des doigts du chef pour réagir, sans demander et chercher à savoir les conséquences de leur action pour le pays. Ils étaient des marionnettes au pays de l’improvisation.
On n’avait pas pensé moins d’eux car tout au long du règne du président Abdelaziz, le portail principal de la présidence était devenu un mur de lamentations. Ces ministrons, aux yeux du peuple, ne servent à rien. La population partait poser leurs problèmes, quelle qu’en soit la nature à la présidence.
Très cher Abdelaziz,
Sans vous le dire, je me suis promis d’écrire à l’ancien président que vous êtes aujourd’hui car le bruit de vos casseroles nous assourdit.
C’est pour moi un devoir, une cohérence de ligne éditoriale. Monsieur, je suis étonné par la réaction des populations à la découverte de l’incommensurabilité de ce dont on vous accuse : vol des biens du peuple, ce pauvre pays. Abdelaziz, ces complices oublient qu’ils vous ont aidé à réaliser votre rêve scabreux : leur appauvrissement.
Votre slogan était « le président des pauvres ». Après plus de dix ans de règne, votre vœu a été exhaussé avec une insolence inouïe. Vous avez été la manifestation radicale d’un misérabilisme primaire incroyable. On parle de la casse du siècle. Vous vous êtes joué du peuple mauritanien – qui n’en mérite pas moins – avec la complicité de ceux qui vous abandonnent aujourd’hui.
Mon cher,
Le vol dont on vous accuse est monstrueux. Ces actes ne peuvent pas être le fait d’un président, même celui des pauvres. Ils sont dignes d’un affamé sur un plat qu’il ne pouvait imaginer ou l’acte d’un ruiné sur un trésor de ses rêves les plus incroyables. Vous avez été impitoyable.
De tous ces forfaits qu’on vous accuse, je retiens un qui m’a davantage renseigné sur votre personne, le coût de l’alimentation en eau d’une piscine dans votre ranch à partir de Nouakchott. C’est plus que de la cruauté. Avez-vous oublié la soif des quartiers périphériques de Nouakchott ?
Ces concerts des bidons jaunes devant la présidence, expression de leur souffrance, ne vous ont rien fait ? Et mieux, vous avez drainé l’eau sur des dizaines de kilomètres pour alimenter votre piscine pour un coût de plus d’un milliard d’ouguiya au moment où votre peuple cherche quelques gouttes d’eau pour étancher sa soif…
La qualité, la quantité et la cruauté de ce dont on vous accuse justifient le pourquoi de ce troisième mandat que vous vouliez tant. Mais désormais vous êtes plus proche de la prison, du trou, que du palais présidentiel. Un trou que beaucoup d’entre nous ont connu par ce que vous le vouliez.
Mon cher,
Je sais que vous n’êtes pas LULA, l’ex-président brésilien…. Un ex-président que son peuple a continué d’aimer même quand il avait à faire avec la justice de son pays. Car ce qui vous arrive semble démontrer que vous êtes seul. Sans soutien conséquent de ce peuple que vous pensez avoir servi. Un peuple qui croit que vous vous êtes bien servi de lui.
Dans votre solitude, pendant le séjour dans le trou que nous connaissons bien. Une expérience amère qui a été un éveil pour le peuple. Un peuple qui pensait que vous étiez un super-homme. Vous avez passé la nuit dans la cellule qui était celle du sénateur Ghadda…. Le décor était beau. Et le peuple attend la suite.
Mon désormais ex-président,
Vous avez était puissant. Un puissant président. Qui arrêtait qui il voulait et poussait à l’exil qui il ne sentait pas. Et même très impopulaire, le tout puissant président déroulait son agenda. Pour notre super-président, comme disait le camp de Gbagbo, « y a rien en face, c’est maïs ! ».
Quand on s’efforce à ignorer la réalité vis-à-vis de son peuple, cela s’appelle du mépris. Si on refuse de voir ou de comprendre que les soutiens du moment sont les pires laudateurs que la Mauritanie a connus, on risque de vivre l’effet d’un caillou jeté dans un arbre envahi par des oiseaux. Vos soutiens aujourd’hui, on les compte sur les doits d’une main… Triste, non ?
Mon cher,
Vous avez été abandonné par vos marionnettes qui vous plébiscitiez. Ces soutiens qui s’activaient pour un troisième mandat ont disparu et même certains d’entre eux vous accablent aujourd’hui. Vous avez été trahi. Le chef qui pense être trahi n’a plus le temps de tirer les conséquences qui s’imposent. Mais seulement ce chef, Abdelaziz, était pour ce pays le TOUT.
Des déclarations de certains de vos amis qui vous ont lâché, on déduit aisément que dans ce pays (la Mauritanie) où tout était pensé, voulu et décidé par vous seul, on ne pouvait parler d’avenir, puisqu’on ne vivait que dans un misérable présent, dans un néant infini où vous aviez plongé ce pays.
Monsieur l’ex président,
Vous étiez le président, l’homme tout puissant qui décidait de tout et faisait tout en Mauritanie. Ce président que vous étiez décidait de ce qu’il voulait, où il le pensait, quand il le voulait, à qui il pouvait.
Et les autres s’exécutaient, l’échine basse et rivalisant de courbettes et d’applaudissements nourris. Ils n’étaient ni autorisés à penser, ni à agir mais seulement à réagir quand vous le voulez et contre qui vous le voulez.
Souvenez-vous, quand vous avez affirmé que l’emprisonnement d’un détenu d’opinion (le journaliste Hanevi O. Dahah) était mieux pour lui, car en liberté, sa sécurité était menacée. Nous attendons de connaître votre opinion dans votre situation présente…
Mon cher,
Votre histoire avec la Mauritanie est celle du conte du lièvre (vous) et de l’hyène (le peuple) partis en voyage. Une histoire que je vais conter dans mon prochain éditorial.
Annihilé, atrophié par des sangsues qui sont aux commandes par et pour leurs intérêts personnels, le citoyen lui ne pense désormais qu’au véritable sursaut. Et cette fois-ci, puisque le désaccord s’est matérialisé entre les sangsues, comme des spectateurs de la lutte sénégalaise, le citoyen demande justice car le perdant ou le gagnant a déjà eu son cachet.
L’ex-président et citoyen Abdelaziz doit être jugé dans le respect de ses droits durant toute la procédure.
Mon ex-président, je suis légaliste, je suis pour la présomption d’innocence, et rien que pour cela, je soutiens que vos droits, tous vos droits, soient respectés. Mais je ne vous soutiens pas.
Camara Seydi Moussa
Source : Nouvelle Expression (Mauritanie)