Le cas de la fillette de 5 ans violée à Adel Bagrou, au Hodh Echarghi à la mi-mai 2020, est passé inaperçu. Cette affaire a été quasiment couverte par le viol qui a eu lieu deux jours auparavant dans la localité de Twil, relevant du Hodh Gharbi, et celui survenu à Bassiknou dans la même semaine.
L’auteur présumé de cet acte commis à Twil contre une fille de 12 ans, le commandant de brigade de gendarmerie, avait ainsi accaparé l’attention de l’opinion, tant et si bien que le crime d’Adel Bagrou fut presque occulté par les médias, malgré son caractère odieux mais aussi le statut non moins important de l’auteur présumé.
Il s’agirait du fils d’une féodalité maraboutique de la région, dont la famille jouit d’une certaine aura. Ainsi, les informations parvenues de la part des proches de la victime, affirment que le présumé coupable aurait avoué son crime et qu’il serait entre les mains de la justice. Seulement, le poids des traditions, dans une région où les pesanteurs socioculturelles sont encore vivaces, expliquerait les craintes formulées par les proches de la petite victime et certaines organisations des droits de l’homme engagés dans ce dossier, comme le mouvement IRA, AFCF, SOS Esclaves, qui parlent déjà de «manœuvres souterraines pour étouffer l’affaire et déjouer les cours des procédures afin de faire éviter la prison au présumé coupable».
Certains évoquent en effet des pourparlers qui seraient en cours entre les notabilités dont est issu le présumé coupable et les proches de la victime en vue d’un règlement à l’amiable du dossier.
Ces viols touchent les filles des classes sociales les moins privilégiées
Mais les observateurs estiment que même si, sous couvert de relations pluriséculaires entres les parents de la victime et les proches du présumé auteur, un arrangement pourrait en découler en vue du retrait de la plainte et à l’extinction de l’aspect civile du dossier, il restera l’aspect pénal sur lequel les ONG des droits de l’homme pourraient peser pour que le présumé coupable de l’acte de viol ne puisse échapper à la condamnation.
Il faut noter que tous ces viols et crimes perpétrés contre de petites filles issues pour la plupart de classes serviles, celle des Harratines, sont intervenus dans un contexte marqué par un grand débat sur la Loi sur les violences faites aux femmes et aux filles. Alors que les ONG de défense des droits de l’homme plaident pour l’adoption de ce texte protecteur du droit de la femme en Mauritanie, une bonne partie de la classe conservatrice, dont certains religieux radicaux, a déjà entamé une campagne de dénigrement pour faire capoter l’adoption d’une telle loi.
Le Covid-19 n’a pas non plus facilité la vulgarisation de toutes ces affaires de viol, notamment celui d’Adel Bagrou. L’interdiction des rassemblements, des sit-in et des marches de protestations, les restrictions de voyages, ont empêché la mobilité des défenseurs des droits de l’homme et partant, les mouvements de protestation populaire qui auraient pu donner une plus grande envergure à ces différents crimes.
Cheikh Aïdara