Les esclaves et anciens esclaves de Mauritanie (Harratines) de Mauritanie : des chaines de l’esclavage durant la période coloniale : l’exception mauritanienne…

Les esclaves et anciens esclaves de Mauritanie (Harratines) de Mauritanie : des chaines de l'esclavage durant la période coloniale : l'exception mauritanienne... II – Les esclaves et anciens esclaves de Mauritanie (Haratines): Des chaînes de l’esclavage durant la période coloniale : l’exception mauritanienne, la non application du décret du 27 avril 1848 abolissant l’esclavage dans les colonies et celui du 12 décembre 1905 destiné à réprimer la traite des esclaves dans toutes l’étendue de l’Afrique occidentale française et au Congo.Il est utile pour une bonne compréhension des développements qui vont suivre de rappeler que l’esclavage avait été une première fois aboli en 1794 mais devant la pression des planteurs antillais et l’intervention de Joséphine, Napoléon Bonaparte l’avait rétabli en 1802.

De leur côté, les Anglais avait interdit la traite dès 1807 puis supprimé l’esclavage en 1833. Ce n’est qu’en 1848 sous l’impulsion de Victor Schœlcher que la France a, à son tour, aboli l’esclavage et en 1905, une deuxième fois, pour l’interdire en Afrique Occidentale française et au Congo.

Beaucoup plus tard, le 18 février 1999, le Parlement français a qualifié officiellement la traite négrière de crime contre l’humanité (Loi Taubira).

Il y’a lieu de rappeler aussi que si l’Ile de Gorée a certes représenté un centre de traite significatif mais celle-ci cependant n’a jamais eu d’importance que certains lui accordent aujourd’hui du fait de sa « renommée internationale », étant visitée par les plus grands chefs d’Etat de ce monde dont le dernier est le président des Etats-Unis d’Amérique, Obama et sa famille en juin 2013 et les qualités du conservateur de la Maison des Esclaves (feu Joseph Ndiaye) et l’émotion créée par sa symbolique Porte du non-retour.

Mais, à dire vrai, les établissements français situés sur la Côte d’or des esclaves ont été des centres de transit infiniment plus importants. A cet égard, Saint-Louis du Sénégal a été même un centre de production et d’exportation des esclaves vers les Amériques, les Antilles et les Caraïbes plus important que Gorée. Au demeurant, ce n’est pas le commerce de la gomme arabique ni de l’arachide mais bien le commerce des hommes qui a fait la fortune économique de Saint-Louis bien loin avant la gomme arabique et l’arachide.

On peut encore visiter aujourd’hui dans le sous-sol des magasins les entrepôts où on gardait les esclaves avant leur départ.

La France a une très grande part de responsabilité dans la consolidation de l’esclavage en Mauritanie à cause de sa grande complicité, de sa tolérance, de son indulgence et de sa bienfaisance à l’égard du lobby féodal mauritanien son partenaire, son complice qu’elle n’a pas soumis au décret du 27 avril 1848 et notamment son article 7 selon lequel le principe du sol de la France affranchit l’esclave qui le touche ni celui de 1905 portant abolition de l’esclavage dans les colonies et possessions françaises d’Afrique.

Cette dernière disposition (les possessions françaises d’Afrique) a été spécifiquement ajoutée par le grand militant de l’abolition de l’esclavage Victor Schoelcher alors ministre de la marine et des colonies qui au cours d’un voyage à Saint-Louis a voulu s’enquérir de visu de la condition des esclaves dans ce qu’on appelait à l’époque les territoires du « Haut Sénégal » qui recouvre les régions de l’actuelle Mauritanie et qui relevait de la compétence du gouverneur de Saint-Louis.

Il était évident que l’application du décret de 1948 ne pouvait bénéficier d’aucune approbation ni chez les colons administrateurs ni chez les maisons de commerce ni de la part des populations habitant les territoires du « Haut Sénégal. » Dès qu’ils prirent connaissance de la nouvelle mesure, les maîtres arabo-berbères du Trarza refusèrent complètement qu’il leur soit appliqué et exigeant que les esclaves qui s’étaient réfugiés à Saint-Louis pour se mettre sous le parapluie de l’article 7 du décret de 1948 leur soient rendus sinon ils cessaient tout commerce de la gomme, de l’esclavage et le transport de l’arachide vers Rufisque.

Il fut donc décidé que tous les réfugiés seraient expulsés comme étant des «vagabonds dangereux pour l’ordre et la paix publique sur la réclamation de leurs maîtres». Naturellement, ces expulsions donnaient lieu à des situations dramatiques qui choquèrent à l’époque l’opinion publique française et jusqu’à cet instant on ne peut les évoquer sans avoir un sentiment de haut le cœur :

-En 1871, une esclave de 30 ans avec son enfant de 2 ans qui s’était réfugiée à Gandiol près de Saint-Louis sous le drapeau de la France et qui fut remise à son maître qui l’attend l’emmène un peu plus loin et la tue à coup de fusil et emmène l’enfant. (Rapport de Deherme, p.62).

-En 1877 à Saint-Louis, une jeune femme est reconduite sur le pont par l’administration coloniale venue prêter « main forte » à son maîtrecomme il se dit dans le vocabulaire colonial. A la vue de son maître qui stationne de l’autre côté et elle se jette dans le fleuve mais est reprise et liée sur un chameau. (Villeger au directeur de la société des missions, 16 mars 1877). Personne ne sait qu’elle a été le destin de cette femme. En dehors de ces deux, il y’a eu des milliers de tentatives d’esclaves pour rejoindre les postes français et qui ont été étouffés dans l’œuf, avant qu’ils n’atteignent un poste français.

Devant le scandale créé en France par ces remises des réfugiés directement à leurs maîtres, le ministre des colonies ordonna de nouvelles mesures: « l’expulsion dont il s’agit doit être pure et simple et il ne saurait y avoir lieu en aucun cas de remettre les fugitifs aux mains de leurs maîtres, ils seront renvoyés en dehors des postes coloniaux libres à leurs maîtres de venir les saisir. »

Le 14 novembre 1854, le gouverneur Faidherbe renouvela les dispositions précédemment prises et il ajouta d’importantes précisions : les esclaves réfugiés à Saint-Louis ou dans les établissements du fleuve devaient en quelque sorte être sélectionnés suivant leur origine. S’ils fuyaient des tribus avec lesquelles la France se trouvait en guerre, ils seraient immédiatement libérés. Venus au contraire de tribus amis de la France, ils seraient remis à leurs maîtres si ceux-ci venaient les rechercher dans un délai « raisonnable ». Les fugitifs ne devaient pas alors leur être directement livrés mais reconduits sur les limites de la commune ou de l’enceinte des forts à l’extérieur desquels leurs possesseurs seraient «libres de les saisir. »

L’esclavage a été toujours utilisé comme un moyen de chantage envers les tribus en guerre contre la France.

La France qui tenait absolument à contrôler ce vaste territoire compris entre ses colonies de l’Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie) et celles du Sud (Sénégal, Mali, Guinée) s’est trouvée confrontée d’une part à l’étendue du territoire plus d’un million de kilomètres carré et d’autre part, à la ténacité, à l’esprit guerrier des arabo-berbères, a décidé de mettre en veilleuse l’application des dispositions des décrets de 1848 et de 1905 et renonça à libérer les esclaves des arabo-berbères, un groupe social inorganisé, analphabète et inoffensif sans revendication virulente. La règle était devenue : si vous êtes avec la France, vous ne perdez pas vos esclaves comme a dit Gourraud en 1909 aux populations de l’Adrar, « si vous acceptez la domination française, je vous laisse dans l’ordre vos troupeaux de moutons, vos ânes et vos esclaves.»

L’histoire nous enseigne que les Etats esclavagistes n’ont jamais fait preuve d’humanisme, l’opportunisme a toujours guidé leur politique.

Pour éviter toute équivoque et toutes arguties stériles, nous pouvons faire appel aux documents et livres écrits par les acteurs français de cette conquête. Il y a en premier lieu le livre écrit par Faidherbe lui-même : « Le Sénégal : La France en Afrique occidentale » dans lequel il évoque longuement cet épisode de l’histoire coloniale de la France. Il y a en second lieu, les lettres adressées par le gouverneur du Sénégal, Le chevalier de Boufflers adressée à Madame de Sabran.

Troisième gouverneur du Sénégal, et qu’on ne s’attendait guère à trouver dans la liste des gouverneurs ayant administré le Sénégal, fut le célèbre Chevalier de Boufflers. Ce brillant colonel du régime de Chartres, auteur de poésies légères et membre de l’Académie Française, il gouverna la colonie du Sénégal de 1786 à 1787. Il avait accepté cette fonction pour acquérir des droits en faveur du Roi et rétablir ses affaires particulières afin de pouvoir épouser Mme de Sabran, jeune et aimable veuve qui lui avait inspiré une grande passion.

Nous allons citer quatre de ses lettres qui permettent de saisir l’atmosphère des colonies et l’état d’esprit des administrateurs coloniaux à cette époque:

En effet, il a été constaté que certains hauts fonctionnaires des colonies civiles et militaires participaient au partage des butins de guerre et pratiquaient la traite des esclaves pour leur propre compte.

Ainsi il ressort de la lettre adressée par le gouverneur du Sénégal le célèbre chevalier de Boufflers à madame de Sabran ce 20 janvier 1787 cité dans le livre de Faidherbe (Le Sénégal : La France en Afrique occidentale, p.52).

« J’apprends dans ce moment-ci que M. Blondeau qui doit te porter de mes nouvelles et qui devait prendre à Saint Domingue le premier bâtiment allant en France, n’en fera peut-être rien. Il mène environ 120 nègres dit-on entre lui et M. Le Comte Repentigny (le prédécesseur de Faidherbe) et ne sortira pas de Saint-Domingue qu’ils ne soient vendus jusqu’aux derniers.

Mais j’espère au moins qu’il fera partir mes paquets, Dieu sait quand ils arriveront ! Voilà les gens auxquels je vais avoir affaire ! Tous ont le cœur d’un marchand sous l’habit d’un officier… »

Le chevalier de Boufflers à Madame de Sabran, Saint-Louis 8 février 1789 :

« J’achète en ce moment une petite négresse de 2 ou 3 ans, pour l’envoyer à Madame la duchesse d’Orléans. Si le bateau qui doit la porter tarde quelque temps à partir, je ne sais pas comment j’aurai la force de m’en séparer. Elle est jolie non pas comme le jour, mais comme la nuit. Ces yeux sont comme de petites étoiles, et son maintien si doux, si tranquille, que je me sens touché aux larmes en pensant que cette pauvre enfant m’a été vendue comme un petit agneau.

Elle ne parle pas encore, mais elle entend ce qu’on lui dit. Si tu la vois au palais royal ne manque pas de lui parler son langage… » (Faidherbe, Le Sénégal : La France en Afrique occidentale, p.53.)

A Madame de Boisgelin, Saint-Louis, le 27 mai 1786 :

« … J’ai avec moi un petit maure très joli que je destine pour la reine et qui pourrait trouver place auprès de M. le Dauphin ; j’attends aussi une petite mauresque de 20 mois qu’on dit charmante.

Je les enverrais peut être tous les deux à la Comtesse Diane, si elle est à Versailles, sinon on les remettra à M. de Nivernois qui trouvera sûrement un moyen de les faire parvenir ».

Le chevalier de Boufflers à Madame de Boisgelin, Saint-Louis le 27 mai 1786 :

« … Adieu ; embrasse notre cher auguste de la part de son plus zélé partisan. Embrasse aussi la petite charmante Ségur, dis-lui que j’ai toujours attendu ce bâtiment que M. Baudet devait m’envoyer pour elle de Bordeaux ; que s’il arrive, je pourrais malgré la cherté actuellement lui donner une cinquantaine de beaux nègres, à moins de moitié prix auquel elle les paye, en sorte que, rendus à Saint Domingue, ils reviendront à peine à 100 pistoles ».

En 1857, le commandant du poste de Bakel a vendu « him-self » comme disent les Anglais aux enchères 66 Toucouleurs d’une bande mise en déroute après avoir attaqué le troupeau du poste de Bakel. (Faidherbe au ministre des colonies, le 15 décembre 1857).

A la page 40 de son livre : Le Sénégal, la France dans l’Afrique occidentale, Faidherbe relate le déroulement de la traite dans les escales du fleuve Sénégal : « Avant 1854, la traite de la gomme avec les arabo-berbères se faisaient comme nous l’avons déjà dit lors de grandes foires annuelles qu’on appelait les escales sous surveillance d’un bâtiment de guerre de l’Etat français. L’escale se terminait tous les ans par une razzia que les arabo-berbères allaient faire sur la rive des noirs (rive gauche).

C’était sur les embarcations des traitants que Fantassins et Cavaliers traversaient le fleuve. Ils allaient surprendre et mettre à feu et à sang quelques villages du Walo, du Cayor ou du Djolof et ils revenaient à l’escale avec leur butin vivant. On voyait des cavaliers portant dans les bras au devant de leurs selles de jeunes enfants, la mère souvent attachée à la queue du cheval si elle n’avait péri dans la bagarre. »

Il convient de noter à ce niveau qu’il est faux de dire que les noirs n’ont pas combattu contre les razzieurs très souvent et ils y ont laissé leur vie et même certaines femmes ont préféré mourir que d’être capturées par les esclavagistes. Ainsi, en est-il des femmes du village de « N’der » dans la commune de Ross- Béthio non loin de Saint-Louis qui ont préféré se faire brûler dans leurs cases plutôt que d’être capturées par des esclavagistes. En vérité, la nature de l’attaque (par surprise) et le choix des villages isolés et l’absence des hommes au moment de l’attaque laissaient peu de chance aux populations locales.

Quand un chef négrier fait une expédition de guerre pour fournir aux commandes des acheteurs d’hommes, les noirs guerriers se font tuer ou s’échappent et ce sont les masses non guerrières qu’on ramasse pour les vendre.

C’est ce qui explique comment ces noirs supportent en général l’esclavage avec résignation. Il n’en eût pas été de même si les négriers avaient eu affaire aux guerriers Thiédo séné-gambiens et qui sont souvent des combattants indomptables, de redoutables guerriers, ayant un grand sens de la bravoure et de l’honneur et qui n’auraient jamais accepté l’esclavage sans protestation et que beaucoup d’entre eux seraient devenus des nègres marrons qui faisaient le désespoir des colonies, aux Amériques, dans les Caraïbes, et parfois même provoquaient des révoltes dans les bateaux pendant les traversées.

Faidherbe dans son livre précité rapporte le cas de l’un de ces Thiédo à Saint-Louis repris après maintes tentatives d’évasion d’une audace inouïe restait dix jours sans boire et manger parce qu’on lui avait enchainé les mains et qui ne voulait pas, disait-il, laper comme un chien. On finit par lui détacher les mains à l’heure du repas et on l’envoya en Guyanne.

Il faut noter que si le choix des personnes adultes avait la préférence des négriers dans le cadre de la traite transatlantique, la préférence était pour les adolescents dans le cas de la traite transsaharienne. Il y’a de cela trois mois, quand j’ai commencé les recherches pour écrire ce texte, je me suis heurté à un mur de pierres, autant la documentation sur tous les aspects de la traite transatlantique existait, autant il n’y avait rien sur l’esclavage transsaharien.

Si nous connaissons à peu près tout de la traite transatlantique, la traite transsaharienne qui a existé pendant 14 siècles et qui a concerné 14 millions d’esclaves, demeure complètement ignorée.

Il est grand temps que les chercheurs et historiens comme Salah Trabelsi de l’université de Lyon, Mohamed Ennaji de l’université de Rabat, Tijane N’Diaye, anthropologue à l’I.N.S.E.E de Dakar et le professeur Ibrahim Thioub de l’Université Cheikh Anta de Dakar se penchent enfin pour faire la lumière sur cette traite transsaharienne qui a été plus longue que la traite négrière transatlantique et certainement pas moins cruelle et qui semble s’être engloutie dans les sables du désert. A ce titre, rappelons que dans la traite transsaharienne, l’opération de castration qui était basée sur la légende de mille et une nuits (Le conte de Shéhérazade ) faisait 70% de décès des castrés.

L’administration coloniale française se préoccupa surtout de substituer et de développer les rapports nécessaires sur les plans politique et commercial. Ce souci excluait les interventions intempestives, si désirables fussent-elles du point de vue humanitaire susceptible de les troubler et de mettre en danger une présence fragile.

Ici encore, laissons parler une lettre un peu plus longue in extinso qui exprime fort bien l’ambiguïté de cette position. Non signée, elle émanait certainement du commandant de cercle du Dagana, Noirot, qui se trouvant alors à Saint-Louis s’adressa à son remplaçant, Villard en ces termes: On était en 1886 au plus fort du mouvement d’émigration des Peuls, provoquait, pensait-on à tort par une attitude trop rigoureuse vis-à-vis de l’esclavage, ce qui était tout à fait faux.

Or Villard était allé confisquer à 70 km de Dagana dans les limites de sa circonscription territoriale une caravane d’esclaves de traite, butin d’une razzia de plusieurs villages relevant de sa compétence territoriale et cette action risquait d’accroître encore un ressentiment qu’il fallait au contraire pensait-on tenter d’apaiser.

Noirot lui écrivit en ces termes :

« Mon cher camarade,

Vous nous avez causé beaucoup d’ennuis avec votre prise de captifs d’avant-hier. Certainement vous avez agi ainsi mû par un mouvement inévitable étant donné l’éducation que nous avons reçu. (sic) mais quelque pénible que soit cette nécessité, il est des circonstances ou refoulant nos sentiments, nos fonctions nous obligent ; et excusent des actes que des âmes trop sensibles et vivant dans le bleu qualifieraient d’infâmes et de cruels.

Vous connaissez mes sentiments sur l’esclavage. Souvent nos conversations ont roulé sur ce sujet et vous savez si j’ai traité la question à fond convaincu que toutes les concessions que nous faisons aux indigènes sont des faiblesses, qu’elles n’enrayeront jamais l’émigration et qu’au fond les noirs se fichent parfaitement de nous.

Mais ce n’est ni Villard, ni Noiroit qui doivent traiter la question. Vous êtes revêtu de fonctions qui annihile (sic) votre indépendance et quelque soit votre indignation en voyant des êtres humains traités moins humainement que des animaux, vous devez faire taire votre sentiment.

Ainsi, mon cher Villard, à l’avenir, pour des considérations politiques que vous connaissez aussi bien que moi, fermez les yeux sur toutes ces infamies. Ignorez si ces chaînes humaines sont des captifs, des enfants arrachés à leurs parents par la rapacité noire ou des gens qui s’attachent ainsi par plaisir, et, en moins que les marchands de captifs ne viennent vous braver en face, en ce cas il n’y aurait aucun ménagement à garder, fermez les yeux.

Le langage que je vous tiens est conforme à des instructions de M. le gouverneur titulaire qui l’année dernière, ainsi que le prouve le télégramme suivant adressé à M. Joyau qui a blâmé la conduite du Cdt de Dagana dans un cas semblable.

« Télégramme :

« Gouverneur désapprouve absolument la conduite tenue à l’égard des deux caravanes de captifs. Il vous ordonne de reconstituer immédiatement ces caravanes, de les rendre à leurs chefs que vous ferez ensuite sortir du territoire français. »

Quelque (sic) soit la décision prise par le Gouverneur titulaire, le Gouverneur par intérim, responsable de ses actes au même titre que lui n’est pas obligé de voir absolument de la même façon, aussi ce qui est fait est fait et reconstituer la caravane que vous avez détruite serait une capitulation infâme et indigne d’un homme de cœur, fils de la race généreuse à laquelle nous appartenons.

Oui, j’ai prêché, j’ai écrit dans des rapports au gouverneur que la question des captifs était le motif principal de l’émigration des peuls. J’ai fait aux émigrants des concessions de ce genre et ils sont partis quand même. Mais en cette circonstance je ne m’occupais que des captifs de case dont la condition est comme vous le savez loin d’être misérable. Je n’ai jamais visé dans mes palabres ces chaines de captifs qui traînent sur les chantiers du Soudan attendant un acquéreur.

J’ai vu une fois une caravane de captifs composée d’enfants, j’ai eu une envie démesurée de fusiller les canoés. Je ne connais rien de plus odieux.

Aussi, croyez bien, mon cher Villard, que je ne vous blâme pas. Je reconnais là vos théories. Mais, comme fonctionnaire, je vous en prie, pour l’intérêt même de ce pays que nous administrons et dans le but de réduire un jour l’esclavage, quand les caravanes d’esclaves passeront loin de vos yeux, laissez-les aller. Faites taire votre indignation, c’est une dure nécessité, mais s’en est une. »

Cette lettre a été publiée par F. Renault dans son livre : L’abolition de l’esclavage au Sénégal : L’attitude de l’administration française 1848-1905, p.76.

Il y a lieu de préciser que le gouverneur titulaire en ce moment était M. Seignac-Lesseps et l’intérimaire le Capitaine de frégate F. Ferrault. Comme il convient aussi de préciser que jusqu’en 1904, les territoires de la Mauritanie étaient gérés par le Gouverneur du Sénégal. Et que jusqu’en 1960, la capitale de la Mauritanie se trouvait à Saint-Louis. C’est à partir de cette date qu’elle a été transférée à Nouakchott.

Cette lettre est particulièrement intéressante car elle exprime de façon caractéristique le sentiment de bon nombre d’administrateurs coloniaux : indignation personnelle devant le spectacle affligeant qui requérait de bonnes opérations de police mais aussi conscience des dangereuses réactions qu’elle aurait pu provoquer.

Lorsque des traitants arrivaient à Saint-Louis ou dans un poste du fleuve accompagnés de nombreux esclaves, on fermait les yeux sur la situation de ces derniers bien que leur présence sur un sol français leur eût valu automatiquement leur libération. L’exigé aurait fait fuir des maîtres peu disposés à se laisser déposséder, ce qui eût entraîné la rupture des transactions et l’asphyxie de la colonie. En certaines circonstances cependant, la présence d’esclaves de traite était évidente, comme la caravane que rencontra l’explorateur Soleillet à Bakel en 1878.

Le conducteur déclara devant le commandant même du poste que le Sultan Ahmadou l’avait chargé de livrer ces hommes en divers points du Sénégal comme Podor et Saint-Louis, le plus grand nombre devant être amené jusqu’à Bathurst. Là, ils se vendaient mieux, et en échange, d’objets de cuivre et d’étoffes pouvaient être acquis à meilleur compte.

La caravane poursuivit tel quel son chemin. Cette tolérance ressortissait à une préoccupation sans cesse entretenue : ne pas rejeter totalement un courant commercial vers des rivaux qui avaient su déjà l’attirer chez eux. (P. Soleillet, voyage à Ségou, p.96).

Selon les administrateurs coloniaux, l’Afrique n’étant pas prête à accepter les valeurs occidentales fondées sur le principe de la liberté individuelle et de l’autonomie de la volonté, le changement moral qu’on désire opérer, ne pouvait se réaliser que par l’attraction des institutions et du droit français sur les indigènes : « L’indigène apparut aux coloniaux sous son véritable aspect, un mineur incapable dont il fallait d’abord entreprendre l’éducation sans vaine précipitation en le laissant évoluer dans le cadre de ses institutions coutumières, en l’élevant progressivement par une direction vigilante vers une collaboration de plus en plus intime au fur et à mesure des projets réalisés (Circulaire du gouverneur général Brevé 18 août 1832 ».

Le paradoxe colonial s’est donc perpétué, la contrariété voire l’incompatibilité de l’esclavage avec « les principes de la civilisation française » étant brandi d’un côté pendant que de l’autre l’indigène était cantonné dans ses coutumes et traditions ancestrales.

Les autorités coloniales justifient l’impossibilité d’appliquer l’article 7 du décret du 27 avril 1848 par la nécessité de ne pas heurter les susceptibilités locales et par la nécessité de préserver les intérêts français. (Gouverneur de Saint-Louis à ministre des colonies 20 août 1848). Selon cet article, «le principe que le sol de la France affranchit l’esclave qui le touche est appliqué aux colonies et possessions de la République française. »

Une application stricte de l’article 7 tel qu’il est formulé pose pour les établissements français de la côte occidentale d’Afrique la question même de leur existence. Ces établissements ne vivent que par le commerce de la gomme et la traite des esclaves. Ces échanges se font avec les populations de l’intérieur. Faire du principe du sol libérateur à un principe général d’émancipation des esclaves risquerait de provoquer une révolution sociale et l’écroulement de ces établissements de commerce, selon eux.

Le principe y est maintenu et on attire l’attention du gouverneur sur le fait que les alliances avec les chefs traditionnels africains doivent être préservées. Le 20 août 1848, le gouverneur Baudin demande qu’on revienne à plus de souplesse dans la mise en vigueur de l’article 7 et appuie cette demande de justice et la justifie par la survenance de faisceaux graves et concordants. A la suite de libération de captifs réfugiés à Saint-Louis, les arabo berbères du Trarza refusent de se rendre aux escales au fleuve pour le commerce de la gomme et la traite des esclaves.

Les arabo berbères du Trarza posent comme conditions au rétablissement des relations normales, la restitution des esclaves fugitifs et la suspension du décret du 27 avril 1848 (gouverneur de Saint-Louis à ministre des colonies, 1849).

« Mamadou Badji : L’abolition de l’esclavage au Sénégal entre plasticité coloniale et respect de l’Etat de droit. Il convient de noter que Saint-Louis était un important port de production et d’exportation des esclaves vers les Caraïbes, les Antilles et les Amériques, comme nous l’avons indiqué plus haut.

Ce sont les arabo berbères qui apportaient la gomme aux escales du fleuve et transportaient l’arachide jusqu’à Rufisque. L’esclavage rentrait dans la structure traditionnelle de ces sociétés et toute menace à cet égard ne pouvait que leur apparaître comme un danger de spoliation et une atteinte intolérable à leurs coutumes. Faire du contact avec le sol français, un acte automatique de libération c’était en détourner les conducteurs de caravane qui les composaient à titre de serviteurs.

A ce danger de paralysie s’ajoutait celui des représailles entreprises par les maîtres qui verraient leurs captifs s’enfuir hors de leur portée : ne s’en prendrait-il pas aux français circulant pour se compenser sur les biens et les personnes civiles. L’application de l’article 7 tel qu’il était formulé posé des difficultés dans les comptoirs de commerce du Sénégal et de la Mauritanie.

Selon eux, toujours, Saint-Louis et Gorée deviendraient des citadelles closes sinon assiégées et devraient encore abriter les centaines de fugitifs pas toujours attirés par le goût d’une saine liberté et menant faute de travail auquel les affectait une vie d’oisiveté parce que l’émancipation fait étendu par Valière, elle se heurta par la résistance des maîtres et à la mauvaise volonté des administrateurs locaux.

En 1882, l’un d’eux Jauregiu Béry met en garde contre « une libération intempestive des esclaves qui seraient de nature à arrêter le mouvement de transactions et des échanges » et recommande de donner aux chefs traditionnels « l’assurance complète que le gouvernement n’a nullement l’intention d’intervenir dans la question de l’esclavage ».

Ces entorses aux principes déclarés ont été dénoncés avec vigueur le 1er mars 1880 par Victor Schœlcher alors sénateur qui attire l’attention du ministre de la marine et des colonies sur la survivance de l’esclavage dans le Haut Sénégal (Mauritanie) et accuse l’administration coloniale d’en être responsable par sa complicité avec les maisons de commerce implantées à Saint Louis du Sénégal.

Les colons adeptes de l’école de l’islamisant Xavier Coppolani qui consiste à respecter scrupuleusement l’islam sunnite ont été encouragés par les ulémas, les émirs et obligés d’interpréter le coran et la sunna suivant le rite malékite, dans le sens de la légitimation de l’esclavage. Jusque dans les années 40 et 50, il existait malheureusement un trafic clandestin bien sûr, d’esclaves et je reprends le terme car il s’agissait bien de noirs volés, vendus et revendus contre leur gré. Un esclave se vendait dans le sud marocain plus de 20 chameaux, j’eus personnellement deux fois l’occasion d’arrêter de tels trafiquants ». (Colonel Oumar Ould Beibacar, Les Harratines, ces oubliés de la République, 2e Partie/Le Calame)

Il ressort de ce qui précède que les autorités françaises pendant la pacification étaient très tolérantes et avaient contribué par un jeu de mots à transformer l’esclavage en servage et les esclaves en serviteurs ce qui était une simple litote. Ces mêmes autorités coloniales avaient renforcé le pouvoir des maîtres ou des seigneurs en leur attribuant toutes les terres arables, pour perpétuer leur domination sur la majorité de ces serviteurs dont le seul moyen de survie était de labourer la terre.

Aucun serviteur n’avait droit de propriété sur ses terres mises en valeur grâce à son labeur et à celui de ses ascendants. La réforme foncière de 1983 n’a pas modifié la situation. Les anciens maîtres sont toujours les propriétaires des terres et les anciens esclaves sont toujours les cultivateurs de ces terres. Profitant de la période de pacification de 1900 au 28 novembre 1960, les français avaient très bien préparé la période de néocolonisation depuis l’indépendance et qui continue jusqu’à présent.

Les écoles de la discrimination, en effet les français avant de partir avaient bien préparé leur succession au profit de leurs héritiers et complices les chefs de tribus ou les fils des grandes familles arabo-berbères et négro-mauritaniens. C’est ainsi qu’ils ont institué dans les quatre coins du pays les écoles des fils de chefs et qui ressemblent étrangement aux lycées d’excellence instituées par Aziz appelées «Lycées de la discrimination négative » car elles ne sont ouvertes qu’à une seule communauté, dont les premières avaient été construites en 1914 à Boutilimit, à Atar en 1936 et à Kiffa en 1939.

Comme leurs noms l’indiquent, ces écoles privilégiaient clairement la noblesse et étaient interdites aux esclaves aux autres castés auxquels les colons ne faisaient pas confiance et ne leur accordaient aucune importance. (Mauritanie : Les Haratines, ces oubliés de la République 2ème partie par Colonel en retraite Omar Ould Beibacar, Le Calame du 10/9/2015). D’ailleurs ce n’est pas pour rien que Coppolani a donné le nom du pays à une seule communauté alors qu’il aurait dû s’appeler les territoires des maures, des haratine, des poular, des soninké et des wolof.

Coppolani avait dit : « Le titre du gouverneur de la Mauritanie est celui que j’ambitionne le plus au monde ; car ce pays, en définitive, c’est moi qui l’ai donné à la France. » (cité par R. Alhaure précis de politique musulmane T.1 Alger 1906. La situation des esclaves après l’indépendance a été exactement similaire à celle qui prévalait avant l’indépendance.

Les maîtres sont restés les maîtres et les esclaves sont demeurés des esclaves. Force est de constater que 56 ans après, ce combat n’a rien donné. Voilà ce qu’en disait en janvier 1999 l’ex-président Mokhtar Ould Daddah dans une interview à Jeune Afrique Economie : « C’est une réalité sociologique de la Mauritanie. Malheureusement un héritage très ancré dans les mœurs du pays. Nous n’avions pu l’attaquer de front parce que nous avions un pays à créer d’urgence et à partir de rien. Il fallait résoudre le problème au fur et à mesure que des solutions étaient envisageables. Notre constitution de 1961 supprimait l’esclavage. Dans la pratique administrative et judiciaire fut donnée instruction aux agents de la justice de ne plus considérer l’esclavage comme une institution et de le combattre. »

De même, pendant la transition de 2005-2007, le président Ely Ould Mohamed Vall a déclaré qu’il fallait attendre, après la transition, pour pouvoir poser le problème de l’esclavage alors que les deux périodes des débuts de l’indépendance et les deux ans de transition étaient les moments les plus favorables pour le traiter. On constate malheureusement que la problématique de l’esclavage a été renvoyée aux calendes grecques comme une question qui pouvait attendre à chaque fois et qui n’était pas urgente.

En Mauritanie, les traités et conventions signés par Coppolani avec les chefs traditionnels Zwaya (Baba Ould Cheikh Sidiya) indique clairement qu’il ne sera rien changé aux mœurs, aux coutumes institutionnelles religieuses du pays. Les chefs traditionnels actuels conserveront leurs anciens droits et privilèges et notamment ceux relatifs à la possession de l’esclavage. C’est en Mauritanie que l’administration coloniale découragea le plus les fuites des esclaves vers la liberté, ceux-ci étaient systématiquement recherchés et remis à leurs maîtres.

Dans la 2ème moitié du 20ème siècle, pour préserver l’expansion territoriale et économique notamment en direction du Soudan, les français expulsent les esclaves de leurs établissements sur réclamations des maîtres sacrifiant ainsi le principe du « sol libérateur ». (Gouverneur du Sénégal à ministre des colonies 24 avril 1883). Après l’installation des républicains au pouvoir en 1879 en France coïncidant avec la célébration du discours abolitionniste, les entorses sont dénoncées avec une vigueur croissante.

Tout récemment, le 29 juin 2016, en prévision du sommet de la ligue arabe qui devait se tenir à Nouakchott, les 25 et 26 juillet 2016, les forces de sécurité étaient venues exécuter une ordonnance d’expulsion forcée de 470 familles membres de la communauté des esclaves et anciens esclaves installée sur un terrain vague communément appelé «bidonvilles de l’homme d’affaires Bouamatou» situé au cœur d’un quartier chic composé de châteaux de « mille et une nuits » et qu’il convenait de faire déguerpir au plus vite pour les cacher au regard de nos riches visiteurs arabes.

Les forces de sécurité se sont heurtées à la résistance des populations qui n’avaient pas d’autre choix et qui ont organisé une manifestation spontanée. Une voiture des forces de sécurité a été brûlée. Des manifestants et des éléments de forces de sécurité ont été blessés et des véhicules privés endommagés. Il s’en est suivi plusieurs arrestations.

Plusieurs jours après leur déguerpissement forcé, les 470 familles vivent dans des conditions de dénuement et de souffrances inimaginables, des tonnes de baraquements, d’outils, de zings, bois et tôles de toute provenance et des haillons tapissent les abords du goudron menant au quartier périphérique de Dubaï situé à 8 km du centre-ville où ils ont été jetés pêle-mêle, hommes, femmes et enfants dans des conditions précaires sans eau, sans nourriture et sans électricité.

La question qui doit être posée, c’est comment ce terrain qui a été attribué il y a quelques années à un riche homme d’affaires ressortissant d’un pays du Golfe et qui devait y construire un hôtel de haut standing, de classe internationale et qui avait commencé à le clôturer, se retrouve, par miracle, en train d’être morcelé et vendu à des hommes d’affaires locaux. N’y a-t-il pas un deal entre ces hommes d’affaires ? La question mérite d’être tirée au clair.

Depuis que la Mauritanie est indépendante le 28 novembre 1960, le pays est entre les mains des arabo-berbères. La Mauritanie est une République Islamique régie par la charia.

Dans les trois constitutions mauritaniennes édictées depuis l’indépendance 1961-1991 et 2006, il est précisé que « l’Islam est la seule source de droit. »
Au sujet de l’esclavage, voilà ce que disait le premier président de la Mauritanie, Moktar Ould Daddah : « Le problème de l’esclavage en Mauritanie peut être résolu de deux manières : soit par une révolution sanglante, ce dont le pays n’a pas les moyens, soit par une évolution lente de la société grâce au développement économique, et cela est en train de se réaliser. La preuve en est que les propriétaires d’esclaves qui disaient « mon esclave » (sic) depuis quelques années sont gênés et cherchent des périphrases pour s’exprimer. En tout état de cause, nous ne pouvons pas affronter les féodaux sur ce terrain à l’heure où le pays est en danger (référence à la guerre du Sahara), même si le problème nous préoccupe. »

En vérité, l’Islam ne reconnaît pas l’esclavage. Les différents pouvoirs mauritaniens ne se sont pas attaqués de manière sérieuse à la question. L’Islam, comme chacun sait, est une religion de progrès, de tolérance, de paix et d’égalité. Mais en Mauritanie, les féodaux ont voulu utiliser l’Islam pour affermir leur mainmise sur les esclaves.

En sacralisant l’Islam, les marabouts en Mauritanie protègent cette institution (esclavage) contre toute critique pour perpétuer ce phénomène, la société mauritanienne emploie un procédé simple et efficace à la fois. L’esclavage fut érigé en dogme de l’Islam. Tout musulman devait, par conséquent, établir par la volonté divine, sans jamais chercher à en percer le secret, à en comprendre la philosophie, ni à en expliquer les origines. C’est un sujet tabou. En douter, est un sacrilège et un blasphème.

La féodalité arabo-berbère de Mauritanie continue à justifier les pratiques esclavagistes par les textes du Coran. L’Etat mauritanien qui est une théocratie, République Islamique de Mauritanie fonde sa législation sur la charia islamique (loi islamique) comme nous l’avons déjà indiqué. En effet, le préambule de la constitution mauritanienne affirme que l’Islam est la « seule source de droit ». L’article 5 de cette constitution stipule que l’Islam est la « religion du peuple et de l’Etat ». L’enseignement du droit musulman prend en compte du statut de l’esclave.

Ainsi dans l’héritage, aucune part n’est réservée à l’esclave. Dans les contrats, la vente des esclaves est recensée en droit civil. L’esclave ne peut témoigner dans les litiges judiciaires. (Mohamed Yahya Ould Ciré, La Mauritanie entre l’esclavage et le racisme).

En réalité, dans les faits, les esclaves et anciens esclaves n’apprennent ni le Coran (parole d’Allah) ni les hadiths (parole et pratiques du Prophète Mohamed PSL). Ce sont précisément les maîtres arabo-berbères qui abusent de leur foi pour justifier l’esclavage. Ils inculquent à l’esclave que le service du maître est un devoir religieux et que les visages noirs sont des musulmans impurs pour qui la seule voie pour le paradis est d’obéir aux musulmans blancs purs.

Il n’est pas recommandé d’ailleurs aux esclaves d’étudier le Coran à supposer qu’ils sachent lire et écrire, ni de faire le ramadan, ni de faire la prière ; son paradis se trouvant entre les pieds de son maître et à son obéissance aveugle.

Dans ces conditions, l’aliénation de l’esclave est double, elle est terrestre et céleste. Terrestre, l’esclave appartient à son maître, travaille pour lui et lui doit obéissance. Céleste, parce que la fidélité de l’esclave au maître est la seule voie par laquelle il accède au paradis.

Cette fausse interprétation de l’Islam enferme l’esclave dans un engrenage dont il ne peut sortir et permet son exploitation par son maître.

A ce sujet, il est difficile de comprendre que le Haut Conseil de la Fatwa et des recours gracieux n’a, jusqu’à présent, jamais condamné par une fatwa de manière expresse, la pratique de l’esclavage en Mauritanie. Il est quand même étonnant qu’une institution créée par l’Etat à cette fin ne prend pas position sur ce crime contre l’humanité. Mais n’a-t-on pas entendu l’ancien ambassadeur Hamoud Ould Ely, un leader du parti au pouvoir et un proche de Ould Abdel Aziz, venir à la chaîne de télévision privée Chinguiti TV et déclarait que : « Les esclaves ne doivent pas être scolarisés, car s’ils le sont, ils n’accepteront plus de faire un certain nombre de travaux pourtant indispensables au confort de la société mauritanienne. »

Dans un autre pays, M. Hamoud Oud Ely aurait été convoqué par le Procureur de la République qui l’aurait envoyé devant un juge d’instruction pour les propos qu’il a tenus mais en Mauritanie, il est permis à tout un chacun de tenir des propos désobligeants, choquants voire insultants, comme ce fut le cas du président Ould Abdel Aziz à Néma, le 3 mai 2016 au sujet de la fécondité de la femme esclave.

Le sabotage actuellement observé, au niveau de l’enseignement public, constitué en la vente des écoles publiques situées dans les quartiers populaires ainsi que l’absence des enfants descendants d’esclaves et d’anciens esclaves dans ce qu’on appelle ici les « lycées d’excellence » ou les « lycées de la discrimination négative » où l’on ne retrouve que les enfants de la classe dominante, participe à cette volonté d’empêcher toute ascension, par la voie de l’école républicaine, des couches défavorisées, comme nous le verrons dans le chapitre suivant.

A suivre…
Tél. : 00 222 46 50 11 25
Email : vallmessaoud@gmail.com
Source : Ahmedou Vall Messaoud