Jeudi matin, l’armée avait prévenu d’une annonce «importante» qui avait provoqué la liesse parmi de nombreux Soudanais descendus dans la rue, persuadés de l’imminence de la fin du régime. L’armée a confirmé quelques heures plus tard avoir destitué Omar el-Béchir, quatre mois après le début d’importantes manifestations dans le pays.
«J’annonce, en tant que ministre de la Défense, la chute du régime et le placement en détention dans un lieu sûr de son chef», a déclaré le ministre de la Défense Awad Ahmed Benawf. Il a annoncé la création d’un «conseil militaire de transition» qui assurera l’intérim pendant deux ans. Jusqu’à nouvel ordre, les frontières et l’espace aérien ont été fermés et un cessez-le-feu a été décrété sur tout le territoire.
Selon le puissant service de renseignement du pays (NISS), qui a pourtant été le fer de lance de la répression des manifestations qui secouent le pays depuis décembre, tous les prisonniers politiques du pays ont été libérés. Le QG de ce même service avait été pris d’assaut dans la matinée par des manifestants.
Poursuivi pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide
Omar el-Béchir, 75 ans, dirige le Soudan depuis 1989 et un coup d’Etat contre le gouvernement démocratiquement élu de Sadek al-Mahdi, réalisé avec le soutien des islamistes. L’armée a d’ailleurs annoncé un raid dans les locaux du Mouvement islamique, la branche idéologique du Parti du Congrès National (NCP), le parti d’Omar el-Béchir.
Depuis 2009, Omar el-Béchir est visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour «crimes de guerre» et «crimes contre l’humanité», des faits remontants à la violente répression d’une rébellion au Darfour, en 2003, un conflit qui a fait plus de 300 000 morts selon les Nations unies. En 2010, l’accusation de «génocide» a été ajoutée, n’empêchant pas sa réélection la même année puis en 2015.
En 2011, l’indépendance proclamée du Soudan du Sud a entraîné la perte des trois quarts des réserves pétrolières du Soudan. En décembre dernier, le triplement des prix du pain ont entraîné d’importantes manifestations dans différentes villes du pays. La proclamation de l’état d’urgence, le 22 février dernier, avait ralenti le rythme des protestations. Mais ces dernières ont repris en intensité la semaine dernière, débouchant sur cette destitution d’Omar el-Béchir par l’armée.
Kahina Sekkai, avec AFP