Ce seraient des saltimbanques jonglant avec les fonds en devises qui ont enfoncé la BCM dans un trou..de Bâle. Les principes de Bâle, semblent être un pis-aller quand il y a une infraction caractérisée à des règles prudentielles élémentaires à savoir le contrôle comptable permanent. Cette malversation se serait même déroulée sur plusieurs années et c’est maintenant que l’on découvre qu’elle a toujours existé.
Une simple banque intermédiaire ne peut se permettre de ne pas exercer le contrôle comptable permanent sur les fonds qu’elle détient et au jour le jour sur les opérations comptables qui y portent, que dire alors de la Banque centrale ?
Les autorités de la Banque centrale ignorent-elles les méthodes de contrôle comptable permanent ? Les exigences prudentielles et les celles en matière d’information ? Certes non. Mais que s’est-il passé alors ?
Ce qui se serait passé ne saurait s’expliquer que par l’un des facteurs destructeurs de toute gestion publique ou privée : l’incompétence, la négligence ou la complicité.
Relativement au premier facteur, l’incompétence. Il est certain que la BCM possède des cadres qualifiés, formés dans de grandes universités et écoles et qui au sein de la BCM ont acquis un savoir-faire appréciable.
S’il y a, cependant, un élément absorbant de la compétence, c’est bien la négligence. La négligence c’est le zéro dans la multiplication des compétences.
Et il ne fait pas de doute que cette affaire porte les stigmates de la négligence. Et lorsque la négligence, qui n’emporte que la responsabilité professionnelle, se double de la complicité ou est mise à son service, il s’agira alors d’une responsabilité pénale qui par son ampleur, pourra être qualifiée de crime organisé.
Tout en accordant le bénéfice du doute à tous ceux impliqués dans cette affaire, et tout en respectant la présomption d’innocence, il reste que l’élément générateur de l’acte criminel transparait bien dans la commission de cet acte.
La question est désormais de savoir qui est responsable ?
La caissière, perceptrice de liasses monétaires et véhicule de leur transposition dans les coffres de la BCM ?
Le responsable du service, directeur ou chef de service dans la supervision des caisses et des remises de fonds et valeur ?
Le service d’audit interne dans l’accomplissement de sa mission à savoir fournir « une évaluation indépendante de la qualité et de l’efficacité du contrôle interne, de la gestion des risques et plus généralement de la gouvernance de la Banque Centrale ; formuler des recommandations d’actions en vue de mieux prévenir et maîtriser l’ensemble des risques de la Banque Centrale. » (art 40 des statuts de la BCM) ?
Le comité d’audit en charge de l’Audit interne et de ses activités, responsable du suivi de l’efficacité des systèmes de contrôle interne ?
Le Censeur de la BCM qui doit exercer une surveillance générale sur tous les services et sur toutes les opérations de la Banque Centrale. Et contrôler les caisses, les registres et les portefeuilles de la Banque Centrale ?
Une pléthore d’agents qui peuple le processus de contrôle et de vérification qui maille le fonctionnement de la BCM, et pourtant le contrôle sur place et sur pièce des avoirs en devises de la BCM au niveau de sa caisse centrale, lui échappe.
Si ce qui vient d’arriver signifie quelque chose, c’est qu’il emporte la conviction de tout professionnel qu’il y a un manquement réel aux règles prudentielles en matière de contrôle comptable permanent. Et que parmi les agents précités le censeur de la BCM et l’auditeur interne sont en première ligne. Dans le respect des recommandation de Bâle, la BCM ne semble pas être la meilleure élève.
Toutefois, s’il ne fait pas de doute que de cet acte nait une responsabilité professionnelle et/ou pénale, il demeure certain que c’est une responsabilité en chaine dont le fait générateur n’est pas récent à la BCM mais a pris naissance il y a depuis plusieurs années et a bénéficié de la loi du silence.
La gestion de fonds et valeurs a donc fait l’objet d’une manipulation de saltimbanques, de jongleurs qui ont utilisé leur dextérité pour aménager de véritables trous de… Bâle dans les règles prudentielles devant régir les opérations de Banque.
Nous avions déjà consacré des écrits à l’audit de la Banque centrale, et notamment son audit externe où l’on a montré qu’il était déjà critiquable tant du point de vue des informations comptables et financières qu’il présentait que de son appréciation de la gestion de la BCM (Voir : http://cridem.org/C_Info.php?article=721091)
L’affaire qui vient de se produire, n’est qu’une conséquence des défaillances des différents audits et de la négligence de responsables chargés de veiller à leur intégrité.
En tout état de cause, la caissière n’est qu’une exécutante d’un ensemble de pratiques dont elle n’est qu’un simple rouage. Il faudrait remonter bien plus haut dans la hiérarchie et dans le temps pour situer l’ampleur de cet acte criminel et en identifier les responsables.
Hélas ! Ce qui est certain, c’est que l’approche sociologique des institutions de souveraineté dans notre pays, montre que face à de tels scandales, la solidarité des délinquants contrebalance souvent la justice à travers une connivence du pouvoir qui favorise la dilution des responsabilités. Nous avions déjà montré récemment, que l’audit des institutions de souveraineté était en Mauritanie, sinon une vue de l’esprit , du moins un pis-aller ( voir http://cridem.org/C_Info.php?article=727005)
En définitive et face à l’impunité, des saltimbanques continueront encore à accaparer les ressources de la collectivité nationale, à se jouer des principes du contrôle comptable et financier, creusant encore davantage des trous …de Bâle.
Pr ELY Mustapha