Son premier hébergeur, à la fois tuteur et garant, serait Salou Fodié Camara. Le sieur Doumbia, négociant en services occultes, profitait de la tolérance par les dignitaires autochtones. Sollicité pour ses services à équidistance de la magie et de l’intercession des saints de l’Islam, il bénéficiait d’une rémunération plutôt enviable.
Or, la contestation des ordres statuaires qu’entretient la mémoire de l’esclavage en milieu Soninké, vient s’insinuer dans le métier du susdit et l’expose à perdre sa neutralité, au fil des conflits et règlements de comptes entre les deux camps.
Les nobles reprochent, au médecin des âmes, sa proximité avec Gambanaxu, le courant hostile aux privilèges et inégalités de naissance. Le penchant indélicat indignait les tenants de l’autorité selon la tradition et le vote, alors réunis en la personne de Diadié Gagny Camara, édile de Dafort depuis 1988 et doyen des maires de Mauritanie.
Il accuse, le marabout, de charlatanisme et le met en demeure de quitter les lieux. Doumbia exclut de déguerpir avant d’empocher des montants, à lui dus, par certains villageois, en contrepartie de son magistère obscur. Face au refus relativement inédit ici, l’élu de la localité organise et conduit, le 18 juin 2020, une expédition punitive vers la demeure du rebelle, un domicile locatif.
Diadié Gagny Camara, accompagné de son fils Mohamed Silly, se met-il à la tête de la foule armée de gourdins et d’une corde à bétail, comme en attestent les images. La meute humaine appréhende Doumbia, à proximité de la mosquée. Plusieurs hommes le maîtrisent, là, presque tous issus de la famille de l’ex-ministre Amédi Camara, proche collaborateur de l’ancien président de la Mauritanie, Mohamed Ould Abdelaziz et toujours membre du parti au pouvoir, l’Union pour la république (Upr).
Le déchainement de violence en bande, tel que constaté, de jour, implique plusieurs notables, dont un conseiller de commune, Kolly Mamady Camara, frère de Amédi, précité. Hadiétou Camara, meneur du comité de village et Demba Diani Camara, identifiables sur la vidéo, tenaient, chacun, un bout de la corde de fibre végétale qui entravait le marabout ; le second est aussi le cousin de Mohamed Silly et de leur parent commun, Ali Bakary Camara.
Ligotée, battue, humiliée et filmée, la victime n’a eu droit à aucun secours, parmi la foule présente. Son supplice s’est prolongé jusqu’à l’arrivée des éléments la police judiciaire, grâce aux instances du maire, auteur des représailles. Il leur remit le corps malmené de Doumbia. Ce dernier, quoique supplicié, continua de demander, au village, la restitution de l’argent saisi sur lui, d’un montant de 53700 ouguiyas nouvelles. La maréchaussée lui répliquait que la réclamation de sa créance doit se faire à Ould Yengé, chef-lieu du département. Or, il s’agissait d’une promesse de circonstance : Doumbia, les mains vides, blessé et dépossédé de tout, se retrouve, à la frontière du Mali, où le jettent les gendarmes.
Il importe de souligner l’enchainement des conséquences et demander, aux autorités, d’y remédier sans délai :
1. Au travers de leur comportement, les citoyens et gendarmes incriminés engagent la responsabilité du gouvernement de la République islamique de Mauritanie, en violation des articles 3 et 4 de l’Acte constitutif de l’Union africaine (Ua) et de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de 1984 ; notre pays a signé et ratifié les deux instruments de droit international et fut condamné, au titre du second, le 1er juillet 2005, lors du procès du capitaine Ely Ould Dah, devant la Cour d’appel de Nîmes. Jusqu’à ce jour, l’Etat mauritanien s’abstient d’exécuter, aux pénal et civil, l’un des arrêts pionniers de la compétence universelle en Europe. Ainsi, convient-il de rappeler à quel degré de causalité, l’impunité favorise-t-elle la récidive.
2. La somme des preuves disponibles, enregistrements audio et image animée inclus, n’autorisent aucun doute quant à l’identité des commanditaires de l’infraction ; certains se vantent de leur forfait, au cours d’échanges sur des groupes électroniques de discussion. La population civile est passible d’une incrimination de délits de non-assistance, d’apologie de l’esclavage et d’incitation à la haine.
3. Il appartient, au gouvernement et à la magistrature, d’entamer, vis-à-vis des parrains, exécutants et complices du crime, l’ensemble des mécanismes disciplinaires et de poursuites en justice. Un tel niveau de brutalité n’échapperait à la rigueur des lois que dans une cité disposée à se reconnaitre la distinction de l’amoralité. Le présent appel s’adresse, surtout, aux institutions locales en charge de défendre la dignité de l’individu, lui porter assistance et obtenir réparation, de la pression physique, de l’intimidation et des atteintes à l’intégrité du corps.
4. A la lumière de l’évènement susrelaté, le Parlement est désormais tenu de produire une législation explicite en matière de protection de l’étranger, sur le sol de la Mauritanie ; en vertu du principe de réciprocité, l’adoption de cette norme éthique constitue une mesure de prudence qui contribuera – d’où l’urgence de l’anticipation – à préserver la sûreté et les biens de nos compatriotes expatriés.
Initiative de résurgence abolitionniste en Mauritanie (Ira-M)
Nouakchott, le 5 juillet 2020
Lien connexe : cliquer, et visionner les séquences de sévices, perpétrés, le 18 juin 2020, au milieu de la localité.
Ampliation : Haut-commissariat des Nations unies aux droits l’Homme, bureau de Nouakchott, Délégation de l’Union européenne et représentations diplomatiques en Mauritanie, Assemblée nationale, Commissariat aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la société civile (Cdhahrsc), Commission nationale des droits de l’Homme (Cndh), Mécanisme national de prévention de la torture (Mnp).
Source : IRA-Mauritanie