Les Harratines, ces oubliés de la République /Par le colonel (E/R) Oumar Ould Beibecar

Les Harratines, ces oubliés de la République /Par le colonel (E/R) Oumar Ould Beibecar  Le mouvement El Hor, fondé en mars 1978 par des intellectuels harratines, victimes eux aussi des discriminations du pouvoir « beidane », sur la base de revendications légitimes et responsables, a été vite infiltré, puis détourné par ce pouvoir d’exception, qui l’a divisé en deux tendances. 

Celle des opportunistes qui font de la lutte contre l’esclavage un fonds de commerce avec le pouvoir, et celle des idéalistes qui en font un fonds de commerce auprès des pays étrangers. Cette rivalité, suscitée entre ces deux mouvements, a largement contribué à la paupérisation des harratines. 

Pourtant entre ces deux tendances, il existe une élite républicaine silencieuse, constituée de cadres harratines, hommes et femmes dignes, sérieux et compétents, qui refusent l’opportunisme des uns et l’idéalisme des autres, et qui n’ont à vendre que leur propre exemple de réussite, qui leur a permis de forger un rang social beaucoup plus important que celui de leurs anciens maîtres.

Ces cadres patriotes et responsables sont les vrais défenseurs de la cause harratine. Car ils ont compris que le salut de cette catégorie sociale ne viendra que de l’Ecole et uniquement de l’Ecole.

Il y a un autre personnage providentiel, qui a particulièrement contribué à l’émancipation et à la prise de conscience des harratines, en trouvant refuge dans les vraies valeurs de l’islam sunnite libérateur et égalitaire. Il s’agit de l’éloquent imam Mohamed OULD SIDI YAHYA. 

Ce grand pédagogue a incontestablement réussi à contenir le mécontentement des anciens esclaves, suscité par les discriminations et les injustices flagrantes des régimes d’exception et intensifié par plusieurs siècles de spoliation. Il a réussi à former une autre élite, croyante, purifiée et libérée des préjugés sociaux qui servira sans aucun doute d’exemple, à toute notre société et contribuera à la paix civile indispensable au développement de notre pays et à sa survie.

Un pédagogue nommé Ould Sidi Yahya

L’ordonnance 81-234 du 9 novembre 1981 du CMSN portant abolition de l’esclavage, prononcée du bout des lèvres, sans aucune mesure d’accompagnement, suscitée par l’activisme des ONGS comme World Vision, n’a pu survivre au puissant lobby féodal en perpétuelle renaissance, qui domine les comités militaires et leurs gouvernements, ainsi que le pouvoir politique et traditionnel. 

D’ailleurs, la réaction d’un grand seigneur, chef de tribu en Assaba, quelques mois après la promulgation de cette ordonnance, annonçant solennellement, la libération de plusieurs dizaines de ses esclaves, aux environs de Kiffa, vivement ovationnée par le président du CMSN et sa délégation, de passage pour l’inauguration du tronçon Kiffa-Néma, en est une illustration et, démontre si besoin est, le caractère démagogique de cette ordonnance, qui moisit depuis sa promulgation. Les nouvelles lois n’apporteront rien de nouveau puisque le système féodal qui se nourrit des inégalités est toujours au pouvoir et se consolide.

Le pouvoir aurait pu aussi, s’il le voulait, décomplexer et transformer les nombreux féodaux consanguins des harratines, en abolitionnistes convaincus, notamment certains chérifs et émirs de mères esclaves ainsi que d’autres métis fils de nobles et de femmes esclaves. Leur charisme, leur orgueil, ainsi que leur consanguinité avec les victimes, pouvaient être exploités, positivement pour susciter leur engagement pour cette noble cause, dont l’objectif est de délivrer leurs proches parents, leur sang, de cette déshonorante et humiliante situation d’esclave, pour une meilleure harmonie nationale.

Cette ordonnance abolitionniste prévoit paradoxalement dans son article 2, une compensation au profit des maîtres au lieu des victimes, ce qui est contreproductif sachant que l’esclavage en Mauritanie, n’a aucun caractère conforme à la charia à cause de ses origines douteuses, produit des razzias ou de vol à main armée. D’ailleurs, cette traite humiliante, des populations noires musulmanes et riveraines, contraire aux valeurs de notre sainte religion, avait provoqué le siècle dernier, l’indignation de l’érudit de Oualata, Mohamed Yahya Elwalaty, ainsi que celui de Tombouctou, Cheikh Ahmed Baba Ettimboucty, qui avaient déclaré, la prohibition de cette pratique honteuse, que les oulémas du pouvoir n’ont dénoncé qu’il y a quelques mois comme pour se moquer de la République.

En cherchant à compenser les fautifs, le CMSN avait commis la même erreur d’appréciation que les gouvernements français, non moins esclavagistes, qui, bien qu’ayant aboli l’esclavage dans les colonies conformément au décret du 27 avril 1848, ont fini par accorder une indemnité aux anciens propriétaires d’esclaves conformément au décret du 24 novembre 1849, pour contenir leur mécontentement. Ce laxisme va continuer jusqu’au 12 décembre 1905, lorsqu’un décret français réprimera définitivement la traite des esclaves dans les colonies.

Pourtant si cette compensation avait été accordée par le CMSN aux victimes de l’esclavage, celui-ci aurait été éradiqué définitivement. Sachant que ces esclaves étaient essentiellement employés dans les domaines de l’élevage, de l’agriculture, de la pêche, ou comme domestiques ou ouvriers subalternes, le CMSN aurait pu les délivrer, en leur accordant des moyens de production propres à eux dans les domaines de leurs spécialités, et en leur attribuant des terres à cultiver. L’Etat aurait dû désintéresser les anciens maîtres pour leur éviter de se servir de ces terres, comme moyen de pression susceptible de perpétuer leur domination sur ces harratines nouvellement affranchis.

La peau des uns, la culture des autres

En ce qui concerne les domestiques et les ouvriers subalternes, le gouvernement aurait pu les former et leur donner du travail en les recrutant en priorité, comme soldats, agents de police, plantons ou agents de sécurité ou en leur finançant des micro-projets pour leur permettre d’obtenir des métiers leur garantissant une meilleure insertion dans les domaines commercial ou industriel, en attendant des jours meilleurs. L’Etat aurait pu accompagner ces mesures par une scolarisation obligatoire au profit de leur progéniture.

La solution que le père de la nation avait apportée au problème des NMADIS aurait pu être vulgarisée par le CMSN pour régler ce problème d’esclavage. En effet pour mettre fin aux activités destructrices pour la faune et la flore, de ces guerriers, grands chasseurs du Dhar, le gouvernement les avait transformés en éleveurs, en leur procurant les animaux nécessaires au début des années 60, et avait procédé au recrutement de leurs jeunes dans les forces armées et de sécurité. Cette initiative a permis leur insertion dans la vie active et a mis ainsi fin définitivement à ce fléau environnemental. 

Le pouvoir d’exception a largement contribué au clivage de notre société, et au maintien de l’esclavage, en suspendant de facto l’ordonnance abolitionniste et en renforçant le pouvoir tribal que le père de la nation avait beaucoup affaibli. Ce pouvoir tribal, arabo-berbère et négro-mauritanien, qui se nourrit du labeur, rarement rémunéré de ces esclaves, obligés par les pouvoirs publics de se résigner et de pardonner à ceux qui les ont déracinés et qui refusent toujours de les adopter, malgré plusieurs siècles de cohabitation dans un environnement régi par l’Islam sunnite.

Contrairement aux autres composantes nationales, les harratines n’ont que laMauritanie comme patrie, ils n’ont pas de ramification dans les pays voisins. Ils sont le fruit de notre histoire, de notre géographie, de nos déviations et de nos folies. Avec la peau des uns et la culture des autres, ils forment une symbiose indispensable à la consolidation de notre unité nationale. Leur noblesse n’a pas été entamée par tous ces siècles de frustration, d’humiliation et de mépris. Pendant tous ces temps difficiles, ils ont gardé intacts leur honneur, leur générosité, leur dignité, leur probité morale, et leur fierté.

Les harratines sont originaires des populations négro-africaines riveraines, razziées pendant les siècles derniers par les tribus arabo- berbères et négro-africaines. Déracinés et arabisés par la force du destin, ils ont acquis au fil du temps, une nouvelle identité afro-arabe. Comme d’autres, sous d’autres cieux et dans d’autres continents, qui par la force du destin ont été déracinés, occidentalisés, christianisés ou athéisés et ont acquis une autre identité afro- euro-américaine. Débarrassés de l’hégémonisme des arabo-berbères et de la susceptibilité des négro-mauritaniens, et guidés par une foi inébranlable, les harratines constituent incontestablement le trait d’union fondamental entre les uns et les autres, le centre de gravité de notre unité nationale et l’espoir d’un avenir radieux pour les générations futures de notre pays, pourvu qu’ils en prennent conscience.

Le sort des Matchoudos, esclaves toucouleurs et des Komes, esclaves des soninkés, les oubliés de la République et de la Liberté, qui ne figurent même pas sur l’agenda des abolitionnistes, doit être traité sans passion avec beaucoup de sérieux et d’appréhension. Ceux-ci étant de la même couleur et parfois portant les mêmes noms que leurs maitres donnent l’impression de vivre dans un système égalitaire, alors qu’ils sont victimes de beaucoup de discriminations dissimulées. Leurs visages portent souvent les stigmates de leurs souffrances morales et psychologiques. Spoliés, terrorisés, frustrés et privés de leur dignité, de leurs terres et parfois de leurs biens, ils subissent l’arbitraire quotidien de leurs maîtres qu’ils ne peuvent dénoncer. 

Certains comme les Komes, de la communauté la plus esclavagiste du pays, à savoir des soninkés du Guidimagha, souffrent de discrimination parfois même à titre posthume. Ils n’ont même pas, semble-t-il, le droit de prier dans la même mosquée que leurs maîtres et après leur mort, ils n’ont pas le droit d’être enterrés dans le même cimetière.

 

Les Harratines, ces oubliés de la République (deuxième partie) Par le colonel (E/R) Oumar Old Beibecar

Les Harratines, ces oubliés de la République (deuxième partie) Par le colonel (E/R) Oumar Old BeibecarLe Calame – De la responsabilité de l’esclavage
La France a une très grande part de responsabilité dans la consolidation de l’esclavage enMauritanie, à cause de sa grande tolérance, de son indulgence et de sa bienveillance à l’égard du lobby féodal mauritanien, son partenaire, son complice, qu’elle n’a pas soumis au décret du 12-12-1905 dont la colonie de Mauritanie fut la seule exemptée tacitement.Les colons adeptes de l’école de l’islamisant Coppolani, qui consiste à respecter scrupuleusement l’Islam sunnite, ont été encouragés par les oulémas des émirs, obligés d’interpréter le coran et la sunna suivant le rite malékite, dans le sens de la légitimation de l’esclavage.A ce propos, le commandant François BESLAY chef d’état major de l’Armée Mauritanienne en 1961, écrivait : « En ce qui concerne les « serviteurs », je pense qu’il faut, sans vouloir jouer sur les mots, faire ici la distinction entre la condition des serviteurs non libres donc « captif » et celle d’ « esclave ».Officiellement il n’y avait en effet pas d’ « esclaves » en Mauritanie dans la mesure où ce terme rappelle fâcheusement la traite des Noirs et les esclaves enchaînés, achetés puis revendus aux Antilles ou en Amérique du nord. Il n’y avait, il n’y a encore que des serviteurs et des servantes appartenant, il est vrai à un maître et, de ce fait, intégrés à sa famille pour le meilleur et pour le pire. Sans doute étaient-ils au bas de l’échelle sociale, chargés de toutes les besognes serviles mais, nombre d’entre eux s’y trouvaient à leur place, acceptant volontiers une situation leur assurant sécurité et affection, et se dévouaient à leur maître comme le faisaient sans doute chez nous naguère les vieux serviteurs de la Noblesse attachés à vie à certaines familles.Dans la société moyenâgeuse qu’était celle de la Mauritanie à l’époque, il n’y avait là rien de bien choquant. Mais la barrière sociale n’existe plus hors la vue des témoins et « un guerrier seul en route avec son serviteur partagera avec lui sa nourriture avec une simplicité amicale qui serait une leçon pour bien des démocrates. ». Certes des excès étaient commis et des serviteurs maltraités par leurs maitres. Mais leur « libération » n’aurait alors la plupart du temps, rien résolu du tout, les jetant seulement en pleine insécurité, sans patron donc sans travail : qui eut alors osé utiliser le serviteur d’un autre sans son consentement.On convoquait donc le mauvais maître et, en présence du serviteur, on exigeait qu’il s’engage à traiter ce dernier humainement, faute de quoi il lui serait enlevé pour être libéré. Moyennant quoi généralement tout s’arrangeait. Par contre l’administration française s’opposait efficacement à toute vente de serviteur, c’est-à-dire, en fait, à tout changement de patron sans l’accord de l’intéressé et notamment à toute séparation de la mère et de ses jeunes enfants ou même de la servante et de son mari. Une tentative de « libération » massive fut faite en 1944 par les autorités françaises au profit des serviteurs des Réguibats Legwacem.

On dut vite faire machine arrière. Le Peloton méhariste de la Saoura qui nomadisait entre Bir Mogrein et Tindouf étant alors envahi de Noirs évadés, qu’il fallait nourrir, et les Legwacem prêts à repartir en dissidence si on ne leur rendait pas ceux dont l’absence privait le troupeau de ses bergers.

Pratiquement, au fil des années et sous la pression constante des autorités françaises qui refusaient de reconnaitre un droit de propriété quelconque en la matière, nombre de serviteurs passèrent insensiblement du statut de serviteur à celui d’affranchi ; c’est-à-dire que certains reçurent un salaire et, libres de prendre leurs distances avec leurs anciens maîtres, ils se mirent souvent à travailler pour leur propre compte. A tel point qu’en 1958, peu après la mise en place de l’autonomie interne, le vice-président du conseil de gouvernement, Mokhtar Ould Daddah, se fit à plusieurs reprises au cours de ses visites chez les nomades, interpeller par de vieux chefs qui réclamaient : « Rends-nous, maintenant que nous sommes une République Islamique, ceux dont le coran nous reconnaît la propriété !

Néanmoins dans les années 1965, un responsable de la Miferma à Zouerateme rapportait qu’il recevait parfois la visite de Beidhanes venant réclamer que leur soit versé le salaire de « leurs » serviteurs qui travaillaient à la mine !

Pour en revenir aux années 40-50, il existait malheureusement un trafic, clandestin bien sûr, d’ « esclaves », et je reprends le terme car il s’agissait bien de Noirs volés, vendus ou revendus contre leur gré. Un esclave se vendait alors dans le sud marocain pour plus de 20 chameaux ! J’eus personnellement deux fois l’occasion d’arrêter de tels trafiquants.»

Autorités françaises tolérantes

Il ressort de ce qui précède que les autorités françaises pendant la pacification étaient très tolérantes et avaient contribué à transformer l’esclavage en servage, et les esclaves en serviteurs ou en serfs. Ces mêmes autorités avaient renforcé le pouvoir des maîtres ou des seigneurs en leur attribuant toutes les terres arables, pour perpétuer leur domination sur la majorité de ces serviteurs dont le seul moyen de survie était de labourer la terre.

Aucun serviteur n’avait droit de propriété sur ces terres mises en valeur grâce à son labeur et à celui de ses ascendants. La réforme foncière de 1983 n’a pas modifié la situation. Les anciens maîtres sont toujours les propriétaires des terres et les anciens esclaves sont toujours les cultivateurs de ces terres. Profitant de la période de pacification de 1900 au 28 novembre 1960, les français avaient très bien préparé la période de néo- colonisation qui a commencé depuis l’indépendance et qui continue jusqu’à présent.

Avec deux périodes distinctes, celle des bâtisseurs qui se situe entre le 28 novembre 1960 et le 10 juillet 1978 beaucoup plus marquée par une vraie volonté de réduire les inégalités et de promouvoir une véritable égalité citoyenne. A ce sujet le père de la nation déclarait en janvier 1999 dans une interview à Jeune Afrique économie : «C’est une réalité sociologique de la Mauritanie. Malheureusement un héritage très ancré dans les mœurs du pays. Nous n’avions pu l’attaquer de front parce que nous avions un pays à créer d’urgence, et à partir de rien. Il fallait résoudre le problème au fur et à mesure que des solutions étaient envisageables. Notre constitution de 1961 supprimait l’esclavage. Dans la pratique administrative et judiciaire, il fut donné instruction aux forces de sécurité et aux agents de la justice de ne plus considérer l’esclavage comme une institution et de le combattre. » 

La seconde période, celle des régimes d’exception destructeurs, qui a commencé ce 10 juillet 1978 et qui continue jusqu’à présent, est marquée par un recul des libertés et des valeurs morales ainsi que par la montée en puissance des inégalités intercommunautaires, interrégionales et intertribales avec pour summum la déportation et le génocide.

Les écoles de la discrimination

En effet, les Français avant de partir avaient bien préparé leur succession au profit de leurs héritiers et complices les chefs de tribus ou fils de grandes tentes arabo- berbères et négro-mauritaniens. C’est ainsi qu’ils ont institué dans les quatre coins du pays les écoles des fils de chefs, dont les premières avaient été construites à Boutilimit (1914), à Atar (1936) et à Kiffa (1939) pour reproduire la société coloniale en vue de préserver les intérêts de la métropole et perpétuer la colonisation sous une autre forme plus civilisée et acceptable par les populations autochtones. Comme leurs noms l’indiquent ces écoles privilégiaient clairement la noblesse et étaient interdites aux serviteurs et aux autres castes auxquels les colons ne faisaient pas confiance et ne leur accordaient aucune importance.

Pour cette raison la France doit être sollicitée aujourd’hui, pour participer avec le gouvernement mauritanien à l’alimentation d’un Fonds de Solidarité pour la Dignité, au profit des victimes de l’esclavage ou personnes assimilées, pour réparer autant que faire se peut les préjudices subis par les descendants de ces esclaves. Pour la France, sa responsabilité se situe entre le 12 décembre 1905, date du début de la répression de la traite des esclaves dans les colonies et le 28 novembre 1960. Elle doit participer avec une indemnisation considérable.

La responsabilité du gouvernement mauritanien commence du premier jour de l’indépendance jusqu’à la fin de ce fléau. L’Etat mauritanien, quant à lui, doit donc mettre en place un fonds de Solidarité qu’il alimentera, à hauteur de 3% de son budget annuel, à compter de 1961. Ce fonds permettra une meilleure insertion de la communauté des anciens esclaves ou personnes assimilées en leur offrant une véritable éducation citoyenne, des écoles, des centres de formation, des capitaux assurant leur autonomie ainsi qu’une entière prise en charge de leur sécurité sociale.

Le pouvoir d’exception a incontestablement renforcé le système féodal – fondé sur les inégalités sociales et l’arbitraire,sources d’instabilité – légué par les pacificateurs, en essayant de lui donner un visage moderne et libéral, si bien décrit par Géneviève Désiré-vuillemin dans son livre « histoire de la Mauritanie » : « Le discours officiel pourrait faire croire que l’ancienne société, avec sa hiérarchie pesante, a été balayée avec les mots d’indépendance, de démocratie, de partis, de rassemblement, de liberté …

Mais ces vocables à consonance moderne ne sont guère que les déguisements, des anciennes formes de pouvoir et de contre pouvoir qui soutenaient auparavant, les compétitions et les affrontements entre fractions ou tribus. Aujourd’hui, qu’un individu se présente vêtu d’une derrah ou d’un costume-cravate, il est parfaitement identifié par ses compatriotes comme le descendant d’une lignée prestigieuse de marabouts ou de guerriers de grande tente, ou le fils exceptionnellement doué et chanceux d’un obscur hartani.»

Source : Le Calame (Mauritanie)

Les Harratines, ces oubliés de la République (Suite et fin) Par le colonel (E/R) Oumar Ould Beibecar

Les Harratines, ces oubliés de la République (Suite et fin) Par le colonel (E/R) Oumar Ould BeibecarLe Calame – Le manifeste des harratines proclamé en grande pompe à Nouakchott le 29 avril 2013, solennellement avec la présence remarquée des leaders harratines opportunistes et de leurs soutiens, contrairement au manifeste diabolisé du négro-mauritanien opprimé, élaboré lui dans la clandestinité en avril 1986, donne l’impression qu’il a été conçu avec la bénédiction du pouvoir féodal, pour amuser la galerie et gagner ainsi du temps, ce qui n’augure pas de lendemains meilleurs.

L’absence à ce forum des chefs des adwabas et des notables harratines de l’intérieur, grands électeurs, qui subissent au quotidien les injustices, les mépris et les frustrations de toutes sortes, démontre si besoin est que le pouvoir féodal continue de jouer sa mauvaise comédie, qui ne s’intéresse qu’à l’élite harratine dont la majorité est manipulable à volonté.

Ce tintamarre aboutira sans doute, avant d’être oublié, à la nomination de quelques opportunistes harratines et leurs proches à des postes importants et à la distribution bien ciblée de quelques charités sur la base du leitmotiv chanté par ces abolitionnistes : la discrimination positive.

Action visant à favoriser les groupes sous-représentés afin de corriger autant que faire se peut les inégalités. Alors que cette discrimination positive bien contrôlée par le pouvoir féodal est contreproductive.

Les centaines de femmes recrutées à la fonction publique sur la base de ce fameux principe sont majoritairement triées parmi les proches du pouvoir tribal et des partis de la majorité. Les cinquante imams harratines n’échappent pas à la règle et sont recrutés majoritairement parmi les anciens esclaves fiers d’être soumis au pouvoir féodal.

Cadres opportunistes

Toutes mesures de discrimination positive susceptibles de réduire les inégalités de chances, les inégalités sociales, les inégalités de promotion dont souffrent encore et toujours les anciens esclaves, doivent commencer par la base.

C’est-à-dire dans les adwabas et dans les banlieues des grandes villes où vivent ces populations discriminées. En donnant la priorité aux infrastructures scolaires, médicales et routières et non pas se contenter de donner des promotions à certains cadres opportunistes qui tirent profit de ce fléau social.

L’accès à la fonction publique doit se faire sur concours conformément à la loi, une commission consensuelle assermentée doit être choisie parmi les meilleurs cadres pour veiller à la transparence et à la bonne exécution des examens et concours.

Aujourd’hui les opportunistes du mouvement Elhor anciens ministres, anciens ambassadeurs ou hauts fonctionnaires et leurs soutiens sont majoritairement devenus au fil du temps, partie intégrante du système féodal, certains apparaissent même plus royalistes que le roi, et doivent être combattus.

Quant aux idéalistes les plus actifs notamment ceux de l’IRA, ils ont été infiltrés et manipulés ouvertement par les services de renseignement du pouvoir féodal, leur prodiguant un discours extrémiste belliqueux au besoin, qui a abouti à leur emprisonnement suite à la profanation des livres du Fikh malékite, action qui ressemble à une véritable mise en scène orchestrée par le pouvoir pour les diaboliser.

Cependant, IRA est discréditée par son caractère violent, insolent et provocateur ainsi que par son comportement fanatique et sectaire qui prend parfois des allures racistes incompatibles avec sa mission.

En effet, ils ont dénoncé avec arrogance, à plusieurs reprises, le travail des domestiques mineurs harratines rémunérés chez des familles beidanes modestes, comme formes d’esclavage modernes, alors qu’ils n’ont jamais dénoncé la même catégorie de domestiques qui travaillent dans les mêmes conditions chez certains cadres et notables harratines, ainsi que les mathoudos et les comés travaillant dans les mêmes conditions chez les toucouleurs et les soninkés camouflés tous par la couleur de leur peau.

Quand le pouvoir tribaliste a voulu utiliser IRA pour les besoins de la mascarade électorale dont les résultats sont connus à l’avance, il a mis leur chef en liberté provisoire, lui a fourni un casier judiciaire vierge en violation de la loi, et fait entériner sa candidature à la présidence de la république par le conseil constitutionnel tribal, présidé pour la circonstance par un hartani du pouvoir féodal. En légitimant cette imposture IRA a renforcé le pouvoir qu’elle était censée combattre.

Plus tard quand le chef de l’IRA, revigoré par son prix et par son score aux élections de juillet 2014 a voulu apaiser son discours pour être fréquentable, il a été mis en prison parce que le pouvoir ne peut accepter cette organisation qu’avec son discours violent et méchant destiné à terroriser la communautéBeidane afin de l’obliger à rester solidaire du système féodal.

On ne peut oublier le rôle combien positif des nombreuses associations abolitionnistes de la société civile et particulièrement de SOS ESCLAVES qui lutte inlassablement depuis plusieurs années avec élégance et pédagogie, en toute indépendance et avec des moyens modestes, dans le respect des règles du droit et de la Charia pour la liberté et le bien être des anciens esclaves.

Les harratines sont une chance pour la Mauritanie. Les tribus arabo- berbères et négro- mauritaniennes doivent nécessairement les adopter. Il est grand temps que nos communautés acceptent le principe fondateur de la République : L’égalité citoyenne.

Enjeu vital

Pour renforcer cette égalité, l’un des principes fondateurs de notre sainte religion, on doit nécessairement encourager le métissage entre nos communautés et nos castes. On ne doit pas être plus royaliste que le roi.

Le prophète Mohamed PSL avait donné en mariage sa cousine Zaïnab bint Jahch à son ancien esclave Zayd Ibn Haritha. Il lui avait donné le commandement de l’Armée musulmane lors de la bataille de Mu’tah où il avait sous son commandement beaucoup de compagnons du Prophète.

Plus tard le Prophète désigna Oussama le fils de Zayd et de Zaïnab pour diriger une autre armée qui comprenait Omar Ibn Elkhattab, le futur Calife. Ce dernier, sur son lit de mort, avait dit devant d’illustres compagnons du Prophète dont notamment OthmaneAli, Saad, Zoubeir, Talha et Abderrahmane ibn Awf « Si Salim l’affranchi de Abou Houdheyfa était encore parmi nous, je l’aurai nommé pour me succéder ».

Tout cela prouve, si besoin est, que dans l’Islam seuls les critères objectifs de piété, de probité morale, de compétence et d’aptitude sont à prendre en considération. L’épanouissement des harratines en harmonie avec les autres composantes, aura un effet salutaire pour notre peuple et augure des lendemains meilleurs. Le pouvoir et la classe politique doivent tenir compte de cet enjeu vital pour la concorde nationale.

La population mauritanienne estimée à 3 500 000 habitants est approximativement répartie ainsi qu’il suit : 35 à 40 % de Beidanes, 35 à 40 % de Harratines et entre 25 à 30% de Négro-mauritaniens.

Selon certaines estimations, l’élément harratine est majoritaire au sein de la communauté arabo-berbère, d’autres estiment le contraire. En l’absence de statistiques fiables et consensuelles, il est quasiment impossible de trouver des estimations qui ne soient pas contestées par l’une ou l’autre des composantes.

Incontestablement, certains facteurs démographiques réels privilégient la majorité de la composante noire, notamment un taux de fécondité beaucoup plus élevé chez les Négro-mauritaniens (Haratine, Soninké, Haalpulaar, Wolof) doublé du mariage précoce, la polygamie pratiquée presque exclusivement en milieu noir et l’instabilité des foyers arabo-berbères caractérisée par un taux très important de divorces doublée d’un taux très élevé de mariages tardifs et de célibat.

Sur le plan démographique, le rapport de force dans un proche avenir sera très favorable aux harratines. Ceux-ci doivent nécessairement protéger leur pays contre les appétits du pouvoir féodal destructeur, responsable de l’esclavage et du racisme en adoptant une attitude pacifique et en évitant coûte que coûte toute confrontation avec ce pouvoir tribaliste, sans foi ni loi, qui n’a pas respecté le caractère sacré du Ramadan de 1989 et qui met en péril l’existence même de laMauritanie.

L’avenir de la Mauritanie sera donc ce qu’en feront les harratines. Ils pourront même changer le nom du pays en le nommant par exemple la République Islamique HARTANIA. Ainsi tous les féodaux, descendants du Prophète, fils d’Emirs et de chefs de tribus ou de cantons , nobles arabo-berbères et négro-mauritaniens, irréductibles féodaux, seront obligés chacun en ce qui le concerne de décliner sa nationalité en disant : « Je suis hartani » « Je suis hartania ». Ce jour-là tous les complexes disparaîtront.

Source : Le Calame (Mauritanie)