Mauritanie : les investisseurs se tournent vers le pétrole et le gaz

Mauritanie : les investisseurs se tournent vers le pétrole et le gaz Le pays a du minerai à revendre, mais à quel prix ? Depuis la chute des cours, le secteur fait grise mine. Les regards se tournent donc vers le pétrole et le gaz… Et vers des investisseurs toujours prudents.

La quatrième édition des Mauritanides, la conférence-exposition sur les secteurs minier et pétrolier mauritaniens qui s’est tenue à Nouakchott du 11 au 13 octobre, a rassemblé nettement moins d’exposants qu’il y a deux ans. Signe que la chute des cours des matières premières engagée depuis 2014 n’a pas fini de faire sentir ses douloureux effets.


Avec un prix du minerai de fer divisé par plus de trois – qui a découragé le suisse Glencore et dégradé les comptes de la Société nationale industrielle et minière (Snim) – et une once d’or qui plafonne à 1 300 dollars, la Mauritanie souffre. Car les industries extractives pèsent lourd dans sa vie économique. Avant la crise, elles représentaient les trois cinquièmes de ses recettes d’exportation et la moitié des recettes non fiscales de l’État.

Comme l’a analysé, en séance, Marcellin Ndong Ntah, l’économiste résident à Nouakchott de la Banque africaine de développement (BAD), cette dépendance vis-à-vis de l’extérieur oblige la Mauritanie à relever plusieurs défis. Le premier consiste à diversifier ses clients, parce que 70 % de ses exportations de fer sont destinés à la Chine, qui ne sera plus la formidable locomotive des années 2000.

Le deuxième sera de créer des emplois dans le secteur extractif. Celui-ci « contribue pour 38 % au produit intérieur brut mauritanien, mais ses salariés ne pèsent que 0,4 % de la population active, rappelle l’expert de la BAD. Il crée peu d’emplois, et on ne voit pas d’émergence de sous-traitants locaux ». Il représente donc un enjeu dans la lutte contre la pauvreté.

Manganèse, baryte, kaolin, phosphates, baryum, lithium et, plus au nord, nickel, zinc et plomb sont là aussi, qui attendent les investisseurs.

Enfin, le troisième défi est environnemental. Les industries extractives bouleversent le sol, le sous-sol et l’atmosphère. Des précautions doivent donc être prises pour protéger les habitants de ces contrées fragiles parce que désertiques.

Depuis l’entrée en production, en novembre 2015, de Guelb II, la deuxième usine d’enrichissement du minerai de fer de la Snim, la quantité de poussières respirées par les habitants de la région de Zouerate, dans le nord du pays, aurait augmenté de 10 % à 15 %.

Dans le domaine du pétrole et du gaz, le directeur général des Hydrocarbures, Ahmed Salem Tekrour, a souhaité rassurer les investisseurs qui tardent à emboîter le pas aux sociétés candidates à des contrats d’exploration-production – Chariot Oil & Gas, Kosmos Energy, Total et Tullow Oil.

Il a souligné lors de la conférence que le cadre juridique avait été amélioré en 2015, après que la Mauritanie eut satisfait aux exigences de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie). Désormais, les contrats sont adoptés par décret et non par la voie législative, trop lente, l’État mauritanien se réservant 10 % de la société créée.

Panorama souriant

Andrew Inglis, PDG de Kosmos Energy, n’a pas manqué de vanter les perspectives du gisement gazier offshore Grand-Tortue-Ahmeyim, transfrontalier avec le Sénégal, dont le contrat devrait être signé avant la fin de cette année, les deux pays s’étant quant à eux engagés le 16 novembre à signer un accord de coopération pour l’exploitation du site d’ici à la fin de 2018. Les réserves de ce champ découvert en janvier au large des côtes mauritano-sénégalaises sont estimées à 450 milliards de m3, avec 1 500 emplois et 15 milliards de dollars de recettes à la clé.

Même panorama souriant décrit par le ministre du Pétrole, de l’Énergie et des Mines, Mohamed Abdel Vetah : 13 millions de tonnes de fer ont été produites en 2015 (18 millions sont attendues prochainement, puis 25 millions en 2025), plus 594 t de quartz, 45 000 t de cuivre, 6,2 t d’or…

Un constat confirmé par Tasiast Mauritanie Limited SA (TMLSA), la filiale du canadien Kinross Gold Corporation, qui va augmenter de moitié sa capacité de traitement, ainsi que par son compatriote Algold Resources, dont le directeur général, François Auclair, juge le gisement d’or du Tijirit « très prometteur », cartes géologiques et forages à l’appui.

Dans les travées des Mauritanides, il n’y avait pas que de l’or et du fer à récolter. Manganèse, baryte, kaolin, phosphates, baryum, lithium et, plus au nord, nickel, zinc et plomb sont là aussi, qui attendent les investisseurs.

Alors, qu’est-ce qui peut bien retenir ces derniers de venir dans un pays dont Mohamed El Hassen Boukhraiss, conseiller au ministère de l’Économie et des Finances, vante « l’énorme potentiel d’investissement » ? Selon un spécialiste du secteur, « vu d’Europe ou d’Amérique, une République “islamique” de Mauritanie, puisque tel est son nom, n’augure rien de bon, sauf si les bénéfices s’annoncent assez considérables pour affronter le risque.

Du point de vue des cadres et des techniciens, l’absence d’alcool et de loisirs compose un tableau d’une austérité décourageante… C’est injuste, mais seuls les mordus de la mine, du pétrole et du désert sont aujourd’hui tentés par l’aventure » ! Reste à espérer que les prix remonteront enfin en 2017 pour leur donner du cœur à l’ouvrage.

Alain Faujas
 

Source : Jeune Afrique