Cheveux blancs et barbe blanche, Julian Assange a été porté hors de l’ambassade d’Équateur à Londres peu après 10 heures du matin par six policiers habillés en civil jusqu’à un fourgon de police. Le fondateur de WikiLeaks a été arrêté ce jeudi en vertu d’un mandat de juin 2012 délivré par le tribunal londonien de Westminster, pour non-présentation au tribunal.
Les États-Unis, où il est mis en examen pour piratage informatique ont également demandé son extradition. Il est accusé d’avoir aidé Chelsea Manning à obtenir un mot de passe pour accéder à des milliers de documents classés secret-défense ensuite révélés au public. Il a été placé en garde à vue dans un commissariat londonien et pourrait être présenté ce jeudi au tribunal de Westminster.
«Au Royaume-Uni, personne n’est au-dessus des lois», a commenté Theresa May.
WikiLeaks a rapidement réagi sur Twitter en accusant l’Équateur d’avoir «illégalement mis fin à l’asile politique d’Assange, en violation du droit international» et d’avoir «invité» la police britannique dans l’enceinte de l’ambassade. Edward Snowden, qui avait reçu le soutien logistique de l’organisation, regrette un «jour sombre pour la liberté de la presse». Moscou accuse Londres d’«étrangler la liberté». «Cela met la vie d’Assange en danger et humilie l’Équateur. Jour de deuil mondial», écrit l’ex-président équatorien Rafael Correa sur son compte Twitter. En accordant sa protection au fondateur de WikiLeaks, cette figure de la gauche sud-américaine avait trouvé une occasion en or de narguer Washington. Mais tout a changé en 2017, avec l’arrivée au pouvoir de Lenin Moreno, pour qui la présence de l’Australien constituait désormais un «problème».
Déguisé en coursier
Le président équatorien a défendu le retrait du statut d’asile à Julian Assange, une décision présentée comme «souveraine». Quito a récemment dénoncé des atteintes répétées de la part de Julian Assange aux règles régissant ses conditions d’asile dans son ambassade. Depuis octobre, un protocole régulait notamment ses visites et ses communications à l’intérieur de la légation, et prévoyait aussi que son non-respect implique un retrait de l’asile. «L’attitude irrespectueuse et agressive de Julian Assange, les déclarations discourtoises et menaçantes de son organisation envers l’Équateur ont fait que la situation est arrivée à un point où l’asile (…) est insoutenable et invivable», a justifié Lenin Moreno. Wikileaks a encore accusé mercredi les autorités équatoriennes d’avoir espionné Julian Assange dans l’ambassade.
L’Australien de 47 ans, qui vient également d’être déchu de sa nationalité équatorienne, y a trouvé refuge le 19 juin 2012, déguisé en coursier, pour éviter d’être extradé vers la Suède, où il était accusé de viol. Bien que le dossier soit depuis classé, Londres s’était refusé à lui accorder un sauf-conduit, maintenant un mandat d’arrêt ordonné à son encontre pour violation de sa liberté conditionnelle décrétée dans le cadre du dossier suédois. Mais Julian Assange disait surtout craindre d’être arrêté puis extradé aux États-Unis pour la publication en 2010 sur son site de milliers de documents confidentiels du département d’État américain et du Pentagone, repris dans les médias du monde entier. Il ne sera pas extradé vers un pays où il risque la peine de mort, a déclaré Lenin Moreno.
WikiLeaks, fondé en 2006, s’est fait connaître du grand public trois ans plus tard avec la publication de centaines de milliers de messages de bipeurs envoyés aux États-Unis le 11 septembre 2001. L’ONG est ensuite allée crescendo dans ses révélations, publiant la vidéo d’une bavure de l’armée américaine en Irak, puis des milliers de documents militaires sur l’Afghanistan. Au total, le site revendique avoir publié «plus de 10 millions de documents» concernant la finance, le divertissement ou la politique. Mais l’image de son fondateur s’est depuis brouillée avec la diffusion, en 2016, à un moment clé de la présidentielle américaine, de milliers de courriels piratés provenant du Parti démocrate et de l’équipe d’Hillary Clinton, qui ont contribué à discréditer la candidate.
Le Figaro
Source : Le Figaro (France)