Aziz au Brakna et au Trarza : Faste, protestations et arrestations

 Aziz au Brakna et au Trarza : Faste, protestations et arrestations

Le président Mohamed Ould Abdel Aziz effectue une tournée au Brakna et dans le Trarza depuis le vendredi 28 mai dernier. Un voyage marqué par le faste officiel habituel et un impressionnant déploiement de moyens qui transporte provisoirement toute la crème de la République dans les localités ayant l’insigne honneur de recevoir le rectificateur en chef.

Mais au-delà du vacarme de la Mauritanie des formules convenues et des éternels applaudisseurs et de la couverture de médias officiels aux ordres, on perçoit également d’autres échos.

Ceux là proviennent de divers milieux ayant le courage de dire non à l’arbitraire d’un système qui tente de maintenir le peuple dans l’infantilisme politique et sous la férule avilissante d’une oligarchie militaro affairiste aux commandes depuis près d’une quarantaine d’années.

Dans la même catégorie figurent aussi des révoltés dont l’état d’esprit est motivé par l’accaparement de leurs terres séculaires par un capital étranger dont l’objectif premier n’est certainement pas de contribuer à leur sécurité alimentaire.

Les « hostilités » ont débuté par l’étape d’Aleg, perturbée par un sit-in de protestation des militants de l’Initiative du mouvement Abolitionniste (IRA). Ils réclament la libération de Biram Ould Dah Ould Abeid et ses compagnons, qui purgent une peine de deux ans de prison à la Maison d’Arrêt et de Correction de cette localité.

Il y a eu le rapt d’un responsable de l’Union des Forces de Progrès (UFP-opposition) à Maghta-Lahjar. Son crime : avoir voulu remettre au président de la République un mémorandum dans lequel étaient consignées les revendications de plusieurs Adwabas (campements d’anciens esclaves) relatives à l’accès aux services sociaux de base.

On note également la révolte de quelques activistes, notamment un jeune rappeur victime d’une bastonnade de la sécurité présidentielle à Boghé, comme au bon vieux temps de la barbarie, l’interpellation de Ba Alassane Soma dit (BALAS), leader du parti Arc en Ciel, dans la même localité.

Autant de signaux négatifs qui montrent que la Mauritanie garde encore quelques ressorts de dignité, malgré l’épidémie qui répand toutes les formes de flagornerie de la part des hommes et des femmes aspirant à rentrer dans les bonnes grâces du prince du moment.

Interpellations à Dar El Barka

Le temps fort de la série de cheveux venus donner un goût parfois acre à la soupe de la tournée présidentielle au Brakna a été incontestablement l’étape deDar El Barka (commune située à une cinquantaine de kilomètres à l’Ouest de Boghé).

Là, malgré la tentative de maquillage de la réalité par certains cadres pour des intérêts purement individuels et donc forcément égoïstes, des populations se sont mobilisées pour dire la vérité au président.

Des communautés issues des villages de Dar El Barka, Ould Birom, Dar El Avia…ont clairement exprimé leur détermination à dénoncer devant le chef de l’Etat la volonté des autorités d’exproprier leurs terres séculaires au profit d’un projet agricole dont l’intérêt, au-delà de l’affairisme forcément de nos décideurs, leur paraît très contestable. Mais ces individus ont été arrêtés à titre préventif pour tuer« le mal » dans l’œuf.

L’opération dénoncée porte « sur une superficie évaluée entre 3200 et 9200 hectares, en violation dispositions des codes foncier, forestier et agropastorale. Ce qui porte atteinte grave aux principes de la Charte Africaine des Droits de l’Homme des Peuples (CADHP) ». 

Le gouvernement mauritanien et l’Organisation Arabe pour l’Investissement et le Développement Agricole (OAIDA) ont signé une convention relative à un bail portant sur une concession de 3200 hectares pour la réalisation d’un projet d’agro business.

Au même moment, quatorze femmes et trois hommes, des ressortissants du village de Thiambene, sont arrêtés à Rosso, pour également une histoire d’expropriation de leurs terres.

Une plantation de manguiers, exploitation séculaire de leurs ancêtres, subtilisée dans la foulée des déportations de 1989, et jamais encore restituée, malgré « le règlement définitif » du passif humanitaire. Autant que la Mauritanie n’a pas fini de solder les comptes macabres de cette période trouble.

Mohamed Mahmoud Ould Targui
Source : RMI Biladi (Mauritanie)