LE CRI DU HARTANI N° 1 (octobre 2001)

La naissance d’un bulletin trimestriel dénommé

 » Le Cri du Hartani « .

Le  » Cri du Hartani  » est le bulletin de l’A.H.M.E (Association des Haratine de Mauritanie en Europe).

L’A.H.M.E. a été créée le 13 juillet 2001 et déclarée au Journal Officiel Français n° 32 du 11 août 2001 pour le n° 2136. L’A.H.M.E. peut être consultée sur Internet : www.journal-officiel.gouv.fr.

Le  » Cri du Hartani  » répond à un besoin fondamental, celui d’évoquer les multiples problèmes que vivent les Haratine, c’est à dire les esclaves de Mauritanie. Qu’il s’agisse de la négation humaine (réduire la personne humaine à l’animal), en passant par la vente, le viol, le lynchage, la castration ou de supprimer la vie, tout ceci est vécu, au jour d’aujourd’hui par les haratine (esclaves) de Mauritanie du fait des esclavagistes dont l’Etat est un des membres.

Quelle est la place des haratine ?

Quel rôle joue-t-il dans la société arabo-berbère ?

Que représentent-ils sur le plan démographique ?

Que fait l’Etat mauritanien à leur adresse

et quel rôle joue celui-ci dans le maintien de l’esclavage ?

Que dit l’Islam et que fait-on en son nom ?

Voilà autant de questions que nous posons dans le  » Cri du Hartani  » et auxquelles nous tenterons de répondre.

Pour une meilleure compréhension de la question Haratine, quelques remarques s’imposent :

HARATINE, mot au pluriel, signifiant affranchis.
Affranchis de quoi ? De l’esclavage arabo-berbère de Mauritanie.

Au masculin singulier, on dit HARTANI, au féminin singulier, c’est HARTANIA. Haratine peut être utilisé comme adjectif.

Comme sous l’Ancien Régime, en Mauritanie, il y a trois ordres.
a) Les guerriers qui détiennent le pouvoir politique (HASSAN).

b) Les marabouts (ZWAYA), représentant le pouvoir religieux.

c) Le reste de la société comprenant les griots, les forgerons et le dernier des derniers, les HARATINE.

Les Haratine fermant cette stratification sociale conçue et faire en vue de leur domination. L’esclavage est un statut dont on ne sort jamais.

Je précise que depuis 1960, date de l’indépendance, la Mauritanie est devenue une république islamique. Dans les faits, aucun changement, si ce n’est que le pouvoir politique mais aussi économique sont désormais détenus par les ZWAYA (Marabouts). Pour lereste, rien n’a changé car il n’y a aucune différence entre les quatre anciens Emirats qui occupaient le territoire de Mauritanie et la République Islamique depuis sa naissance.

Pourquoi a-t-on choisi le mot HARATINE au lieu d’esclaves ?
Ce mot a été choisi par El HOR (organisation de Libération et d’Emancipation des Haratine) créée en 1974 à l’E.N.A. (Ecole Nationale d’Administration) de Mauritanie. Le mot esclave est une photographie figée. Or Haratine (affranchis) est une perspective parce que la libération, la liberté et l’émancipation sont des objectifs à atteindre.

Dans la réalité, il y a beaucoup plus d’esclaves que d’affranchis.
Le rapport est d’environ un affranchi pour cinq esclaves. J’ ??? que l’affranchi n’est pas en réalité affranchi. Pourquoi ? Parce qu’il est toujours exploité, dominé, mais d’une manière indirecte. L’esclavage est une idéologie de domination qui secrète une mentalité. L’esclave est porteur de cette mentalité d’autant plus qu’aucun travail n’a été fait en vue d’aider la victime à comprendre et de surmonter cette mentalité de dépendance. Bien au contraire, les esclavagistes en libérant certains esclaves veulent s’en débarrasser pour les exploiter autrement. C’est le néo-esclavage. Celui-ci rapporte beaucoup et coûte peu aux esclavagistes. En effet, l’esclave n’est plus nourri, ni habillé, ni surveillé, mais continu à être utile économiquement. Puis en cas de besoin, il peut venir travailler directement chez son maître.

A ce sujet, j’ai dénombré plusieurs formes d’esclavage :

L’esclavage traditionnel (domestique) ;
L’esclavage administratif ;
L’esclavage moderne ;
Et le néo-esclavage.
La liste n’est peut être pas exhaustive.

Les Haratine sont la sécrétion de l’esclavage arabo-berbère.
Une autre forme d’esclavage existe dans la société négro-africaine de Mauritanie. Ces deux formes

d’esclavage ont des similitudes et des différences.

Les similitudes sont la négation de la personne humaine et l’exclusion de l’esclave du domaine juridique, politique, culturel, etc ainsi que l’idéologie du mépris qui justifie cette éviction.

Les différences : dans la société négro-mauritanienne, les  » esclaves  » sont devenus des affranchis et ce, du fait de l’application du décret du 12 décembre 1905 abolissant l’esclavage en France et dans les colonies. Les négro-mauritaniens étaient sous administration directe de la France et donc le décret de 1905 leur a été appliqué. Or, les Maures (arabo-berbères) bénéficiaient d’un statut spécial et donc d’une administration indirecte. C’est ce qui explique, du moins en partie, que l’esclavage existe toujours en Mauritanie.

Les  » esclaves  » dans la société négro-mauritanienne, ne sont ni vendus, ni donnés, ni échangés. Ils peuvent se marier sans l’autorisation de l’ancien maître. Ils bénéficient du fruit de leur travail. Mais ils n’ont pas voix au chapitre dans la cité. Ils ne prennent pas part au conseil du village. Ils ne peuvent être, ni chef de village, ni Imam de mosquée, sauf peut être dans un village constitué exclusivement d’esclaves. Ce sont donc les parias de cette société.

Dans la société arabo-berbère, l’esclave est vendu, loué, échangé, donné, lynché, battu, castré, violée, exporté, ne peut se marier sans le consentement de son maître, ainsi de suite.

Aujourd’hui, il y a des marchés d’esclaves en Mauritanie, notamment à Atar, la ville où est né le chef de l’Etat Ould Taya.

Il y a des villes, des villages, des campements de nomades où existent des lieux de lynchage des esclaves : de solides troncs d’arbres sont dressés. On y attache les esclaves promis au lynchage. Puis l’opération commence. La mort peut s’en suivre. L’esclave peut perdre un œil ou les deux, une oreille ou les deux, un nez et peut perdre sa mobilité…La ville de Guerrou est un exemple. Guerrou est habitée par la tribu berbère Tajekent. Un député et un sénateur, des magistrats, des cadres de cette tribu ont participé à un lynchage collectif sur des Haratine (esclaves). Cette opération de lynchage a été dénoncée en 1999, dans une lettre adressée au chef de l’Etat Ould Taya. Cette lettre est restée sans réponse.

Comme l’a écrit Emile Zola, dans l’affaire Dreyfus, à la fin du 19ème siècle, j’accuse à mon tour le régime du chef de l’Etat Ould Taya :

1). De pratiques esclavagistes sur les haratine dans l’administration mauritanienne. C’est le cas de Sidi Fall, ingénieur agronome, sortant des meilleures écoles françaises et canadiennes, ancien directeur de la Plaine de M. Pourrié. Ce dernier est emprisonné pour cinq ans depuis 1998, dans sa propre ville, Rosso, et ce, pour couvrir un détournement des deniers publics fait par des arabo-berbères et des négro-mauritaniens. Au niveau de la justice, Sidi Fall a bénéficié de trois non lieux : tous les magistrats qui ont produit ces non lieux ont été radiés de la justice mauritanienne. Puis les non lieux jetés dans la poubelle. Voilà une justice à deux vitesses. Elle est. ???????

Un autre cas d’esclavage pratiqué par l’Etat mauritanien, dans l’intérêt d’autres esclavagistes a touché un autre hartani, à savoir Mohamed Yahya Ould Ciré en 1997, l’auteur de cet écrit. J’ai attiré l’attention du ministère en 1997 des Affaires Etrangères et de celui des Finances, sur un détournement des deniers publics fait par le comptable Ahmedou Ould Soleck, sur le budget du Consulat général de Mauritanie en Guinée Bissau que je dirigeais. J’ ??? que le détournement a eu lieu, non pas en Guinée Bissau, lieu de résidence du Consulat en question, mais en Gambie. L’opération a nécessité la complicité de la BCM (Banque Centrale de Mauritanie), du Consul général de Mauritanie à Dakar (Sénégal), Mohamed Ould Ali, cousin du chef de l’Etat, puis du consulat général de Mauritanie en Gambie qui a facilité le retrait de 800 000FF auprès de la Banque Centrale de Gambie.

Tout a été fait finalement pour disculper l’auteur du détournement, ainsi que les tribus bénéficiaires des malversations. C’est à dire la tribu Smassed, celle du chef de l’Etat Ould Taya et celle des Idaouadi dont est issu le comptable Ahmedou Ould Soleck. Je reviendrai en long et en large sur cette affaire de détournement dans le prochain numéro du bulletin trimestriel  » Le Cri du Hartani « .

Dans l’esclavage traditionnel, l’esclave enrichit directement son maître. Dans le néo-esclavagisme et par le biais de l’Etat, l’esclave doit enrichir ses maîtres ou tous les berbères qui souhaiteraient en profiter. Ma fonction, dans ce consulat était d’enrichir deux parties de deux tribus installées autour du lac R’Kz ( région de Traza), à savoir, Idaoudi et Simassid et ce, pour des raisons soit de parenté avec le chef de l’Etat, soit de clientélisme politique.

Le Trésor Public mauritanien est une boutique dont se servent les berbères et les arabes. Il n’existe pas d’Etat. En revanche, il y a une inter-tribale qui instrumentalise les structures de l’Etat mauritanien.

2). J’accuse l’Etat mauritanien de mêler les forces de l’ordre (Police et gendarmerie), l’administration (Préfet et cadres) à la solde des esclavagistes. L’Etat, non seulement, refuse de libérer les esclaves mais contribue au maintien de ces derniers sous la domination des esclavagistes.

3). J’accuse l’Etat de camouflage politique. En effet, la déclaration de 1980 et l’ordonnance de 1981 relatives à l’abolition de l’esclavage ne sont qu’un instrument en vue de pérenniser un système esclavagiste sous d’autres formes. A la place de l’esclavage domestique qui était prédominant, se substituent d’autres formes d’esclavage à savoir l’esclavage administratif (les haratine travaillent, dans l’administration, à la place des Maures), l’esclavage politique ( des haratine par les partie politiques aux pouvoir et dans l’opposition), esclavage moderne (ceux qui n’ont pas d’esclaves font travailler des haratine sans les payer avec la complicité des forces de l’ordre, police, gendarmerie, garde nationale), puis, enfin, le néo-esclavage (les esclavagistes se sont adaptés aux conditions nouvelles – la nouveauté c’est que l’Etat devient un acteur important d’esclavagisation, un exemple : depuis 1997, interdiction par le chef de l’Etat de parler de l’esclavage, selon ses propres mots  » le débat est clos « , l’arabisation et la tribalisation constituent des freins à la lutte des haratine contre l’esclavage, le soutien de l’Etat aux tribus en vue de leurs esclaves ainsi de suite.

La nouveauté, aussi, c’est ce racisme d’Etat, théorie pratiquée, mais non dit, qui vise l’exclusion des haratine. Ce racisme est plus cynique, plus hypocrite que l’apartheid car les blancs d’Afrique du Sud ont le mérite de la clarté ; ils disent et font ce qu’ils pensent. En revanche, les berbères et les arabes de Mauritanie, théorisent tout, parlent de tout entre eux, pratiquent tout, mais ne disent rien aux autres et ainsi parce que les autres ignorent, il n’y a pas de problèmes.

L’esclavage est une idéologie de domination ayant pour support le racisme. Voilà la définition qu’en donne Albert Memmi :

 » Le racisme est la valorisation généralisée et définitive des différences réelles ou imaginaires au profit de l’accusateur et au détriment de sa victime, afin de justifier une oppression ou un privilège. « 

Poème en HASSANIA du poète Haratine Mohamed Deyo Ould M’Ichaïtir

 » Si j’ai traversé la terre de Rome

C’est parce que je veux me séparer des Arabes.

Je sais par les chiens qui m’apprécient

Que ceux qui les étranglent. « 

J.P. Sartre :

 » Certaines minorités se définissent par le regard que les autres portent sur elles « .