La Liberté d’expression, enjeux sociaux et religieux et leur incidence sur le combat pour l’égalité en Mauritanie

Introduction
La double crise sociale et politique que traverse la Mauritanie interpelle les citoyens mauritaniens en général et les intellectuels en particulier. Il y a décidément des moments où l’expression d’une opinion devient aussi vitale chez l’être humain sensé, qu’ingurgiter une poignée de nourriture ! Une manière comme une autre de survivre…
Survivre à cette sensation d’étouffement que peut engendrer une oppression multidimensionnelle et intense ; survivre au sentiment d’être à la merci du plus fort, de celui auquel une certaine providence a attribué le pouvoir.
Évidemment que derrière cette motivation presque désespérée germe en sourdine cette conviction intime que même au fond du cri de désespoir, scintille l’espérance que la douleur s’estompe, que les haines s’atténuent et que l’agitation se calme.

Le sujet que j’ai choisi d’aborder dans cette réflexion est, vous l’aurez bien compris, loin d’être des plus faciles à traiter. Car au-delà du fait qu’il est complexe par son aspect janusien, il est d’un naturel sensible qui requiert sans doute une attention particulière.

Aussi importe-t-il de s’arrêter sur les interrogations suivantes : où en sommes-nous dans la consolidation de notre liberté d’expression en Mauritanie ? Quelle attention devons-nous accorder aux enjeux sociaux en mutation ? Pour mener cette réflexion, je serai amené à m’appuyer sur des faits de notre actualité politico-religieuse récente.

1. Liberté d’expression et combat contre l’esclavage et le racisme

Interrogé plusieurs fois par des journalistes en 2013 et 2014 sur l’état de la liberté d’expression en Mauritanie, le Président Mohamed ould Abdel Aziz n’a cessé de déclarer en substance que la liberté d’expression était une réalité indiscutable en Mauritanie avant de brandir ce qu’il considérait comme la preuve de sa déclaration : « il n’y a pas de prisonnier d’opinion en Mauritanie ».

La vérité est très éloignée d’une telle affirmation. Il faut dire que depuis l’avènement de la première transition militaire en 2005, surtout depuis 2010 donc avec le début du règne de Mohamed Ould Abdel Aziz, la Mauritanie a encore renoué avec les prisonniers d’opinion.

En 2011, Biram DAH, Président d’IRA, alors à la tête du Front de Lutte contre l’Esclavage, le Racisme et l’Exclusion (FLERE) a été incarcéré presque trois mois, à la suite d’une tentative de libération d’une jeune Hartanya réduite à l’esclavage. Pendant la période de son incarcération, une manifestation sur deux organisées pour demander sa libération, a été réprimée.

Plus tard, en 2012, face à l’exclusion des Négro-africains dans l’enrôlement biométrique, plusieurs organisations (politiques et de la société civile) se regroupent dans un cadre de lutte dénommé Touche pas à ma Nationalité. Pour exiger à être enrôlés comme tout citoyen mauritanien, sans aucune référence à leur origine linguistique, ethnique et raciale, ces jeunes négro-africains lancent une série de manifestations hebdomadaires (sit-in, marches) pour se faire entendre. Là encore, une manifestation sur deux a été réprimée.
Le drame surviendra à Maghama lorsque la gendarmerie nationale a tiré sur des manifestants désarmés causant la mort de Lamine Mangane et à Kaédi où le jeune Bathily, entre autres, a été enlevé par la police et torturé jusqu’à perdre conscience ; il a fallu son évacuation à Nouakchott et plusieurs semaines d’hospitalisation pour qu’il recouvre sa motricité.

Au bout des mois qui ont suivi, plusieurs militants et responsables de Touche pas à ma Nationalité ont été tour à tour arrêtés obligeant parfois ces vaillants combattants à tenir des sit-in permanents devant des commissariats ou à affronter les forces de l’ordre dans la rue.

En avril 2012, c’est à nouveau, Biram DAH qui fait son retour en prison. Décidé à secouer les fondements idéologiques de la perpétuation de l’esclavage en Mauritanie, le leader d’Initiative pour la Résurgence du Mouvement Abolitionniste (IRA) après une prière de vendredi, exécute le geste symbolique de l’incinération du « Khalil » (ouvrage religieux) ! Les forces rétrogrades, effrontément esclavagistes, tapies dans l’ombre du régime de Mohamed ould Abdel Aziz, qui étaient déjà à l’affût depuis quelque temps, sautent sur l’occasion ! Oui, pour elles, le moment était venu d’anéantir une bonne fois cet irréductible combattant ; ce Hratin « mablok » qui ose défier l’aristocratie dominante !

 En moins de 24h, une campagne de dénigrement et surtout de diabolisation d’une rare violence est mise en branle pour rompre définitivement tout lien de sympathie entre lui et les bases populaires hratines et négro-africaines qui le soutenaient jusque là. Ainsi, à travers les télévisions, les radios et surtout le bouche à oreille, le discours était unique : « Biram était un hérétique coupable du crime d’apostasie ; il avait incinéré les livres saints de l’Islam… ». Les prises de vue à la télévision montraient juste des couvertures maronnes avec des écritures dorées en flamme. L’objectif était clair : semer la confusion en laissant supposer que dans ces livres il y avait le saint Coran lui-même ! Bien sûr puisque l’incinération du « Khalil » ne peut corroborer la thèse de l’apostasie, il fallait coûte que coûte faire croire que parmi les ouvrages incinérés, il y avait notre Saint Coran ! Une diabolisation qui rappelait celle qui fut orchestrée, quelques décennies plus tôt, contre les Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM) après la publication de leur historique « Manifeste du Négro-mauritanien opprimé ». Alors que ce document ne contenait même pas une seule phrase raciste, cette élite négro-africaine avant-gardiste a été embastillée avant d’être diabolisée au point qu’aujourd’hui encore, elle éprouve toute la peine à se débarrasser de l’image négative d’organisation raciste que le régime de Ould Taya lui affubla.

La campagne d’intoxication – qu’André Breton aurait appelé la « manipulation psychologique » – était si agressive et bien menée que nombreux furent ceux qui en succombèrent. Des manifestants, composés essentiellement de Bidhanes, surgirent de partout, à Nouakchott comme dans certaines capitales régionales avec un seul cri à la bouche : « mort à Birame ! ». Ceux de Nouakchott furent, comme par hasard, reçus à la Présidence de la République. Oui, en bon chef, le Président Aziz sortait à la rencontre de « son seul peuple », blessé dans sa fierté aristocratique ! Aussi, en « bon leader », il leur promit de les venger !

Cette propagande donc, disais-je, fut si dense que de nombreux soutiens de Birame, dont certains parmi ses plus proches, chancelèrent sous la double pression combinée des manifestations de rue impulsées par l’UPR et ses démembrements et des déclarations et autres images diffusées à travers les télévisions et les radios.

Et pourtant, alors que la campagne faisait rage, que certains pensaient que c’en était fini de Biram, il y’eut, moins de 48h après l’acte d’incinération et 24h après son arrestation musclée, c’est-à-dire le dimanche qui a suivi, une contre-manifestation, celle-ci de soutien à Biram ! Lorsqu’après avoir bouclé un article de « contre propagande » que j’avais intitulé « Encore une conspiration ! Au secours de Biram ! », je suis arrivé devant le ministère de l’intérieur, quelle fut ma fierté de trouver ce noyau dur d’une trentaine de jeunes, banderole en mains, criant leur soutien au leader d’IRA ! J’ai joins ma modeste présence et ma voix aux leurs. A midi, nous marchâmes jusqu’à la radio nationale pour, là aussi, protester contre la campagne mensongère dont cet organe de presse se faisait l’écho…

Au fil des jours, la vérité repris petit à petit le dessus sur le mensonge et les militants et sympathisants des causes justes reprirent leurs esprits. Au bout de deux semaines, c’étaient des milliers de Mauritaniens qui se regroupaient en face de la nouvelle maison des jeunes, chaque semaine, pour entamer une marche de soutien au leader abolitionniste…

2. Liberté d’expression, caste et Islam

Dans le dernier semestre de l’an 2014, à la surprise générale du commun des Mauritaniens, on voit se déchainer dans les rues de Nouakchott et Nouadhibou les mêmes hordes manifestantes réclamant la mise à mort d’un homme. Aussi étonnant que cela puisse paraître, cette fois, celui dont la mort devait assouvir la libido de l’aristocratie bidhane régnante n’était ni un Négro-africain, ni un Hratine ! Il appartient à la communauté bidhane. Mohamed cheikh ould Mohamed Kheitir, puisqu’il s’agit de lui, a beau être tout blanc, de culture et de langue bidhane, est forgeron de naissance ! A ce titre il s’est exprimé dans un article où il montrait, sur la base d’un argumentaire particulièrement châtié, que le sort peu enviable réservé au statut du forgeron dans la société maure contemporaine, s’enracine dans une tradition religieuse millénaire qu’il importe d’appréhender avec lucidité et courage.

Pour poser la toile de fond de son raisonnement, il cite Abdel Majid Alnagghar dans « Kitab-al- ouma » qui fait une distinction nette de la « religion » et de la « religiosité ». En s’appuyant sur de grands événements qui ont marqué l’histoire de l’Islam telle qu’elle aurait été racontée par tel ou tel autre historien, Ould Mkeitir s’efforce de prouver que l’histoire du moins comme elle est déclinée et enseignée à travers les livres, dénature la religion en instaurant une inégalité de traitement des Musulmans selon leurs origines raciales, ethniques ou clanique.

Faut-il rappeler que ce jeune intellectuel n’a ni prétendu avoir été témoin des événements qu’il rapporte– ce qui aurait été incongru – il n’a pas, non plus, décliné de lui-même sa version personnelle de l’histoire pour nuire à l’Islam, par diffamation. Dans un souci d’objectivité manifeste, à chaque fois que le fait historique est controversé, il prend le soin de citer les sources bibliographiques après avoir dûment mis les propos entre guillemets. C’est ainsi que Abou Dahoud,  Ibnou Moulaghane – source : el bedrou el mounir (P : 6/670 sommaire du verdict) entre autres furent tour à tour cités avec même parfois la mention du degré de crédibilité de la source historique comme on le lit souvent dans les « hadiss ».

En toute objectivité, on peut contredire la thèse de Ould Mkheitir en mettant en doute la crédibilité des historiens ou la fidélité des textes rapportés et sur lesquels repose son argumentaire, mais personne, je dis bien personne de bonne foi, ne peut l’accuser d’incohérence, de diffamation encore moins d’apostasie !

Le crime d’apostasie suppose qu’il aurait renié sa religion, or il n’en est rien ! Au contraire, en lisant son texte, j’ai plutôt l’impression que l’objectif de ce jeune intellectuel est plus de rendre service à l’Islam en le débarrassant de toutes ces subjectivités et préjugés contenus dans les textes autres que le saint Coran. Ces centaines d’ouvrages qui se veulent soient des explications/interprétations du coran, soient des histoires personnelles du prophète Mouhammad (PSL) et qui, hélas, pour une bonne partie d’entre eux, induisent bien des Musulmans en erreur.

A ce niveau, je pense qu’il est indispensable, compte tenu de la crise que traverse le monde musulman, de réaffirmer très clairement certains fondamentaux !

D’abord les Imams et autres savants doivent avoir l’honnêteté de reconnaître que le texte organique de l’Islam, le seul par lequel Allah s’adressa à l’Humanité par l’intermédiaire du Prophète Mouhammad, c’est le Coran ! Le saint Coran est, en effet, le seul que le tout puissant Allah lui-même a certifié qu’il s’en porte garant jusqu’à la fin des temps, contre toute oblitération ou altération.

 Les autres textes, y compris les hadiss, peuvent certes aider les exégètes à contextualiser ou expliciter la parole de Dieu, mais ils ne sont ni immuables, ni incontestables ! Car, disons-le, la seule sainteté absolue en Islam est celle de Dieu, l’Unique omnipotent, omniscient et omniprésent ! J’ai dit y compris les hadiss car tous les autres textes sont rapportés et écrits, non pas par le prophète de l’Islam, mais par des hommes qui, quelque soient leur intelligence et leur piété, n’en sont pas moins des hommes comme beaucoup d’entre nous ; des penseurs respectables certes, mais auxquels nous pouvons avoir la prétention d’égaler et la légitimité pleine et entière de contredire.

C’est un tel qui aurait entendu un tel autre (la chaine des intermédiaires peut être très longue) rapporter que le prophète aurait dit ou fait telle ou telle autre chose. A travers l’histoire, les savants (oulémaas) en la matière n’ont d’ailleurs jamais cessé de discuter, voire se disputer la crédibilité à accorder à tel hadiss ou à tel autre !

Cela veut dire concrètement que non seulement chacun des rapporteurs peut se tromper, mais plus la chaine de transmission est longue plus la marge d’erreur est importante. Et Dieu sait que certains de ces textes sont si bourrés de jugements contraires à certains principes élémentaires de l’Islam – comme l’égalité des Musulmans – que l’on a du mal à prêter à leurs auteurs une bonne foi. C’est le cas du « Khalil » que Biram DAH a symboliquement incinéré comme ne pouvant être une référence en Islam. Il faut dire que l’histoire lui a donné raison !

Après avoir levé cette équivoque, il faut ajouter que le retour au texte fondamental qu’est le saint Coran, accompagné de la relativisation des autres textes, est nécessaire si les Musulmans veulent refaire leur unité et calmer leurs contradictions internes. En se référant plus aux textes post-mouhammadiens qu’au Coran, les communautés musulmanes se sont retrouvées déchirées en plusieurs lambeaux qui s’entretuent alors qu’Allah a dit dans le Coran que « Quiconque tue un Musulman exprès sera puni de l’enfer eternel, de la rancune d’Allah, de sa malédiction et des pires désolations !» (Sourate E-Nissa, Verset 93) Aujourd’hui les Sounites cherchent à détruire les Chiites, les Tijanistes considèrent les wahabites, les mourites ou toute autres sectes ou « tarigha » comme des musulmans de second rang ; ici même dans notre pays, affirmer qu’on n’est pas malikite vous fait courir le risque d’être traité par de nombreux « ignorants » comme un « mécréant » !

Je me suis déjà entendu répondre, après avoir proclamé que j’étais tout simplement un Musulman et non Malikite ni tijani, ni ghadri, ni mouride : « vous ne pouvez être musulman sans vous référer à une « tarigna ! » ! Ridicule quand on sait que, le prophète Mouhammad (PSL) – le  premier et le plus valeureux des Musulmans par la volonté d’Allah – n’a jamais été ni malikite ni tijani, ni wahabite, encore moins mouride puisque ces rites n’ont apparu que plusieurs siècles après sa mort. Je ne porte aucun jugement sur la pertinence de ces « tarigha », mais je proclame mon droit inaliénable de ne pas y adhérer tout en demeurant Musulman à part entière !

Les Musulmans de notre pays en général et les intellectuels en particulier doivent avoir le courage de contrer cette fameuse propagande qui nous est venue de je ne sais où et qui s’efforce de tuer dans l’Islam tout esprit de remise en cause, de critique, voire de débat. Leur objectif est vraisemblablement d’instaurer par la terreur, un système de pensée unique. A travers d’une part une manipulation par intoxication des foules obscurantistes et d’autre part des actions de lobbying auprès des instances de l’Etat ou par infiltration de ses rouages, les groupes islamistes d’obédience salafistes entendent sanctionner sévèrement tous ceux qui osent se rebiffer. Dès qu’une déclaration ne leur agrée pas, ils activent leurs formidables réseaux de propagande pour lever les foules et les envoyer dans la rue avec des slogans qu’ils ont au préalable insidieusement distillés. Ils font ainsi monter la pression sur l’Etat en exigeant de lui de sévir. Ils sont aidés en cela par leur très forte présence à tous les niveaux de l’administration politique administrative et judiciaire. Il n’est un secret pour personne que le secteur de la magistrature n’est pas seulement celui qui regorge le plus de racistes anti-négro-africains et anti-hratines, il est aussi le bastion par excellence des Islamistes/salafistes ! La photo affichée, à l’occasion du lancement de l’année judiciaire le 07/avril/2015 au palais des Congrès, est une illustration qui se passe de tout commentaire quant au caractère particulièrement exclusif de ce secteur : pas un seul noir sur toute la ligne des magistrats face au Président Aziz. Voilà aussi pourquoi l’esclavage et le racisme d’Etat se perpétuent. C’est à en avoir honte pour mon pays !

C’est donc, à n’en pas douter, par cette double action combinée que les milieux aristocratiques et salafistes ont, par manipulation et infiltration, réussi à faire arrêter et incarcérer Biram en 2012, en 2014 Mohamed cheikh ould Mohamed Kheitir, avant de trouver un piteux alibi pour renvoyer le même Biram en prison en 2015 !

Ces deux hommes qui sont en réalité parmi les meilleurs d’entre nous parce qu’ayant eu le courage de dénoncer l’instrumentalisation à outrance de l’Islam à des fins de domination clanique, identitaire et raciste, croupissent encore au moment où j’écris ces lignes dans le silence généralisé des soi-disant Imams ou Oulemas, et surtout des intellectuels ! Les uns et les autres se taisent pensant que « ça s’arrêtera là, que ça va s’arranger… » ! Eh bien justement non ! Tant qu’il n’y a rien en face, le rouleau compresseur de l’oppression multiforme se poursuivra ! Avant Biram il y a eu les Flamistes en 1986, les événements de 1989 où les Négro-africains (Peul Soninké et Wolof) ont échappé de justesse à un génocide, puis Ould Mkheitir ! D’autres suivront sans doute, jusqu’à ce que nous comprenions que la peur n’est pas une alternative à l’oppression.

Non Monsieur le Président, il n’y a donc pas de liberté d’expression véritable dans notre pays ! Ou du moins si ! Mais alors cette liberté n’existe que pour une certaine aristocratie, pour les Islamistes/Salafistes et certainement pas pour les masses et défenseurs des Hratines, des Forgerons, des Négro-africains et (peut-être bientôt) des griots et autres citoyens de seconde zone!

3. Nécessité de lever l’amalgame

Je voudrais dire de la manière la plus claire possible que si, pour expliquer les graves problèmes liés à la cohabitation intercommunautaire en Mauritanie, l’on est souvent amené à employer les termes distinctifs de Bidhane, de Hratine, de Négro-africain, il doit apparaître aux yeux de tous que l’oppression n’est l’apanage d’aucune communauté linguistique ou identitaire. Tous les Bidhane s ou Maures ne sont point des oppresseurs, pas plus que tous les Négro-africains et Hratines ne sont des victimes ! Il ne s’agit point, non plus, ici de nier ou de minimiser l’esclavage qui frappe les Hratines et le racisme d’Etat qui frappe les communautés noires en générale – entre autres par leur sous-représentativité dans les sphères de l’Etat mauritanien – mais  de souligner cette vérité indubitable : l’oppresseur n’a pas de visage, ni d’identité intrinsèque ; c’est l’homme politique qui au sein du gouvernement est incapable de traiter également les Mauritaniens sans privilégier ceux qui ont une quelconque affinité avec lui ; c’est le magistrat qui ne peut s’empêcher de traiter avec mépris les Mauritaniens qui ne parlent pas hassanya ou remet systématiquement en liberté l’esclavagiste qu’il est amené à juger, du fait que celui-ci, bien que coupable, appartient à sa tribu ou à celle alliée ; c’est le policiers chef de patrouille qui laisse passer certains jeunes et arrête d’autres parce qu’ils n’ont pas le bon teint ! L’oppresseur est aussi celui qui pense que l’autre lui est inférieur simplement parce qu’il n’a pas de lien de sang avec lui ou qu’il est de culture et de langue différentes.

                                                      Conclusion

Je ne saurai terminer mon propos sans appeler encore une fois à un sursaut des intellectuels lucides ! Je leur dis qu’aussi difficile que peut être l’exercice, ils sont tenus par le devoir religieux d’éclairer les masses musulmanes, de les aider à comprendre et accepter que l’Islam est par essence progressiste voire révolutionnaire et que par conséquent il ne peut s’accommoder des pratiques primitives ou exclure le débat.

 Ils doivent avoir le courage de dénoncer et contredire tous les Imams et autres savants qui dans leurs prêches et autres allocutions font preuve d’une hypocrisie grotesque en ne traitant pas les Musulmans sur le même pied d’égalité comme le proclame Allah. Il suffit qu’Israël lance un raid contre la Palestine pour que la majorité des Imams des mosquées de Nouakchott se livrent à des prêches virulents de dénonciation de l’injustice qui frappe les « frères palestiniens », alors qu’au même moment, j’allais dire depuis des décennies, dans leur voisinage immédiat, des Musulmans sont réduits à l’esclavage par d’autres Musulmans sans jamais que cette oppression-là ne suscite la moindre émotion en eux !

Ils sont très sensibles au sort des Arabes d’Irak et de Syrie alors (leurs frères par identité) que la situation de leurs voisins de quartier négro-africains, frappés par l’oppression raciste (déportation, expropriation, exclusion) les laisse de marbre ! Eh bien, disons leurs, au non de l’Islam, qu’ils arrêtent de parler au nom de notre religion et qu’ils se proclament leaders de leur arabité, de leur tribu et de leur clan, ce sera plus honnête !

Quant à la liberté d’expression, je pense que c’est pécher par une grave insuffisance que d’affirmer qu’elle est une réalité démocratique dans notre pays alors que des prisonniers d’opinion comme Mohamed ould Mkheitir et Biram Dah Abeid croupissent en prison. Il ne peut y avoir de liberté d’expression alors que toutes les chaines de télévision et de radios en Mauritanie appartiennent aux membres de la seule communauté bidhane : pas un seul négro-africain ou Hratine progressiste n’a obtenu l’autorisation d’ouvrir une radio ou une télévision privée !

La liberté d’expression doit être totale et un droit pour tous ou elle n’est point !

Nouakchott le 18 Avril 2015
Mamadou Kalidou BA, Universitaire à Nouakchott