« La vérité sur l’esclavage actuel en Mauritanie: travail forcé, viols multiples et exportation »

Descendant d’esclaves, Biram Dah Abeid lutte pour son abolition en Mauritanie à travers ses témoignages. Le candidat à la présidentielle dénonce « la chose la plus abjecte qui existe »:


« Le fait d’appartenir totalement à son maître est inimaginable. Dès l’âge de 8-9 ans, les filles ont déjà toutes été violées plusieurs fois par le maître, ses fils, son chauffeur et son hôte de passage. » Biram Dah Abeid est l’Invité du samedi de LaLibre.be.

Vous menez votre combat abolitionniste en mémoire de vos ancêtres esclaves ?

Il faut le dénoncer, l’esclavage est la chose la plus abjecte qui existe. Le fait d’appartenir totalement à son maître est inimaginable, inconcevable. Etant petit-fils d’esclaves, cela me paraît normal de m’engager dans cette lutte, d’autant que je vis dans un environnement où je vois les esclaves maltraités et où je les vois trimer. J’ai fait la promesse à mon père de me battre pour l’abolition à tout moment et quoi qu’il en soit.

Votre grand-mère paternelle était esclave. Pourquoi l’esclavagisme par descendance ne s’est-il pas appliqué à votre père comme cela est le cas habituellement ?

Mon père, qui devait être esclave, a été affranchi par hasard alors qu’il n’était encore qu’un fœtus dans le ventre de sa mère. Pendant cette grossesse, son maître était fort malade. Les marabouts ont prescrit au maître malade de faire un acte de charité et de bienveillance envers Dieu pour guérir, tout en lui précisant que le meilleur acte était d’affranchir un esclave. Au lieu d’affranchir ma grand-mère, qui avait les bras dans la farine et travaillait depuis longtemps et efficacement dans la famille, il a décidé d’affranchir son fœtus. Mon père est ainsi né libre. Le code d’esclavage mauritanien inclut les fœtus des femmes esclaves tout comme tout ce qui peut s’apparenter à la moindre propriété privée. Absolument rien n’appartient à un esclave.

Pourquoi la Mauritanie ne s’attaque-t-elle pas au problème ?

L’esclavagisme des Maures noirs (haratins) pèse de manière exorbitante sur les intérêts politiques, économiques et culturels du pays. Les esclaves offrent des privilèges énormes au groupe minoritaire arabo-berbère qui en possèdent. Il assure le prestige et le faste depuis le 12e siècle. La grande majorité a été placée dans des terres de cultures agricoles, mais il y a aussi les esclaves domestiques qui travaillent dans la maison.

Source : La Libre (Belgique)