Le professeur Lô Gourmo, vice-président de l’UFP dans une interview exclusive : « Les propos du Premier ministre et du président de l’UPR sont scandaleux et inacceptables »

Le professeur Lô Gourmo, vice-président de l’UFP dans une interview exclusive : Le CalameQue vous inspire les déclarations du premier ministre Ould Hademine, du président de l’UPR, Ould Maham laissant croire que le « système actuel ne va pas quitter le pouvoir en 2019.» Et le départ de Moulaye Ould Mohamed Lagdhaf ?

Lô Gourmo : Il s’agit de propos scandaleux et inacceptables, quelles que soient les raisons profondes qui les ont inspirées. Il s’agit d’une 2ème ou 3ème tentative de remise en cause directe, frontale et brutale du principe constitutionnel du double mandat unique.

Ces gens ne parviennent toujours pas à faire le deuil d’un 3ème mandat que personne n’acceptera en Mauritanie. Le mandat en cours de M. Mohamed Ould Abdel Aziz est son dernier. En 2019, il quitte le pouvoir. Le système actuel ne lui survivra pas puisqu’il est taillé sur mesure pour lui. Toute autre option de sa part et de la part des barons du système va échouer, totalement, fatalement.

Y compris sous la forme d’une gouvernance de l’ombre par fantoche interposé. Notre parti s’y opposera farouchement avec tous ses alliés, toutes les forces démocratiques, le peuple dans son ensemble ainsi que l’opinion publique africaine et internationale.

Il se peut d’ailleurs que ces propos du Premier Ministre soient destinés à rassurer, a priori, une base UPR en plein désarroi face à l’absence manifeste de claires perspectives pour leur parti-Etat, conçu pour un seul homme et totalement confondu à lui mais qui est par ailleurs partant! Que vont-ils devenir ?

C’est donc peut-être pour exorciser le syndrome PRDS à la suite du départ de son Chef, qu’il y a eu de telles aberrantes sorties du Premier Ministre et du Président de l’UPR….. Mais, encore une fois et quoi qu’il en soit, ces propos sont malheureux, dangereux et provocateurs…

Tout le monde aura aussi retenu que tout cela intervient dans un contexte de crise aigüe du pouvoir au sein duquel s’exacerbent toutes les contradictions. L’édifice se lézarde dangereusement, ce qui alimente toutes sortes de rumeurs, de spéculations, de scenarios comme en raffole l’opinion en Mauritanie.

Le départ de l’ex Premier Ministre et Secrétaire général de la présidence participe sans doute de cette grande lézarde qui pourrait d’ailleurs prochainement déboucher sur un sauve-qui peut général. Pour le moment, on ne sait pas vraiment ce qui se cache derrière tout ce remue-ménage.

Le régime est en chute libre non seulement dans la tête de la plupart des gens, mais aussi dans les faits et cela alimente toutes sortes d’hypothèses plus ou moins compliquées à admettre. Mais il ne faut jamais oublier une vérité simple en Mauritanie : c’est du côté de l’impossible qu’il faut d’abord tourner son regard face à des hypothèses contraires !

Le forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU) a décidé d’élaborer un programme commun de gouvernement, ce qui pourrait aboutir à une candidature unique, lors de la présidentielle de 2019. Quelles sont les chances d’une telle option que certains n’hésitent pas, au sein même du forum, à qualifier d’ « illusoire »?

La question d’un programme commun de gouvernement est d’une importance fondamentale non seulement pour l’opposition mais aussi et surtout pour la viabilité de la démocratie et la sauvegarde du droit du peuple de choisir ses gouvernants en pleine connaissance de cause.

Le FNDU est d’abord une grande alliance, une coalition de large composition des forces politiques, individuelles, partisanes et sociales qui non seulement s’est donné pour mission de combattre sans relâche la dérive autocratique qui s’est instaurée dans le pays depuis le putsch de 2008 mais aussi la tâche de construire une alternative gouvernante viable et solide, si les conditions effectives d’une alternance permettaient à ses membres d’accéder au pouvoir.

Jusqu’ici et au cours des précédentes élections, ces conditions minimales n’ont jamais été remplies, du fait du refus entêté du régime en place depuis 2008, en dépit des fameux Accords de Dakar, de jouer le jeu démocratique.

C’est ce qui explique que l’aspect principal de nos activités a porté sur la mobilisation contre la dérive autocratique, au jour le jour, et dans des conditions particulièrement difficiles pour nous, à l’opposition. Aujourd’hui, les vents sont beaucoup plus favorables et les perspectives de voir l’opposition démocratique briser par les urnes la résistance autocratique sous sa forme directe ou indirecte, ces perspectives sont réelles, objectivement.

Le pouvoir actuel va fatalement buter sur un « Mur de Planck » politique qui est le non renouvellement du mandat en cours. Au-delà de ce mur, il y a le chaos, la confrontation, l’instabilité, l’inconnu, dont la première victime sera le régime lui-même ou ce qui en tiendra lieu, puisque le forcing d’un 3ème mandat, direct ou indirect sera tout bêtement une tentative de Coup d’Etat vouée à l’échec.

On peut dire que la situation évolue rapidement et plus favorablement pour que soit instauré un réel climat transitionnel, favorable à des élections libres et démocratiques, puisque l’autre unique alternative est une désastreuse confrontation dont le pays ne veut pas et dont nos partenaires ne veulent pas non plus.

Dans ces conditions, l’opposition démocratique doit s’élargir encore plus, spécialement le FNDU et le RFD, à tous ceux qui aspirent à une alternance véritable. Mais, d’évidence, celle-ci ne pourra intervenir qu’à deux conditions : faire face aux velléités putschistes du 3ème mandat ou de son avatar, et élaborer et proposer un programme alternatif de large union nationale et démocratique qui reflète les demandes sociales les plus pressantes, crée les conditions d’un réel apaisement et consolide le pluralisme démocratique et l’Etat de droit.

Ce programme doit être construit ensemble si possible. Ce programme une fois élaboré, et adopté devra être porté ensemble par ses signataires. Le mieux, le plus productif et le plus galvanisant pour les masses, est qu’il soit défendu lors de toutes les élections, par des candidats représentatifs des signataires, suivant des conditions à convenir, aussi bien pour la présidentielle que pour les législatives et les municipales.

Ceux qui qualifient une telle vision d’« d’illusoire » sont peut-être, eux-mêmes, des pessimistes. On peut tabler sur le bon sens et l’esprit de compromis pour espérer voir se réaliser une telle perspective. C’est mon cas. On verra bien.

Quelles peuvent être les chances de l’opposition (FNDU), de contrer le projet de référendum, et quelles mesures prendrez vous, sachant par ailleurs que le système semble ne pas vouloir quitter le pouvoir en 2019, excluant ainsi toute alternance pacifique en votre faveur, suivant le discours du président à Néma, en 2015 ?

Nous restons sur notre lancée : A bas le pseudo-référendum ! Les mesures que nous prendrons seront d’abord axées sur une décrédibilisation de ce véritable hold- up qui se prépare contre la constitution, à travers un article 38 revisité et reprofilé pour lui donner la consistance d’une arme de guerre contre la démocratie et ses principes fondamentaux jugés intangibles, comme par exemple le nombre des mandats.

Accepter ce prétendu référendum, c’est signer un chèque en blanc pour toutes sortes d’autres « référendums » à contenu illimité dans l’avenir. On dira toujours « Et pourquoi pas ? Le peuple a tranché déjà lors du référendum de juillet 2017! ». Donc nous allons lutter avec tous les moyens et toutes les ressources possibles et imaginables contre ce putsch. Les Sénateurs nous en donnent chaque jour de belles leçons ! Notre programme de lutte sera donc renforcé et enrichi, dans le pays et hors du pays.

Pour ce qui est des mesures concrètes à prendre, la direction du Forum s’y attèle et les dévoilera en temps opportun. Au jour J, nous serons prêts. De même que nous serons aussi prêts à toute éventualité concernant toute autre tentative de putsch ou de refus d’une véritable alternance…

Cet engagement dans le référendum aura-t-il un impact quant à votre participation aux élections législatives et municipales anticipées, préconisées par l’accord du 20 octobre 2016 ?

Rien de ce qui a été décidé en dehors de notre participation ne nous engage. Aucune question n’est donc liée à une autre, dans notre entendement. Chaque bataille est spécifique et nous les menons toutes en tenant compte de notre intérêt comme bloc de forces démocratiques, du rapport des forces concret et des intérêts du peuple dans son ensemble, d’un point de vue stratégique (plus ou moins long terme).

Une chose est sûre : nous ne cèderons jamais aux humeurs et calculs immédiats du pouvoir pour nous décider sur telle ou telle position à prendre. Ou nous entraîner sur son propre terrain. Mais en tous les cas, ce qui sera décisif, ce qui sera toujours décisif, ce sera notre capacité de nous unir et de renforcer notre unité, d’une part, et notre aptitude réelle et non velléitaire, d’amener les populations à se battre contre tout projet putschiste et pour être seules maîtresses de leur destin. Si ces deux conditions sont remplies, tout le reste suivra et l’alternance démocratique aura lieu comme dans beaucoup de pays africains maintenant.

L’escalade se poursuit entre le pouvoir et une grande partie des sénateurs qualifiés de « frondeurs » et qui pourraient saisir le conseil constitutionnel pour invalider le décret convoquant le collège électoral, pris récemment par le gouvernement. Quelle analyse vous faites de ce bras de fer?

Au départ, il s’agissait et il s’agit toujours en partie, de divergences au sein d’un même camp : celui du pouvoir. Mais très vite, en raison de la nature des enjeux de ce litige politicien, les choses ont changé de nature. Sans changer de camp, peut -être, les Sénateurs ont changé de perspectives dans leur opposition à leur suppression par la seule volonté du président de la République.

N’oublions pas que le mandat de la plupart de ces Sénateurs a expiré depuis très longtemps. Mais l’Exécutif ne peut rien en dire puisqu’il est l’unique responsable de cette gravissime situation dans la décrédibilisation de nos institutions.

Qu’est ce qui a bien pu se passer pour qu’à Néma, sans crier gare, le président de la République décide l’épreuve de force contre eux, en leur promettant une suppression que personne n’avait demandée et dans des termes presque insultants et humiliants ( en mettant en avant leur « inutilité », le coût prétendument exorbitant de leur entretien, le ralentissement des activités de l’Etat qu’ils freineraient etc…comme le commenteront avec gourmandise ses ministres envoyés en mission anti-Sénat partout dans le pays !) ?

Au départ, certains ont pensé que les sénateurs étaient animés dans leur réaction, par une sorte d’égoïsme alimentaire. Mais, bien vite, leur combat a clairement dépassé, dans son enjeu essentiel, la seule question des intérêts individuels des sénateurs.

Ayant pris ouvertement leur courage à deux mains pour rejeter la proposition d’amendement de la constitution comme le leur permettait la constitution, ils se sont retrouvés dans la même situation que tous ceux qui luttaient pour le respect de la constitution en elle -même, dans ce pays, avec le refus de l’exécutif de respecter leur choix et de garantir le respect des dispositions pertinentes de la loi fondamentale, en l’occurrence les articles 99, 100 et 101, au lieu du solitaire 38 qui n’a aucun rapport avec la révision constitutionnelle.

Leur « fronde » de départ s’est transformée objectivement en combat démocratique, patriotique, qui rejoint celui du peuple et le renforce, à l’opposé de la « fronde parlementaire » préparatoire au coup d’Etat de 2008. Dans des conditions différentes, une chose peut se transformer en son contraire….

Le bras de fer entre les sénateurs et le Chef de l’Etat participe de l’effritement, voire de la tendance à la dislocation du camp présidentiel, dans un contexte de grogne générale sans précédent dans le pays, allant des Poètes à ces sénateurs, en passant par les taximen, les ouvriers de la SNIM, les porteurs de bidons jaunes ou les étudiants, les paysans de la vallée, sans parler des chômeurs, diplômés ou pas…

Au cours de sa tournée au Tagant, le président Aziz a annoncé sa volonté de réécrire l’histoire de la résistance coloniale en Mauritanie, parce qu’elle a été déformée aussi bien par des colons que par certains mauritaniens. Qu’en pensez vous ?

Peut-on chercher réellement à réécrire l’histoire de notre pays à partir d’une position anti-coloniale authentique tout en étant adoubé par les pires néocolonialistes de France depuis J. Foccart ? Peut-on être anti-colonial et être soutenu activement au moment décisif (lors du coup d’Etat de 2008) par N.Sarkozy, P. Balkany, R. Bourgi, les symboles même de la Françafrique contemporaine, c’est-à-dire des héritiers légitimes, en ligne directe, de la vieille France en casque colonial, avec fouet et corvées, en Afrique– tous les 3 poursuivis par ailleurs pour de sombres histoires de magouilles financières en France ?

Depuis près de 2 ans, tous les acteurs politiques, pouvoir et opposition confondus parlent de la question nationale. Lors du meeting du FNDU à la foire, le Président de votre parti, M. Mohamed Maouloud a beaucoup insisté sur la question et votre parti vient même d’organiser une « journée préparatoire à des concertations sur la question nationale ». Comment expliquer un tel regain d’intérêt pour ce sujet ancien et y a-t-il réellement péril en la demeure, menace sur notre stabilité voire notre existence en tant que nation unie ?

Oui, tout le monde en parle. Mais pas de la même manière ni pour les mêmes raisons, entre le pouvoir et l’opposition en tout cas. La récurrence du thème n’est pas particulière à notre pays. Je suis pour ma part, enclin à penser que les nations tendront toujours à « déborder » les Etats qui les contiennent, dès lors que ces derniers sont pluriethniques de composition.

Cela tient à la nature même de l’Etat et de ses rapports toujours problématiques avec la société, qu’il encadre et soumet à son autorité. Si l’on ne peut accuser le pouvoir en place d’être à l’origine des difficultés de plus en plus manifestes et graves de coexistence entre les communautés diverses qui composent notre nation depuis notre indépendance, on ne peut qu’être consterné par la manière avec laquelle désormais, les plus hautes autorités de l’Etat abordent la question.

Le chauvinisme, c’est-à-dire la tendance à la domination au sein des groupes dirigeants de l’ethnie majoritaire dans un pays multiethnique, est devenu l’idéologie officielle de l’Etat. Pendant longtemps, des pratiques sectaires, égoïstes ont été observées et dénoncées, aussi bien d’ailleurs du côté de la communauté ethnolinguistique majoritaire que du point de vue des communautés ethnolinguistiques minoritaires.

Des progrès, certes insuffisants, avaient été accomplis en dépit des nombreuses lacunes en la matière, notamment sous le court régime de M. Sidi Ould Cheikh Abdallahi.
Mais, depuis lors, malgré des gestes d’ailleurs plus fantaisistes que programmatiques, notamment en matière de ce que l’on nomme pudiquement le « passif humanitaire » ( les crimes odieux commis contre des négro-africains), le régime a accentué les pressions contre les communautés infériorisées, excluant leurs élites de pratiquement tout, ne ratant aucune occasion pour les humilier, piétiner leurs droits et créer en leurs membres, un sentiment malsain, dangereux, d’être des étrangers dans leur propre patrie, comme on l’a vu pendant cette sinistre décennie du « recensement biométrique ».

Ce régime a tout fait également pour que les sentiments des victimes dégénèrent en dissentiment et en haine interethnique voire interraciale, ce qui permet de rompre la solidarité naturelle entre les composantes du peuple, indépendamment de leur importance numérique respective, unies face au même régime, aux mêmes difficultés de survie économique et sociale, à des degrés divers. Par des procédés divers et multiples, souvent vicieux et complexes donc parfois difficiles à comprendre, le pouvoir pousse les gens à la confrontation.

Il pousse les Hratttines à la révolte. Il pousse les négro-africains à la révolte. Il pousse les Bidhane à la révolte. Il pousse tout le monde à la révolte y compris les étrangers vivant parmi nous. Non contre les pratiques spécifiques que chacun subit à divers degrés dans ses rapports avec l’Etat, mais contre les autres victimes, tribu contre tribu, ethnie contre ethnie, race contre race… Mais, l’expérience historique montre qu’il n’y a rien de pire qu’un conflit entre des victimes.

Il est sans fin, inextinguible car c’est un combat contre des ombres et contre une nature morte que chacun mène et dont ne profite que le vrai coupable, celui qui instaure ou alimente de manière consciente la division entre les gens pour mieux régner sur eux tous et ….en arbitre !

Le plus grave est que l’arriération des masses et l’aveuglement de l’élite intellectuelle du pays, -qui ne réfléchit plus qu’en des termes étroitement nationalitaires ou raciaux, aidant, cette stratégie du pouvoir n’a cessé de gagner du terrain, de proliférer, au point de ringardiser tous ceux qui ont une autre approche de la vie politique et des contradictions qui la structurent naturellement.

La course à l’aveuglement, voilà le seul sport national qu’encourage ce pouvoir depuis bientôt une bonne décennie et, au final, il a tellement réussi que je pense qu’aucune nation au monde ne pourrait gagner contre nous une course à l’aveugle, dans une épreuve olympique !

Ceux qui pensent qu’il y a une ou des recettes pour résoudre définitivement ce type de questions se trompent. Il n’y en a pas. Cela tient à la nature de l’Etat-nation, en tant que formation historique née dans des conditions historiques déterminées et dont les fonctions ne cadrent pas toujours avec la solution de certaines difficultés anthropologiques et sociologues qu’il suscite par sa seule existence, y compris dans ses contrées d’origine, à plus forte raison dans les régions où il fut imposé en quelque sorte de l’extérieur (notamment les conquêtes coloniales). Il n’y aura jamais de solution parfaite à la question nationale.

Néanmoins, l’expérience historique montre qu’à certaines conditions, des solutions relativement satisfaisantes et progressistes peuvent être trouvées, en situation d’équilibres constamment évolutive, comme on le voit dans nombre de pays démocratiques pluralistes (mais pas dans tous !). A chaque époque, la question interpellera de manière particulière l’Etat- nation, sommé d’y faire face « de la meilleure façon » sur le moment, au risque de périr (notamment par éclatement).

Voilà ce qui explique que, par réalisme historique, notre parti prône sur cette question le dialogue et le compromis. Nous avons pris l’initiative de faire convoquer des assises (concertations) sur la question, à l’échelle nationale. L’essentiel de la classe politique est concerné.

A cette occasion, notre parti ne manquera pas de faire des propositions concrètes susceptibles de nous faire raisonnablement avancer. Mais nous n’avons aucune prétention à détenir sur cette question comme sur d’autres, quelque vérité absolue que ce soit, quelque clé passe-partout que ce soit.

Sur la question, ce qui est très important c’est notre patience, notre humilité et notre capacité à écouter et si possible, de comprendre les préoccupations légitimes des uns et des autres. Aucune ne prime sur l’autre puisqu’elles sont de type identitaire. Ces questions-là ne se règlent pas par le vote ou la dictature mais par la raison et l’inclusivité. Vous ne serez donc pas étonnés que je vous dise que pour nous, le recours aux menaces, à la répression, au chantage etc. n’est pas acceptable face aux revendications identitaires d’égalité et de respect des droits des gens.

Chacun est fier de la communauté à laquelle il appartient, à condition que cette appartenance ne soit pas une dévalorisante assignation, et chacun a une dignité égale à celle des autres, dans sa spécificité culturelle et dans son histoire sans que cette spécification ne soit synonyme de bantoustanisation ou de corporatisme identitaire et n’engendre la haine des autres.

Dans l’esprit de notre parti, elle est au contraire enrichissante, harmonisante, elle est ouverture et partage, elle est un bien commun, l’apport de chacun dans l’édification d’une nation unie et solide dans sa diversité, et plus loin encore, dans la cause de l’humanité entière.

Pensez-vous que le recours par l’opposition et les sénateurs au conseil constitutionnel pour invalider le décret convoquant le collège électoral est recevable ?

Au plan strictement juridique, la compétence du conseil constitutionnel en matière de référendum concerne « Les opérations » à mettre en œuvre dans l’organisation de la procédure. Le conseil est donc compétent pour apprécier si ces « opérations » sont conformes à la constitution. Pourquoi ? Parce que c’est un décret c’est-à-dire un acte juridique inférieur à la loi et à la constitution, qui va encadrer tout le processus d’expression de la volonté souveraine du peuple.

Cet acte inférieur peut donc enfreindre l’intégrité de la règle suprême, la règle constitutionnelle. Il y a donc une nécessité de contrôler la conformité de l’ensemble des opérations et de chaque opération, de ce référendum, à cette constitution. Le décret de convocation des électeurs est-il ou non conforme à la constitution ? Le conseil va devoir se poser cette question, et de ce fait, fonder sa compétence sur l’exigence de cette conformité.

Ainsi, lorsque le décret qui convoque le corps électoral justifie cette convocation (même implicitement) par un article autre que ceux consacrés à la révision de la constitution, alors qu’en même temps c’est de cette révision qu’il va s’agir, alors le devoir du conseil constitutionnel est de relever une telle inconstitutionnalité et de rejeter pour vice de fond, le décret de convocation lui-même.

Cette démarche est logique et difficilement contestable. C’est par exemple celle que suit actuellement le conseil constitutionnel français ( Décisions Hauchemaille , juillet-août-septembre 2000 ; décision Pasqua, septembre 2000) etc. Mon ami et collègue le Professeur Ould Dahi pense également la même chose.

Mais je parle en droit pur. Dans les faits, le conseil constitutionnel pourra-t-il se saisir de cette question et agir en dehors des pressions « amicales » de l’Exécutif ? That’s the question !

Propos recueillis par DL et AOC

Le calame (Mauritanie)