Le saccage de l’ambassade de Mauritanie à Paris : causes et conséquences

Si la politique est l’art de gérer les affaires de la cité(polis) afin que les citoyens soient heureux, la diplomatie elle, est l’un des multiples moyens mis cette fois au profit des politiques en vue de concrétiser sans violence les aspirations de leurs peuples, le plus souvent par le biais de relations inter-étatiques.

Ainsi les prouesses d’un diplomate chevronné accrédité dans un pays tiers ne se mesurent pas à la seule satisfaction ponctuelle de sa diaspora mais surtout à la prise en charge de tous les enjeux doctrinaux de son pays et ceci pour le court et le long terme.

En ce qui concerne des pays en développement comme la Mauritanie où le rôle de l’ambassade est encore au stade « endogène » (enrôlement, état-civil, autorisation de voyager, bourses universitaires etc…) la mission factuelle pour ne pas dire prosaique, peut-être menée par n’importe quel chargé d’affaires pourvu qu’il soit nanti de bonne moralité, de tact mais aussi étoffé d’une pincée de patriotisme.

Malheureusement depuis la nomination désobligeante en 2012 de l' »ambassadeur extraordinaire » Mohamed Mahmoud Ould Brahim Khlil en France, Paris est (permettez-moi l’expression d’un personnage balzacien) devenu « un bagne d’où il faut s’en évader », du moins en ce qui concerne en tous les ressortissants mauritaniens.

En effet dès son arrivée en Hexagone, on aurait cru Ould Khlil ne prendre que des décisions ataviques liées à son cursus. Certes l’homme a pris justement une vengeance sur son « Histoire », en ayant travaillé jadis comme « attaché de presse » dans cette même Ambassade sans la gloriole, avant de la « diriger » cette fois vers le précipice. En effet il lui a fallu moins de deux semestres pour ternir l’image de la république mauritanienne par des agissements dont il a seul le secret.

Franchement, Ould Brahim Khlil était-il le bon choix, Mr le président de la République? Pourquoi le pouvoir, n’ignorant pas l’idiosyncrasie de son légat, son incompétence notoire, l’a-t-il propulsé au devant de la scène avec comme seule arme l’illusion de prétendre diriger le fleuron de notre mission diplomatique dont la sensibilité n’a d’égale que sa préeminence régalienne,autrement stratégique?

Fallait-il échafauder autant d’allant, d’ailleurs masochiste pour satisfaire un iconoclaste agoraphobe?

1/ Ould Brahim Khlil ou l’enfant chérie de la République

Il faut reconnaitre que Ould Brahim Khlil a été l’un des prémiers soutiens du colonel Aziz au moment où le futur président,assurant la sécurité de Mawiya se cherchant un destin, était constamment vilipendé, taclé par des officiers proches, de par leurs liens consanguins avec l’actuel hôte de l’émirat du Qatar.

De la rivalité après le retour d’Ould Abdel Aziz au BASEP à la fin des années « 90 » entre le clan des « faucons » diligenté alors par les colonels Arbi Jedein, Ould Vaida et Cheikh Ould Chrouv. et, celui des « colombes » incarné par Ould Abdel Aziz, son alter égo Ould Ghazwani, l’on pouvait constater que Ould Brahim Khlil rejeté par ses cousins du sérail, a su miser précocement la carte du tombeur d’Ould Taya.

Les colombes ayant triomphé en Août 2005, on croyait que ce flair de « chien d’Ulysse » allait prédestiner notre futur ambassadeur à jouer longtemps et de manière habile dans la cour des grands. Si bien que des relations matrimoniales sont venues consolider les liens entre les deux hommes. C’est ainsi qu’en prenant le pouvoir, Aziz a tendu la perche à l’attaché de presse Ould Khlil en le bombardant à l’Unesco, ensuite comme ministre, enfin comme ambassadeur.

Nous connaissons tous l’histoire de « calamity- Khlil » partout où il a prétendu servir son pays. Et nous en déduisons qu’aucun ambassadeur à sa place ne pouvait béneficier d’autant de grâce sans provoquer de disgrâce.

2/ Mercredi 7 mai 2014, le saccage de l’ambassade

Qu’on ne se trompe pas, chaque conséquence a une cause soit lointaine soit immédiate comme le déterminisme scientifique, à savoir que les mêmes causes produisant les mêmes effets. Et l’arrivée d’Ould Khlil qui ne souffre pas d’exception a fait surgir à la conscience claire ce qui, refoulé, bouillonnait dans l’inconscient collectif des mauritaniens de la diaspora.

De quoi s’agit-il? Notre diaspora est composée de travailleurs Soninkés établis en France depuis les années « 60 » pour certains et qui n’ont jamais rien demandé à leur pays. Ensuite à partir des années « 90 » suite aux évenements douloureux des centaines de militaires Peuls et leurs familles sont venus s’installer en Hexagone. Beaucoup ont choisi la nationalité française en plus de la leur.

D’autres mauritaniens sont aussi en France mais sans papiers, pris au piège de ne pouvoir retourner au pays sans titre de séjour mais surtout de ne pouvoir se recenser. Tous ces mauritaniens ont un point commun; le fait de se sentir discriminer. Si l’objectif du recensement biomètrique est l’acquisition d’un état-civil fiable,en faisant la distinction entre les mauritaniens vivant en Europe et les autres ressortissants de l’Afrique subsaharienne, il a manqué aux initiateurs le lien pédagogique qui aboutisse à une démonstration explicative et équitable.

Nous savons que ces derniers (qu’ils soient sénégalais, maliens, ghanaens etc..) ont acheté les anciennes pièces d’identité en carton jaune par milliers pour s’octroyer le statut de » réfugiés mauritaniens ». J’ai connu des patriotes Peuls mauritaniens qui s’offusquaient de ces pratiques en les denonçant haut et fort. Voilà le noeud du problème.

L’ambassade devrait dans ce cas faire un travail de fourmis pour discuter de ces deux points essentiels, à savoir la double nationalité, le statut des mauritaniens sans-papiers et qui sont à l’origine de toutes les manifestations, de toutes les dénonciations etc.. Que dit la loi dans ce cas?

Le saccage de l’ambassade le 7 Mai n’est pas lié seulement à la marche de quelques rapatriés de Boghé à Nouakchott. C’est juste une cause occasionnelle pour passer à l’action après tant de frustrations auprès d’un ambassadeur incapable de trouver les mots justes, les formules adéquates! Cependant la destruction des biens publics est une mesure néfaste,elle peut même être contre-productive.

J’ai vu moi-même le bureau et le sécretariat de l’ambassadeur qui semblent être visités par des lutteurs sénégalais en furie. Le colonel attaché de défense, malgré ses sommations: « je suis cardiaque, je suis cardiaque » n’a malheureusement pas été entendu car on lui a balancé son ordinateur « tout en un » et sa commode.

Mohamed Ould Md El Abd a eu plus de chance, à cet instant il était accompagné des jeunes diplomates Oumar Ould Mohamed Babou, Jar Nalla, du chef du protocole Mohamed Mahmoud Ould Mohamed, qui ont pu empêcher les manifestants de casser le mobilier de notre imputrescible attaché culturel installé au 2ème étage de l’immeuble malgré son handicap physique.

3/ Plus Jamais ça
Le saccage de l’ambassade de Mauritanie à Paris, l’intervention de la police française, la garde à vue des étudiants n’honorent pas notre pays. Et pourtant si la Mauritanie disposait d’un chancelier probe et compétent, nous n’en serions pas là à comptabiliser le mobilier détruit, ni à élaborer des procédures judiciaires contre nos enfants, encore moins à mécontenter nos ressortissants.

Une chose est sûre, le passage d’Ould Brahim Khlil à Paris, après Bruxelles et qui ne s’occupait que du volet financier, a laissé des boursouflures livides, un personnel de l’ambassade déboussolé, un ministère des Affaires Etrangères tourmenté.

Même le président Ould Abdel Aziz dont les ordres n’étaient pas exécutés n’a pu échapper à la « Khlil-mania ». Ne faut-il pas en tirer les conséquences pour ne pas inciter à une éventuelle émulation emphatique?

Capitaine Ely Ould Krombele