La propension du tort et l’attitude de certains segments de notre administration à faire fi de la loi sont devenues des réalités de plus en plus inquiétantes chez nous. Les réfugiés mauritaniens rentrés au pays, les populations de la vallée qui voient les riches et le pouvoir s’accaparer de leurs terres, ont émis maintes complaintes, en vain. Les exemples de dépossession ou tout simplement de rétablissement dans leurs droits des plus faibles sont nombreux, qui restent sans suite.
Il est certes vrai que parfois, il s’agit de cas exagérés ; toutefois, la plupart des plaintes sont graves et tout simplement insupportables. Elles dénotent du lamentable recul des valeurs de l’islam, de l’humanité et de la perte du sens de la mesure et de la justice dans notre société devenue, subitement, un conglomérat de brigands qu’encadre une administration lascar.
Dans la plupart des cas, surtout dans les cas légion de « litiges » fonciers, ce sont des personnes puissantes ou proches des puissants, protégées par eux ou par ceux qui sont soumis à leur autorité, qui s’accaparent des biens d’autrui et imposent leur « droit » ; même si les actes administratifs et souvent les décisions explicites de la « justice » sont clairement du côté du « faible ».
Nonobstant les mesquins règlements de comptes politiques du genre l’annulation pure et simple de la propriété acquise et protégée par titre foncier de tierces personnes dans le viseur du pouvoir et quelques cas de flagrante atteinte au droit de propriété pour se venger des « ennemis », d’autres cas sont encore plus flagrants.
C’est ainsi que la famille du sieur Mohamedou Ould Tijany, – qui s’est exprimé chez nos confrères du Calame il y a quelques jours- et qui a acquis un terrain sur la route d’Akjoujt en 1990 en contrepartie de 1.600.000 UM, a été sommé par le préfet de Teyarett de quitter les lieux que réclame un de ses voisins, qui bénéficierait des égards du pouvoir en place auquel il serait proche par le sang.
Dans un autre quartier du secteur V de Arafat, une famille qui avait refusé de vendre son lopin de terre à un riche commerçant a été chassée de sa maison par le Hakem au profit de cet « homme influent » qui a présenté en l’occasion, des documents de propriété datés d’il y a un an, alors que ceux de la famille éplorée datent de 1990.
Ce n’est pas la première fois que les deux parties en conflit se rencontrent. Elles se connaissent d’ailleurs assez bien. A maintes reprises, l’homme d’affaires s’était présenté devant ses hôtes pour réclamer le terrain cible qui se trouve face à une rue principale. A maintes reprises, il avait demandé une solution à l’amiable tentant de corrompre ses interlocuteurs, mais jamais sans être capable de fournir la moindre pièce justifiant la propriété des lieux.
S’il est devenu si agressif dernièrement, c’est qu’il a fini par se procurer des documents. L’autre partie, celle des lésés et sans-droits, n’a jamais été convoquée au tribunal et n’a été avisée du jugement clandestin que lorsque les délais de recours en seconde instance ont été clos. Là aussi, le drame s’est produit contre une famille pauvre constituée de nombreux enfants orphelins dont la mère est une modeste vendeuse de couscous au marché de Arafat.
Le Hakem et le Cadi de cette Moughâtâa qui savaient bien que la propriété revenait bel et bien à la famille qui occupait le terrain et y aillant construit des abris de fortune dans l’enceinte d’un mur, ont préféré ignorer la loi et malmener le droit.
L’humanisme n’a plus de place dans un Etat où les faibles se font écraser par les riches avec la complicité de l’administration publique et la lâcheté des cadis sollicités ! Ces deux cas sont assez révélateurs de l’état où nous en sommes dans un Etat désormais devenu un vulgaire régulateur de la loi de la jungle. Et ces deux cas, ne sont que d’infimes manifestations de cet état de fait.
Il en existe plusieurs, notamment dans les grandes villes où le foncier fait désormais la richesse de l’individu. Partout à travers la Mauritanie, les gens sont unanimes à dire que les tribus des puissants et les groupes de riches se permettent tout et en toute impunité, notamment quand il s’agit de biens publics qui doivent profiter également à l’ensemble des citoyens de ce pays.
L’Etat qui devait être l’arbitre et la justice le recours, ont démissionné depuis longtemps. Chacun prend les décisions qui l’arrangent et arrangent les siens (au sens large et stricto du terme). Ceux qui n’ont personne au sommet de l’Etat ou dans les maillons intermédiaires de l’administration ou à la justice ne verront que du feu. Ils se font spolier leurs droits les plus évidents et se font dépouiller de leurs biens durement et légalement acquis sans que mouche ne bronche.
Cette situation est inacceptable, même dans une société ou la loi de la force prime. Même dans les sociétés les plus arriérées au moyen-âge, de telles pratiques étaient inimaginables. Et pourtant, nous vivons cette immense et inquiétante régression au… 21ème siècle !
Amar Ould Béjà
Source : L’Authentique (Mauritanie)