1er. 22 Août 2007 : État de droit, démocratie, concours internationaux : Il y a juste dix ans, les débuts au pouvoir du président Sidi Mohamed Oud Cheikh Abdallah

Pour situer les débuts d’une nouvelle période dans le régime né d’un coup militaire – le 6 Août 2008 – et dont les caractères autoritaires sont renforcés par le référendum du 5 Août 2017, ce qu’il se vivait il y a dix et neuf ans parle clairement. Ma source principale est l’Agence France Presse, puisque dans la semaine du putsch, les dépêches lui étant antérieures, sont devenues inaccessibles, à partir du site de l’Agence Mauritanienne d’Information. L’Histoire falsifiée ou occultée pour changer le drapeau national, l’Histoire immédiate – celle d’une dictature – interdite de tout précédent et de toute cause.     BFF

Le 2 Août 2007, commencent dans le Hodh Charghi, des manœuvres militaires combinant des forces américaines et des forces mauritaniennes[i], et le lendemain 3 Août 2008, le ministère de l’Intérieur annonce avoir légalisé dix-huit nouveaux partis dont un formation islamiste et deux présidées par des femmes [ii].

La promotion de la femme est notée également en éducation nationale puisque deux jeunes filles sont primées par l’U.N.I.C.E.F. : Fatimettou Mint Mohamed Dehi a été reçue au baccalauréat à douze ans… et Safia Mint Mohamed Yahya, entrant au collège à neuf ans… Les filles sont scolarisées à 90%, et plusieurs des bachelières de cette fin d’année scolaire le sont en mathématiques [iii]. Cette promotion est un accès aux plus hautes et pratiques responsabilités : depuis son investiture présidentielle, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi a déjà nommé deux femmes ambassadeur, l’une à Paris et l’autre à Genève. Le 29 Août, deux femmes sont nommées gouverneur, Khadijetou Mint Boubou, en Inchiri (elle avait dirigé l’office du Tourisme et même été secrétaire d’Etat à l’état-civil à l’époque de Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya) et Lemina Mint Moma, gouverneur du Tagant (elle était adjointe du gouverneur de Nouakchott).  Le 2 Août précédent, le Premier ministre, Zeine Ould Zeidane, avait laissé prévoir que « la femme mauritanienne accèdera bientôt à des postes de commandement au niveau de l’administration territoriale, renforçant ainsi sa participation dans la prise de décision ».[iv]  Au Parlement, 20% des sièges sont occupés par des femmes, et plus de 25% dans les conseils municipaux : c’est le fait de la junte qui a mis fin à plus de vingt ans de règne de Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya et organisé, veillé la transition démocratique d’Août 2005 à Mars 2007.

 

En revanche, la légalisation des islamistes est le fait personnel du président démocrate. Par la voix de son chef, Jemil Ould Mansour, le Rassemblement national pour la réforme et le développement communique aussitôt que « cette qualité d’islamiste n’est pas le propre de notre parti. Tous les partis mauritaniens sont islamistes en ce sens que la Constitution renvoie à l’islam comme référence… Nous sommes reconnaissants à notre peuple qui n’a jamais cru aux accusations faites pour ternir notre image, qui n’a jamais cru que nous sommes extrémistes, mais que nous appartenons à une philosophie du juste milieu et que nous sommes tout à fait modérés. Nous rejetons la violence et l’extrémisme. Nous sommes attachés aux principes de la démocratie pluraliste et au libéralisme économique » [v]. Le R.N.D.D. tiendra prochainement son congrès constitutif, et réclame que ses élus, jusque là sans étiquette soient comptés pour les financements publics prévus pour les partis. Le porte-parole du ministère, Sidi Yeslem Ould Amar Cheine confirme : « La reconnaissance par le ministère de ces dix-huit partis doit être comprise dans le sens de la consolidation des acquis démocratiques dans le pays, et une façon de donner à tous ceux qui en ont le désir, l’occasion de participer à la construction nationale. L’Etat veillera au respect de la loi, dans le cadre de notre jeune démocratie où le rôle des partis politiques demeure essentiel. L’extrémisme et la violence sont interdits par la réglementation en vigueur ».

 

C’est donc dans une ambiance particulièrement apaisée qu’Américains et Mauritaniens s’attaquent au « triangle de la mort », selon des exercices devant durer un mois. Immigration illégale, trafic de la drogue [vi], surveillance des frontières… pour Washington, il s’agit « d’assurer une stabilité à long terme dans les régions du Sahel et du Maghreb. La République Islamique de Mauritanie faisait partie de l’initiative américaine « Pan-Sahel » lancée en Décembre 2002 et qui avait pris fin en 2005 : le Tchad, le Niger et le Mali étaient également concernés.

 

Et c’est aussi pour profiter d’un nouvel Etat de droit en politique intérieure, qu’il est envisagé par le nouveau président de la République, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, lui-même élu à la tête de l’Etat le 25 Mars 2007 comme indépendant, d’organiser avec d’autres indépendants la majorité parlementaire qui n’est alors qu’innommée et de fait. Déjà, le 8 Août, est votée à l’unanimité une loi criminalisant pour la première fois l’esclavage [vii], ce qui est reconnaître qu’il persiste en pratique, malgré son abolition par ordonnance militaire en 1981 et une loi de 2003 en renforçant la répression.. Ces textes étaient contestés par les associations de défense des droits de l’homme pour leur laxisme et la faiblesse des peines édictées. Ce faisant l’Assemblée exauce le souhait présidentiel du 30 Mai et Boubacar Ould Messaoud, président de SOS-Esclaves, qui a fait une très active campagne auprès des députés les faisant aggraver en échelle des peines le projet gouvernemental, assure : « nous sommes très satisfaits, c’est une grande victoire pour les démocrates et le peuple mauritanien et qui n’aurait pas été possible sans cette volonté politique du président et de son gouvernement. Nous avons obtenu une caractérisation satisfaisante de l’esclavage suivant ses manifestations et nous sommes parvenus à une pénalisation basée sur l’islam, et de ce fait obtenu l’abrogation de l’article de la loi de 1981 accordant des compensations aux anciens maîtres. »

 

La seule « ombre au tableau » apparaît dans la relation avec la presse. Des dizaines de journalistes mauritaniens, tous statuts publics et privés confondus, manifestent les 17 et 20 Août, devant le siège de l’Agence Mauritanienne d’Information (l’A.M.I.) contre l’agression d’un des leurs par la garde rapprochée du Premier ministre Zeine Ould Zeidane. Mohamed Mahmoud Ould Moqdad aurait été « passé à tabac, le 16, tandis qu’il « couvrait » une visite du Premier ministre au ministère de la Santé. Reporters sans frontières juge aussitôt que c’est « un retour en arrière » alors que « des avancées en matière de liberté de la presse » avaient été notées dans les dernières années [viii]. Dans le même temps, le rédacteur en chef du quotidien indépendant El Bedil Athalith (trad. La troisième voie), Sidi Mohamed Ould Ebbe doit répondre le 22 Août devant le tribunal correctionnel d’une mise en cause de l’épouse du président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi : celle-ci, forte de sa position, mobiliserait des financements pour l’organisation caritative qu’elle a fondée [ix]. Le 22 Août [x], par coïncidence ? Le gouvernement tient à « réaffirmer sa détermination à garantir la liberté de la presse et à sauvegarder les droits de chaque citoyen » : le procès de presse est reporté au 27.

 

L’ensemble de ces éléments si nouveaux pour la Mauritanie a des conséquences heureuses : le long terme de nouveau est possible.

 

Les investissements d’équipement reprennent. Un troisième opérateur de téléphonie mobile [xi], Chinguitel, de capitaux soudano-mauritanien, apparaît le 23 Août, pour 220 millions de dollars entend couvrir les zones restées en déshérence. Significativement, c’est la première intervention de Sudatel, hors du Soudan. Un accord est signé avec un consortium soudano-chinois le 4 Août [xii]. Un chemin de fer, long de 430 kilomètres, reliera la capitale à Bofal, non loin de Kaédi, sur le Fleuve, où a été reconnu un important gisement de phosphate. Le coût du projet est évalué à 620 millions de dollars mais l’étude de faisabilité datant de cinq ans doit encore être actualisée.  Le 20 Août, la Société nationale industrielle et minière (S.N.I.M.) signe avec la China Minmetals corporation une vente annuelle de 1,5 million de tonnes de minerai de fer [xiii], soit 21% de la capacité de production mauritanienne et 18% de la production prévue pour 2010. Murchison, compagnie minière australienne, qui a mis en évidence le potentiel de la Guinée en uranium [xiv], communique en même temps sur les six licences d’exploration du même minerai, qu’elle vient de recevoir en Mauritanie [xv] à la suite de résultats encourageants obtenus en Octobre 2006, la dernière, le 28 Juin [xvi]. Des forages commenceraient à Bir En Nar (Tiris-Zemmour). Le secteur minier mauritanien compte pour 12% du produit intérieur : on a beaucoup avancé depuis l’époque fondatrice où Miferma employait davantage que l’Etat naissant et couvrait, par sa fiscalité, une part équivalente du déficit budgétaire mauritanien que la subvention dite d’équilibre versée jusqu’en 1963 par l’ancienne métropole. Les réserves sont évaluées à 22,6 millions de tonnes en minerai de cuivre, 120 millions de tonnes en sel, 160 millions en phosphate et 185 millions en minerai de fer. La S.N.I.M., détenue à 78,35% par l’Etat mauritanien croit pouvoir produire annuellement dans la décennie 19 millions de tonnes de minerai.

 

L’entraide internationale est aussitôt acquise quand des pluies diluviennes, le 8 Août, causent plusieurs morts et sinistrent complètement Tintane [xvii] à 700 kilomètres au sud-est de Nouakchott. Le président de la République avait demandé, le 29 Juillet, aux imams de faire prier pour la pluie. Cette « nouvelle catastrophe a obligé le gouvernement à réfléchir à une solution définitive car Tintane, forte de 60.000 habitants, a toujours vécu sous la menace. Cette fois, « tout le commerce de la ville a été englouti par les eaux » et les dégâts se chiffreraient à plusieurs dizaines de millions d’euros. Abderrahmane Ould Hemma Vezzaz, ministre des Finances, ayant rencontré des bailleurs de fonds arabes, européens ainsi que les institutions spécialisées des Nations Unies, annonce, le 11 Août, la mise en place d’un fonds spécial pour le relogement des familles les plus exposées : entre 2.000 et 2.500 [xviii] et recense dix-huit communes exposées aux mêmes risques que Tintane [xix]. La Libye achemine deux cargos chargées de vivres et de matériel de survie [xx], le Maroc promet autant [xxi], la Tunisie aussi [xxii],  puis le Qatar apporte, par avion, 48 tonnes de matériel et aussi de médicaments [xxiii] que vont instrumenter une quarantaine de médecins et de militaires spécialisés dans ce genre de catastrophe. Le roi d’Arabie saoudite donne [xxiv] 20 millions de dollars au Soudan, encore plus durement touché par les inondations et les ruptures d’adductions d’eau, et à la Mauritanie.

 

L’été de 2007 manifeste un nouveau cours de l’histoire nationale : plus qu’un changement de régime et la fin de l’autoritarisme, la détente et la mise en œuvre des ressources humaines et naturelles du pays. La politique doit, elle surtout, le soutenir. Les parlementaires dits « indépendants » et les soutiens de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi seront rassemblés, sur la base du volontariat en un grand parti gouvernemental et majoritaire, sans que le président de la République, par tempérament autant que par respect de la révision constitutionnelle adoptée par referendum le 25 Juin 2006, en prenne personnellement la tête. Le maître d’œuvre est le ministre secrétaire général de la présidence, Yahya Ould Ahmed El Waghf.

 

Un an plus tard, tout aura changé… mais à la différence de tous les coups de force en Mauritanie depuis celui du 10 Juillet 1978, le putsch du 6 Août 2008 est vivement et tenacement contesté à l’extérieur du pays et surtout à l’intérieur.

 

 

[i]Agence France presse Nouakchott . 2 Août 2007 . 21 heures 16

 

[ii] – jusqu’alors, seule Naha Mint Mouknass dirigeait un parti, hérité de son père Hamdi, inamovible ministre des Affaires Etrangères (1970.1978) du président-fondateur Moktar Ould Daddah : l’Union pour la démocratie et le progrès, U.D.P.

 

[iii]Agence France presse Nouakchott . 7 Août 2007 . 14 heures 39

 

[iv]Agence France Presse Nouakchott . 29 Août 2007 . 20 heures 54

 

[v] – sous l’étiquette d’indépendants, la nouvelle formation compte déjà au Parlement cinq députés et trois sénateurs ainsi que de nombreux conseillers municipaux, dont quelques maires. Les régimes militaires successifs avaient toujours refusé de légaliser un parti se disant islamiste

Agence France presse Nouakchott . 3 Août 2007 . 18 heures 33 & 7 Août 2007 à 18 heures 38

 

[vi] –  Agence France Presse Nouakxchott . 13 Août 2007 . 17 heures 09 – sans relation directe avec les opérations militaires, un minibus est arrêté dans le quartier populaire d’El-Mina à Nouakchott : 830 kilos de cocaïne d’une valeur de 37 millions d’euros et le fils de Mohamed Khouna Ould Haïdalla est poursuivi par la justice belge, alors qu’il a déjà été interpellé et reste écroué au Maroc – ibidem 14 Août 2007 . 18 heures 26 – les mêmes deux Mauritaniens du minibus avaient déjà été inculpés le 17 Juillet précédent : 600 kilos de drogue interceptés à Nouadhibou, ibidem 15 Août 2007 . 16 heures 11

 

[vii]Agence France presse Nouakchott . 8 Août 2007 . 00 heures 41

 

[viii]Agence France Presse Nouakchott . 20 Août 2007 . 18 heures 32

 

[ix]Agence France Presse Nouakchott . 18 Août 2007 . 15 heures 58

 

[x]Agence France Presse Nouakchott . 22 Août 2007 . 13 heures 31

 

[xi] – la première licence GSM avait été accordée en 2000 à un groupe mauritano-tunisien : Mattel. La seconde en 2001 à Mauritel, déjà présent sur le réseau fixe – Agence France Presse Nouakchott . 23 Août 2007 . 20 heures 13

 

[xii]Agence Mauritanienne d’Information (AMI) & Agence France presse Nouakchott . 4 Août 2007 . 16 heures 02 – Danfodio soudanaise et Transtec chinois

 

[xiii]Agence France Presse Nouakchott . 20 Août 2007 . 19 heures 32

 

[xiv]Agence France Presse Nouakchott . 18 Août 2007 . 00 heure 13

 

[xv]Agence France Presse Nouakchott . 18 Août 2007 . 00 heures 55

 

[xvi]Agence France Presse Nouakchott . 18 Août 2007 .  02 heures 20

 

[xvii]Agence France presse Nouakchott . 8 Août 2007 . 21 heures 06 et 9 Août 2007 . 01 heure 00 . 13 heures 42 – Un rapport de SOS-Esclaves considère l’esclavage en Mauritanie « peu violent mais persistant en milieu Bihan et sous forme de survivances de comportements esclavagistes au sein de la communauté négro-africaine » : de nombreux esclaves n’ont pas conscience de leur condition

 

[xviii]Agence France Presse Nouakchott . 11 Août 2007 . 21 heures 45

 

[xix] – le 31 Août, importants dégâts des eaux à N’Diadbeni dans le Gorgol,  Barkeol dans l’Assaba et Kankossa est très menacée.  – Agence France Presse Nouakchott . 31 Août 2007 . 19 heures 20

 

[xx] – Agence Mauritanienne d’Information . 11 Août 2007

 

[xxi] – Agence France Presse Nouakchott . 12 Août 2007 . 21 heures 06

 

[xxii] –  Agence France Presse Nouakchott . 13 Août 2007 . 13 heures 06

 

[xxiii]Agence France Presse Nouakchott . 16 Août 2007 . 13 heures 26

 

[xxiv] – Agence France Presse Nouakchott . 17 Août 2007 . 19 heures 24

Source : le calame