Le discours de Néma: Entre la falsification de l’opposition et l’ambition de la majorité

Le 03 mai 2016, Son Excellence le Président Mohamed Ould Abdel Aziz a prononcé un discours devant des milliers de citoyens massés dans l’une des places de la ville de Néma, lequel discours a été très vite délibérément falsifié par les dirigeants de l’opposition qui l’ont encadré dans la polarité politique caractérisant la scène politique générale de notre pays depuis un certain temps.

A la lumière de cette falsification et des retombées qui marquent au niveau national le discours politique circulant aujourd’hui parmi l’élite, nous avons décidé de faire quelques remarques, en soulignant le contexte général ayant fondé cette falsification et les réponses qu’elle a suscitées.

1. Le contenu du discours: On peut résumer les idées mentionnées dans le discours de Monsieur le Président dans les points suivants:

 

a.  Un exposé descriptif de la situation générale du pays, en particulier dans les domaines politique, économique et sécuritaire, dans lequel il a rappelé certains projets achevés et en cours de réalisation comme les Projet Aftout Essaheli, Aftout Echargui et Dhar et ceux liés à la généralisation de la connexion électrique. Dans le domaine politique et sécuritaire, Monsieur le Président a loué la situation de stabilité et de sécurité que vit le pays qui peut plus que jamais protéger tout le territoire national et surveiller ce qui s’y passe avec précision, dans un monde marqué par les conflits et les tensions, notamment au niveau régional.

Sur le plan social, le Président a abordé l’esclavage en tant que phénomène connu par le monde depuis l’aube de l’histoire, en regrettant les séquelles dans notre pays, lesquelles se manifestent dans la misère aux niveaux matériel et spirituel, c’est à dire la pauvreté et l’ignorance.

Il a souligné le danger de la reproduction anarchique à cause de l’ignorance, l’irresponsabilité et ses conséquences comme la perte des enfants et la misère qui nourrit les conditions difficiles causées par les séquelles de l’esclavage et d’autres aspects de la pauvreté.

Le Président a annoncé sa volonté d’organiser un dialogue entre toutes les composantes du spectre politique prêtes pour cela et son intention de proposer la dissolution du Sénat et la mise en place des conseils régionaux, à travers un référendum dans lequel les citoyens peuvent approuver des amendements constitutionnels.

 

 

2.  Le contenu de la falsification du discours par la direction de l’opposition:

Dans leurs sorties médiatiques et leurs marches, ils ne se sont pas donnés la  peine d’exposer le contenu du discours du Président ni de répondre à sa substance  globalement et en détails, mais ils ont mobilisé toute leur imagination pour le fausser loin de l’honnêteté et de l’objectivité, en prétendant que le Président a attaqué une certaine couche quand il a parlé de l’importance du planning familial, alors qu’en vérité cela constitue une exigence du développement, apparue depuis le début du XXème siècle par le biais des théoriciens de la rationalisation du développement et adoptée par la communauté internationale à travers les organes des Nations Unies et leurs programmes de développement pertinents, indépendamment de leur appartenance clanique, géographique ou ethnique.

S’agit-il  des surenchères politiques, de la manipulation des fondements de l’unité nationale et de l’instrumentalisation du machiavélisme en politique ?

3. La majorité et le discours du Président: Si la majorité a repris l’initiative politique à la lumière du discours du Président quand il a fixé une date pour le dialogue et certaines des propositions qu’il pourrait aborder comme la dissolution du Sénat et la mise en place de conseils régionaux, la fièvre de la falsification déclenchée par les dirigeants de l’opposition a imposé à la majorité une situation de défense temporaire, cristallisée dans une intense activité du Parti au pouvoir sous la direction et l’encadrement directs de Maître Sidi Mohamed Ould Maham et les sorties médiatiques de certains hauts responsables politiques qui ont rarement parlé aux médias. Cette activité s’est concentrée sur la présentation fidèle du contenu du discours, des arrière- pensées de sa déformation par les dirigeants de l’opposition et du danger de cette falsification, en particulier dans certains de ses paragraphes qui ont ciblé le cœur de l’unité nationale et profané sa sacralité et le degré de relation de cela avec la sécurité et la stabilité du pays en général, tout en soulignant les différentes réalisations accomplies sous le régime du Président Mohamed Ould Abdel Aziz dans tous les domaines, lesquelles ont dépassé aux niveaux quantitatif et qualitatif les réalisations des différents régimes politiques successifs au cours de 60 années de gouvernement du pays et que les différents leaders de l’opposition ont gouverné le pays directement ou indirectement et béni toute la marche du sous- développement vécue par le pays, y compris les séquelles de l’esclavage qu’ils tentent de commercialiser aujourd’hui, faisant fi des intérêts supérieurs du pays et ignorant le diagnostic scientifique et historique de ce phénomène dans ses diverses dimensions.

 

4.   Lecture en deux positions:

 

a.  Au niveau du discours de l’opposition: Peut-être le premier paradoxe au niveau de l’effort descriptif à caractère falsificateur du discours de l’opposition c’est son abstention d’aborder les différents paragraphes contenus dans le discours du Président, notamment en matière de mise en cause, pourquoi n’attaquent- ils pas l’idée de l’abolition du Sénat en mettant l’accent sur les raisons de son maintien? Pourquoi ne réfutent-ils par les chiffres de la situation globale de l’économie nationale et des finances publiques? Pourquoi ne mettent-ils pas en évidence que les projets abordés à caractère stratégique, comme Dhar, Aftout Echargui, les sociétés de production de l’électricité et les projets de connexion les fondant ne sont pas faisables et ne contribuent pas à déclencher et à approfondir une révolution nationale en matière de développement? Pourquoi ne plaident- ils pas en demandant de ne pas proposer des conseils régionaux, sous prétexte qu’ils sont inutiles? Ce sont là des questions qu’ils ont délibérément ignorées et omises, en axant sur la falsification du paragraphe sur le contrôle des naissances, alors que personne ne nie l’importance de cette mesure dans l’élaboration de politiques sérieuses de développement, faisant du bien-être des citoyens leur premier objectif et jetant les bases d’une société dirigée par la raison et l’intérêt, une société dirigeant son avenir par la planification et l’anticipation, au lieu de se trouver conduite par une réalité démographique, politique et économique régie par l’anarchie, comme nous le voyons dans nombre de pays ?

Veulent- ils par cette falsification discréditer le régime, fût- il en allumant la sédition, quelles qu’en soient les conséquences?

Ils  ont mis l’accent sur le caractère sacré de la Constitution et l’impossibilité de la modifier avec l’espoir de fermer la porte à la possibilité d’étendre le mandat du Président Mohamed Ould Abdel Aziz après l’automne 2019.

Cette logique se base sur l’instrumentalisation politique orientée, au lieu d’aborder le texte et le contenu du discours d’un point de vue scientifique innocent. Cette logique va de pair avec le refus du dialogue par l’opposition depuis 2010 jusqu’ à nos jours, parfois sous l’influence de ce qu’on appelle absurdement  « le Printemps Arabe » et tantôt sous prétexte de la réponse écrite sur « les préalables » du dialogue, logique compatible avec le slogan « dégage » brandi par l’opposition contre un système de gouvernement à l’élection duquel elle a participé et a même organisé et supervisé le scrutin quand elle dirigeait en 2009 la majorité des ministères qui comptent, y compris l’Intérieur et l’Information. Ceci préserve-t-il la Constitution qu’il contredit dans le fond et la forme?

Logique conforme à l’approche d’aggravation et la stratégie de confusion appliquée par l’opposition depuis 2009, parfois par les manifestations et les demandes de départ du Président, tantôt en créant des organisations de masse pour la diversion comme  « Many chari gasoil », « 25 février » et autres… ayant pour but d’aggraver la situation et de maintenir la continuité de l’instabilité, avec l’espoir que cela aboutisse un jour à un changement inconstitutionnel? Est-ce conforme à l’esprit et à la lettre de la Constitution?

 

b.  Au niveau du discours de la majorité: Par contre, certains leaders de la majorité considèrent la dissolution du Sénat comme une réponse aux aspirations de la majorité de l’élite politique qui voit dans cette institution une reproduction presque aveugle d’expériences sans aucun lien avec la réalité du peuple mauritanien.

En effet, tous savent ou feignent d’ignorer que la chambre haute appelée dans la littérature libérale le Sénat a été créée pour permettre à certains pays européens de faire représenter les secteurs les plus conservateurs qui n’ont pas été toujours en mesure au temps de la marée gauche au cours du dernier quart du XVIIIème siècle et au début du XIXème d’entrer aux parlements européens et sa seule chance fut l’organisation de scrutins indirects dans des régions et des fiefs sur lesquels les conservateurs ont exercé l’influence plusieurs siècles durant. Où sommes-nous de cette expérience?

D’autre part, certains parmi l’élite soutenant le Président Aziz estiment que les conseils régionaux sont susceptibles d’approfondir et de diffuser les différents éléments du développement dans chaque Wilaya selon ses caractéristiques et qu’ils constituent une politique qui peut susciter un changement fondamental en termes de bien-être du citoyen et de sa contribution à la conception et à la mise en œuvre de ses programmes de développement en général, notamment dans un vaste pays dont chaque région a son potentiel économique et ses données démographiques.

Une partie de l’élite dans la majorité estime également que la révision de la Constitution constitue une occasion d’or pour imposer le choix la durée du prolongement des mandats présidentiels et la constitutionnalisation de cela par le biais du référendum à organiser, afin de préserver les acquis précités et les continuer dans un monde caractérisé par l’instabilité et où l’extrémisme et le terrorisme s’activent à nos frontières.

 

4. Conclusions générales: Le mouvement que nous voyons aujourd’hui est l’expression du non- dit entre deux tendances contradictoires: une opposition dont l’objectif est de renverser le régime par tout moyen et le plus tôt possible et une majorité œuvrant  à maintenir les bases de la stabilité et du développement dans un vaste pays aux multiples richesses et de création récente dans un environnement régional instable.

Dans tous les cas, la démocratie peut être la solution idéale disponible pour le bien-être des sociétés et la liberté de l’individu, mais elle reste une expérience déclenchée par l’Europe à travers son auto-évolution depuis les signes avant- coureurs de ce que nous avons convenu d’appeler la Renaissance européenne à la fin du XVème siècle et au début du XVIème siècle et dont les phases du processus se sont achevées avec la seconde moitié du XIXème siècle. Il va sans dire que le profit qu’on en tire sera plus efficace et plus efficient avec son adaptation constante à notre réalité dans son ensemble et à nos intérêts supérieurs.

De ce point de vue, la modification de la Constitution reste un moyen et non une fin pour accompagner le bien-être de la société et approfondir les fondements de la stabilité et la possibilité de la Troisième République en Mauritanie et peut-être la Quatrième ou la Cinquième demeure une probabilité légitime tant qu’elle continue à être une adaptation constante à un intérêt national aux dimensions fondamentales.

Le référendum à organiser reste l’indice le plus démocratique pour évaluer le degré d’acceptation par le peuple des réformes proposées aujourd’hui ou demain et la voie légitime appropriée la plus crédible pour leur rejet ou leur approbation. Alors le spectre politique s’unira dans le cadre de la différence, non de la divergence et en ce moment- là  nous serons plus proches de l’approche démocratique la plus objective et qui garantit mieux la stabilité et le progrès.

Dr.  Hamed Ould Boubacar Ciré