Deux mois après que son ancien patron, Mohamed Ould Abdel Aziz a provoqué l’ire des amis de Brahim Ghali, c’est au tour du candidat à l’élection présidentielle mauritanienne, Mohamed Ould Ghazouani d’aborder la question du Sahara occidental. Pour lui, la naturalisation des Sahraouis, dont il s’oppose, est une «trahison pour les Mauritaniens».
La question du Sahara occidental reste présente dans la campagne pour l’élection présidentielle en Mauritanie, prévue le 22 juin prochain. Après les déclarations d’Ahmed Ould Iyahi, chef de la Coalition populaire progressiste (opposition) en Mauritanie, qui a fini par se retirer de la course, c’est au tour de Mohamed Ould Ghazouani d’évoquer ce dossier.
Mercredi, alors qu’il se trouvait à Kaédi, ville au sud-est de Nouakchott, sur le fleuve Sénégal, l’ancien ministre de la Défense a déclaré devant ses partisans, lors d’un événement, qu’il n’«acceptera pas d’accorder la nationalité mauritanienne aux Sahraouis résidant à Tindouf ou ailleurs», s’il devient président.
En langue hassanie, celui donné comme favori au poste de président de la République mauritanienne islamique pour succéder à Mohamed Ould Abdel Aziz, a estimé que le fait de naturaliser «ceux qui prétendent être Mauritaniens est inacceptable». L’occasion pour lui de donner l’exemple des pays européens.
«En Europe, les pays n’accordent pas leurs nationalités à ceux qui déclarent être nés ou avoir des enfants là-bas. Cette question (de la naturalisation, ndlr) n’existe ni au Maroc, ni en Algérie, ni nulle part», ajoute-t-il.
«Il existe des personnes du Sahara occidental et de Tindouf qui déclarent être Mauritaniens, mais si nous leur donnons la nationalité nous aurons trahi le peuple mauritanien et nous aurons naturalisé des personnes qu’il ne fallait pas naturaliser.»
Des propos qui déplaisent aux pro-Polisario
Des propos qui font déjà sortir de leurs gongs certains sahraouis pro-Polisario sur les réseaux sociaux, alors que du côté de la direction du Polisario, c’est le silence. Certains ont dénoncé ce qu’ils considèrent comme la réduction «du peuple sahraoui à une simple carte électorale». D’autres ont fustigé une «crise d’identité que vivent les Sahraouis».
«Sommes-nous juste un joker électoral dans les pays voisins (…) ? Est-il préférable de prétendre que nous sommes sahraouis ou faisons-nous partie d’un autre pays ?», s’interroge l’un des internautes pro-Polisario avant de conclure : «Ould Ghazouani, vous avez raison. Nous ne nous sommes pas Mauritaniens».
De son côté, la page Facebook «Réseau médiatique sahraoui d’El Guerguerate», connue pour ses positions Pro-Polisario, a elle aussi commenté les propos du candidat mauritanien à la présidentielle et tenté de calmer le jeu, appelant à «ne pas regarder que la partie vide du verre». «Ould Ghazouani ne représente pas la position officielle mauritanienne, ni la position du peuple mauritanien sur la question du Sahara Occidental.
Il est juste un candidat choisi par l’armée», écrivent les amdinistrateurs de la page. Celle-ci a dénoncé un «usage abusif de la question du Sahara». «N’oublions pas la position noble d’un grand nombre de politiciens et de citoyens mauritaniens sur la question juste du peuple sahraoui», conclut-ils en rappelant la sortie médiatique de Mohamed Ould Mouloud, lui aussi candidat à la présidentielle «ayant soutenu le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination».
Deux mois après les propos d’Ould Abdel Aziz
La déclaration d’Ould Ghazouani, soutenu par Mohamed Ould Abdel Aziz, intervient deux mois après la sortie médiatique du président mauritanien sortant sur le conflit territorial au Sahara. En avril dernier, lors d’une interview accordée au journaliste palestinien Abdel Bari Atwan, le président mauritanien sortant avait affirmé que «l’Occident, les Etats-Unis et l’Europe ne veulent pas d’un Etat séparant géographiquement la Mauritanie et le Maroc». «Tout ce que vous entendez, en dehors de ce cadre, est faux», a-t-il confié. Une position qui a été mal accueilli par le Front Polisario.
Il est à rappeler qu’un grand nombre de Sahraouis de Tindouf disposent soit de la citoyenneté algérienne, soit la nationalité mauritanienne. Ils participent même aux rendez-vous électoraux dans les deux pays.
Le premier tour de l’élection présidentielle en Mauritanie aura lieu officiellement le 22 juin et le second tour le 6 juillet. Pour l’instant et sur les six candidats au fauteuil présidentiel, la course ne se joue qu’entre deux candidats : le général Mohamed Ould Ghazouani et le candidat Mohamed Ould Boubaker, ex-premier ministre sous les deux présidents Maouya Ould Sidi Ahmed Taya et Ely Ould Mohamed Vall.
Il s’agit de la première élection marquant une transition de pouvoir entre un président sortant et son successeur élu dans le pays habitué aux coups d’Etat militaires depuis 1978 et jusqu’en 2008.