Révolution Torodo : Commentaire Yaya SY anthropologue et Professeur d’histoire

Bonjour chers amis,  le mot « révolution » est-il approprié pour qualifier les évènements qui se sont déroulés au Fouta à partir de la seconde moitié du  XVIIIe siècle et qui nous ont été résumés ici depuis un certain temps ? Si dans une société il n’y a pas eu de bouleversements des rapports sociaux (en particulier entre ceux qui travaillent, produisent et ceux qui prient ou dirigent la société par les armes : le triangle de base des sociétés précapitalistes), peut-on parler de vraie révolution à l’instar de l’inversion par Feuerbach des thèses hégéliennes concernant l’esprit et la matière ? (Exemple donné ici).  Par ailleurs, nous sommes tous d’accord pour dire que la « répétition » de faits réels ou imaginaires (« généalogisme » hérité des historiens arabo-musulmans du Moyen Âge), d’une thèse ou la reproduction des mêmes faits (réels ou imaginaires) par de nombreux historiens ou d’autres scientifiques dans leurs domaines, ne fait pas science…

Je ne connais pas bien l’histoire du Fouta et loin de moi toute idée de réfutation des thèses défendues par d’éminents historiens. Cependant, ici n’est-il pas plus approprié de parler de « réformes », suite à des victoires militaires et/ou des décisions politiques voire économiques importantes, surtout à propos des échanges extérieurs du Fouta ? On peut même se poser la question de savoir ce que sont devenues les cargaisons d’esclaves venues de l’amont et allant vers l’océan… Les esclavagistes et leurs esclaves ont-ils été refoulés hors du Fouta ou ont-ils été bloqués aux frontières du Fouta ? Ou encore les maîtres ont-ils vendu leurs cargaisons d’esclaves sur place dans le Fouta ? Ne pas traverser le Fouta avec des cargaisons d’esclaves n’a de sens qu’au vu des actions qui accompagnèrent ces restrictions juridiques…

Mais Feuerbach, Copernic, Lavoisier, Marx, ont conduit à de vraies révolutions  théoriques dans leurs domaines respectifs…  Dans toute société, c’est le système de production et d’échanges qui commande à la structure des rapports de production et des rapports politiques, (qualifiées par Marx de superstructures idéologiques). Si la base de la société (son système de production) n’est pas bouleversée, peut-on dès lors parler de « révolution ?

En d’autres termes, si les esclaves locaux du Fouta sont restés les mêmes producteurs aux mains des mêmes maitres… alors, on peut certainement mettre entre parenthèses le mot RÉVOLUTION. Ici dans le texte ci-dessus les dates doivent être remises à l’endroit (1806-1791 et 1948) des coquilles s’y sont introduites, à revoir par l’auteur (merci, car les ordinateurs vont trop vite). Mais le mérite de l’abolition de l’esclavage par la loi du 27 avril 1848 revient en partie seulement à Victor Schoelcher ; le mérite de cette éclatante victoire revient surtout aux combats acharnés des esclaves dans toutes les Amériques contre ce système criminel et avilissant. Par ailleurs, cette loi de 1848 n’a jamais été appliquée en Afrique noire. En revanche, des lois spécifiques ont été votées en 1901, 1903 et 1905 dans les colonies françaises d’Afrique noire pour soi-disant abolir l’esclavage (ces lois avaient en fait pour but essentiellement de couper le cordon ombilical des caravanes d’esclaves vers l’Afrique du Nord). Le colonialisme avait besoin de main d’œuvre, mais il avait aussi besoin de l’alliance des pouvoirs locaux ayant signé des traités de protectorats et de soumission avec les Européens…

C’est pourquoi les Français ont crée des villages de liberté pour recueillir des esclaves en fuite venant surtout des territoires dont les chefs sont restés réfractaires à la colonisation, pour les affaiblir et les soumettre au joug du colonialisme. De mon point de vue, et cela n’engage que ma modeste personne, et en me basant sur les synthèses que j’ai eues à consulter sur cette « révolution torodo »…, on peut dire qu’il y avait certes une vraie volonté de réformer la société par l’élite intellectuelle torodo (mais à cette époque, ils n’étaient pas nombreux à accéder à la connaissance des livres saints.. ). Dès lors, j’invite ceux qui connaissent mieux que moi le sujet, de revenir  éclairer nos lanternes et nous expliquer pourquoi et comment s’est déroulée cette « révolution » et quelles ont été les inversions  des rapports sociaux internes qu’elle a produites dans la durée. Mais il est sûr que si l’ensemble des forces de la société avaient été incluses dans cette « révolution », la remise en cause de ses acquis aurait été autrement plus difficile par les forces coloniales peu de temps après…

Yaya SY anthropologue et Professeur d’histoire