Mauritanie – Pêche- Evaluation convention Poly Hong Dong: La nuit et le brouillard !

Mauritanie – Pêche- Evaluation convention Poly Hong Dong: La nuit et le brouillard ! Dix ans d’affilée. De jour, comme de nuit, plus d’une centaine de bateaux débarquent inlassablement leur production sur le quai de l’entreprise Poly Hong Dong à Nouadhibou.

Un bunker imprenable où seuls les responsables de la société et leurs mentors mauritaniens savent ce qui s’y passe. Retour sur les conditions d’attribution d’une convention qui continue de faire des vagues.

Juin 2020, le gouvernement mauritanien aura l’occasion d’évaluer la convention d’établissement signée en juin en 2010 avec la société chinoise POLY HONG DONG FISHERIES. Une première évaluation en avait été faite -entre quatre murs- en 2015.

Mais dix ans après, l’accord noué suscite toujours une vive polémique, non seulement sur les conditions de sa conclusion -qui intéressent aujourd’hui la commission d’enquête parlementaire mise en place pour fouiner dans les dépassements de gestion de l’ancien régime – mais aussi sur ses avantages et les défis qu’il continue de soulever pour notre pays pour les 15 ans à venir.

La Chine reste sans doute pour notre pays l’un des grands pays « amis». Mais cette amitié risque malheureusement de prendre un sérieux coup avec les dégâts liés à l’actuelle configuration de l’accord d’établissement entre l’une de ses filiales Poly Hong Dong et notre pays. Un accord qui lèse non seulement les intérêts du gouvernement mauritanien mais aussi et surtout celui des populations mauritaniennes. Une mission du fic est à présent à pied-œuvre dans notre capitale économique pour éplucher les documents de déclarations de l’entreprise.

Le péché originel

Ce n’est plus qu’un secret de polichinelle. Au plan économique, aucune étude sérieuse sur la faisabilité du projet n’a jamais été faite pour évaluer le programme d’investissement promis avec la conclusion de la convention d’établissement dans le domaine des pêches entre notre pays et la société chinoise Poly Hong Dong. Aucune modélisation, ni évaluation financière de l’investissement par simulation et montage des avantages douaniers et fiscaux. Tout semble avoir été fait dans une course contre la montre, et en catimini, pour placer l’opinion publique devant le fait accompli. Le fait du Prince ! Mais ce n’est probablement pas le seul tort aujourd’hui. En effet, alors que tous les avantages sont généreusement consignés, au profit de l’autre partie, les intérêts nationaux sont badés par les négociateurs mauritaniens. Même pas une étude d’impact environnementale exigée contre Poly Hong Gong fisheries dont les bateaux vont surpris en 2013 à « pêcher » des oiseaux protégés (fous-bassans).

De source informée, les négociations n’ont jamais véritablement eu lieu. C’est un accord sur mesures qui a été concocté par le partenaire des chinois, Ould YAHA, accusé être la face cachée de l’ancien président et qui avait la main sur tout le département des pêches et les institutions affiliées comme l’IMROP dont le DG avait soutenu la signature de cette convention face à la réticente d’une grande majorité de techniciens du Ministère. Mais il ne tardera pas, pour la petite histoire, à se frotter à l’ancien Chef des Garde Côtes Mauritanienne Cheikh Ould BAYA devenu conseiller du Ministre alors que la Convention était déjà signée et le protocole d’application en discussion.

Ould BAYA ne cachera pas son hostilité à cet accord quand il fut nommé conseiller technique du Ministre. On le sait aussi, consulté par son Ministre, Aghdafna Ould Eyih, pour avis, à propos du protocole et de la convention, Ould Baya avait courageusement -il faut le lui reconnaitre- pointé leur déséquilibre au profit du seul intérêt de Poly Hong Dong. Le ministre ne prend pas finalement compte de cet avis et un conflit ouvert s’est depuis déclaré et jusqu’à nos jours entre Ould Baya et Ould Yaha.

Au-delà des avantages innombrables de la convention, Poly Hong Dong a engagé un processus de concurrence déloyale et d’évasion fiscale en achetant du produit local et en assurant son exportation comme étant ses captures propres contournant ainsi la SMCP et la Douane etc.

L’une des tares cet accord porte aussi sur le déficit de verrouillage sur les possibilités de modifications du programme d’investissement (PI) qui peut être réduit jusqu’à 20% du montant global en laissant le champ libre pour l’investisseur pour les modifications éventuelles. C’est consigné dans la convention.

Le Titre II, Engagements réciproques (CE) n’évoque aucun engagement de l’investisseur. Seule la partie mauritanienne prend des engagements généreux au profit de l’investisseur (Voir Art, 3,4,5 et 6 du Titre II). Au titre des mouvements des capitaux, aucun rapatriement des devises n’est exigé de l’investisseur. L’article 9 est en porte-à-faux avec les réserves des devises du pays et leur exclusion de la balance des paiements sans compensation aucune. Quant aux emplois permanents à créer aucune condition objective ne les consacre. Depuis le début de cette convention, on n’a jamais atteint 1000 emplois alors que les conditions de travail sont inhumaines.

Mais cerise sur le gâteau le régime fiscal de la convention prévoit au titre d’impôt sur le bénéfice (BIC) une déduction de 20% pour constituer une réserve spéciale ( ?!). Cette réserve n’est pas justifiée et il n’est pas spécifier pour quel but elle a été créée.

Il faut aussi signaler qu’au début de l’exécution de la convention, Hong Dong et jusqu’en 2013, n’a pas respecté ses engagements à l’origine d’une mini-crise avec les autorités.

Captures, les ombres chinoises

Ce n’est un secret pour personne. La convention d’établissement signée en 2010 entre le gouvernement du président déchu, Mohamed Ould Abdelaziz, n’est pas née sous les meilleurs auspices. Hong Dong a mauvaise presse. Sans doute. Mais c’est bien plus du fait de l’opacité qui a entouré son irruption en Mauritanie que par rejet de coopération. Or, cette opacité se vérifie quand on tente de remonter le bilan de cette entreprise.

C’est la nuit et le brouillard. Pourtant, l’article 16 de la convention d’établissement, stipule que l’investisseur est tenu de se soumettre à tous les contrôles exigés par les services d’application et de suivi du Code d’Investissement et notamment des services des impôts, des douanes et des pêches. Durant nos investigations aucune trace des captures réalisées par ses bateaux dans notre Zone Economique Exclusive. De même pour les statistiques de ses exportations. Aucun bilan, ni de déclarations aux fisc mauritaniens. Les crédits d’impôts, exemptions, exonérations accordées dans le Titre III de la CE toute trace introuvable. Contrairement à la pratique des sociétés internationales aucun rapport d’activité annuel ne faillit à cette black out totale.

A postériori, l’on se rend compte aussi que ni la convention d’établissement, ni le protocole d’accord d’investissement signés par respectivement le Ministre des affaires économiques et du développement, de l’époque, Sidi Ould TAH et le Ministre des pêches et de l’économie maritime, Aghafna Ould Eyih, les deux documents n’évoquent aucun passage sur la rétrocession de l’investissement après arrivée à expiration de la convention en 2035. A qui appartiendront les installations réalisées dans le cadre du programme d’investissement et quelles seront les modalités pratiques de ce transfert à la Mauritanie et au profit de qui ? Et dans quel état seront les installations transférées ? Ce flou dénote d’une grande complicité (ou d’incompétence ce dont il est permis de douter) des responsables mauritaniens ayant initié et négocié ce projet.

Il est grand temps qu’une évaluation sérieuse de cette convention -et de toute autre engageant l’exploitation de richesses nationales- soit faite dans la transparence requise, loin des intérêts égoïstes et des dividendes sonnants et trébuchants au détriment de la collectivité nationale.

JD

Nous avons tenté de glaner ici et ailleurs des repères (discutables) pour des projections de production de Hong Dong dans nos eaux territoriales entre 2011 et 2019.

Pêche de fond

Source : Mauriweb (Mauritanie)