Ce commentaire est une réaction à l’article du Journal l’Authentique relatif à la Fatwa d’interdiction de l’esclavage de l’association des Oulémas

Ce commentaire est une réaction à l'article du Journal l'Authentique relatif à la Fatwa d'interdiction de l'esclavage de l'association des Oulémas

 Je suis hartania et militante anti-esclavagiste en Mauritanie. Aujourd’hui, c’est avec plaisir que j’apprends cette avancée idéologique, si tant est que cette Fatwa soit suivie d’une application stricte. C’est d’autant plus inattendu que ces Oulémas sont proches de l’État.

J’ai lu avec attention l’article« L’esclavage en Mauritanie : L’institution religieuse sort enfin une Fatwa d’interdiction » du journal L’Authentique. Et encore une fois je suis frappée par le fait que les bénéfices de la lutte soient attribués à certaines organisations au détriment d’autres. Pour être plus claire, l’IRA citée ici à plusieurs reprises, effectue certes un travail remarquable de mobilisation sur le terrain, mais elle n’est que l’héritière d’un combat débuté dans les années 70.

Ce n’est donc pas seulement l’IRA qui « jubile » ( à mon goût le mot est trop fort, compte tenu des effets d’annonce que nous avons connu par le passé, il convient de rester prudent ) mais bien tous les militants de cette cause de l’esclavage, qu’ils soient associatifs ( basés en Mauritanie et ailleurs) ou qu’il s’agisse des femmes et des hommes qui tout simplement veulent voir la Mauritanie évoluer et sortir de cette ère néfaste dans laquelle nous sommes enfermés.

Par ailleurs, et c’est un constat que j’ai fait sur l’ensemble des articles des médias et associations de Mauritanie, parmi les leaders de la lutte, on nommeraBiram Ould Dah (IRA), Boubacar Ould Messaoud (SOS-Esclaves) et Messaoud Ould Boulkheir (la seconde cellule d’Elhor). On pourrait même mentionnerAminetou mint Elmoktar dont l’association de défense des femmes collabore avec IRA. J’ai néanmoins bien l’impression qu’il manque celui de Mohamed Yahya Ould Ciré. Il est donc nécessaire de rafraîchir la mémoire de certains à propos de cet homme dont l’engagement n’est plus à prouver.

Mohamed Yahya ould Ciré est, selon moi, l’initiateur et la tête pensante de la lutte contre l’esclavage dans notre pays. Et ce n’est malheureusement pas la première fois que son nom est omis.

Et c’est d’autant plus désolant que cet oubli soit fait par le Journal L’Authentiquequi se veut proche des thèses abolitionnistes. Un journal libre se doit de communiquer une information complète. Lorsque ce n’est pas le cas, il véhicule une information erronée à ses lecteurs. A moins que cela ne soit de la censure.

Cet oubli ne s’explique pas pour trois raisons principales.

Tout d’abord, Mohamed Yahya Ould Ciré ( nous l’appellerons par la suite MYOC ) est l’un des membres fondateurs de Elhor, créée en 1974. Elhor actuelle, présidé par Messaoud Ould Boulkheir, est issu de la réunification du premier noyau de 1974.

Ensuite, MYOC créait en 2001, A.H.M.E. (Association des Haratine de Mauritanie en Europe). C’est la première association qui aborde de façon objective la question de l’esclavage et qui a su déstabiliser les pouvoirs politiques qui se sont succedé dans notre pays. Elle a produit les premiers écrits, le seul site (www.haratine.com) et un forum remarquablement géré par Hanoune Dicko(haratine@yahoogroupes.fr) dédiés à ma communauté, à notre communauté.

Je profite de cette occasion pour féliciter l’équipe du site qui nous a pondu un site plus aéré, plus coloré, plus interactif et plus design. AHME ne peut être négligée. Son action a permis d’éveiller les consciences, de favoriser la prise de parole et les revendications sur le terrain en boostant le courage des militants dont la parole trouve alors un écho à l’étranger. Il me semble d’ailleurs que l’IRA a, à maintes reprises, bénéficié du soutien, de la collaboration de AHME en France(lors de conférences dont IRA était l’invité) et en Mauritanie (notamment lors des différents emprisonnement de Birame Ould Dah). Je tiens à préciser que SOS-Esclaves est née en 1995, et l’IRA en 2008.

Enfin, MYOC est l’auteur d’une thèse et d’un livre. A ce jour, il a fourni les ouvrages les plus documentés sur l’esclavage en Mauritanie, le dernier étant laMauritanie: entre l’esclavage et le racisme éd. L’Harmattan.

Je trouve donc aberrant, hypocrite de ne pas nommer cette association, ses actions et son fondateur. Ce ne sont pas seulement les journaux que je blâme mais aussi les autres organisations. Nous avons un ennemi beaucoup trop puissant et il n’y a pas de place à l’hypocrisie. Nous devons être honnête sur le rôle de chacun et avancer ensemble sans crise d’ego.

Le 8 avril 2015
Source : Ikhdeïje Mint Mouhamednë

Commentaires (7)

mdmdlemine 10/04/2015

Quelle éloquence. J’aime voir plusieurs khdeijatt, mbarkatt et oumoulkheiratt s’exprimer avec autant de beauté et se hisser au poduim de la direction des affaires de ce pays. Toute mes félicitations Khdeija que j’aurai bien aimé voir le visage pour montrer que malgré la discrimination et l’exclusion, cette communauté compte en ses rangs des compétences averées

ngaari aalam10/04/2015    

On ne voit que lui et dicko hanoune a AHME. Et puis il n a pas les moyens de se faire parler de lui, car nos journalistes ne parlent pas des organisations gratuitement.

Mohamed Yahya ould cire a quand même fait beaucoup de choses dans la lutte contre l esclavage. Mais son AHME n est pas très representative comme les autres organisations

sallabarry 10/04/2015  

Mme Mr Cire a écrit un chiffon que tout le monde a lu vous êtes la dernière peut être tout dernièrement les critiques sur cet ouvrage n’ont laissè personne indifférent par l’historien Français.ceci dit tiraillez vous l’esclavage et son existence parce-que c’est votre source d’existence maintenant.en tout cas nous les africains de Mauritanie nous n’avons pas de vous pour atteindre nos objectifs cette lutte nous l’avons débuté avant vous et nous la terminerons seuls après l’esclavage trouvez vous un autre moyen pour survivre notre lutte et la votre ne sont pas les mêmes ok

diko 10/04/2015 

nous travaillons beaucoup plus sur le plan international à l’extérieur qu’à l’intérieur parce que nous trouvons qu’il y a assez d’hommes capables, honnêtes sur le terrain qu’il fallait appuyer coûte qu’au coûte mais très peu à l’extérieur. Ici, l’esclavage était utilisé par des marchands en tout genre qui s’en foutaient royalement des conditions dramatiques des vraies victimes qui souffrent. Il fallait une certaine maitrise à la fois technique, stratégique et un engagement intellectuel sans faille pour les contrecarrer.

Je vais vous dire une chose qui va peut être choqué plus d’un, lors de mon entretien à l’OFPRA en 1998, la première question qu’on me posa est: M.Diko, Vous êtes haratine ? Oui répondais-je, puis s’enchaine ; avez vous tué des negro-mauritaniens en 1989 puisque nous avons tous les demandeurs d’asiles mauritaniens qui accusent votre communauté d’avoir massacrés les négro-mauritaniens?

Je me suis mis dans une colère bleue terrible, c’est le directeur de l’OFPRA qui m’a calmé, vous voyez la situation?? Même lorsque le capitaine Ely Dah fut arrêté en France pour son implication dans les massacres des noirs mauritaniens, certains ont orienté les enquêteurs français sur Diko, Ould Ciré parce que nous étions juste des haratine, il y a encore toujours certains qui cherchent notre expulsion de la France à nos jours encore, leur haine est terrifiante contre tout ce qui est haratine parce qu’ils ont mentis à la communauté internationale pour salir en réalité des victimes innocentes à la fois de l’esclavage et du racisme avec la complicité des autorités mauritaniennes dans le but d’écraser les haratine en toute circonstance en douce. Voila pourquoi quant ils versent des larmes de crocodiles avec leurs appels grossiers à l’unité, ça nous fait marrer grave………

Notre objectif, ce n’est pas d’être connus ou inconnus mais que la cause et la souffrance des victimes de l’esclavage soient réellement connues dans le monde. Voila pourquoi nous avons tout mis au nom des haratine, toutes nos productions et actions tournent autour du mot haratine pour emmener déjà les gens à se poser la question, c’est quoi haratine? On sait qu’il y a même des mauritaniens qui ignorent le sens du mot haratine alors n’en parlons pas de la communauté internationale. En cherchant à savoir plus sur le mot, ils verront, comprendront ou se rendront compte, se sont des victimes qui subissent encore l’esclavage en Mauritanie. Quand on sait même certains « es » Organisations et Mouvements noirs ne considèrent pas les haratine comme des négro-mauritaniens ou nient leur négritude alors je vous laisse imaginer le travail de titan battu hahahaha.

En action nous laissons très peu de place aux arrières pensées politiques politiciennes, il faut bousculer tout monde et dieu sait ce n’est point simple quand vous êtes entre l’étau de deux poids géants: le mépris des uns et l’ignorance des autres….

Ikhdeïje mint Mouhamednë 10/04/2015 10:37                

Merci pour ces premiers commentaires. Il est important que cela suscite un débat. Je tiens à préciser que malgré le nombre limité de membres que comptent AHME, cette association abat un travail considérable. Je pense qu’il n’est pas utile de redire ce que j’ai écrit dans mon article. D’ailleurs, à lire Mr Sallabarry, ses activités dérangent. Mr sallabarry, en lisant votre commentaire, je devine votre énervement car vous n’avez même pas pris la peine de ponctuer votre propos. Gardez-donc votre sang-froid… Tout d’abord, je vous invite à respecter le travail d’autrui, en n’utilisant pas le terme « chiffon ». Ensuite, si nous parlons bien de la même critique du livre de Ould Ciré, je vous invite à la relire posément car il me semble que vous ne l’ayez pas comprise. Cette critique a été écrite pas Samuel Lempereur qui est anthropologue (et non historien). Il apporte donc le point de vue de sa discipline concernant cet ouvrage. Or, la spécialité de Ould Ciré est la science politique. De plus, et Mr Samuel Lempereur l’a bien dit, ce livre a pour but d’informer et il ne se veut pas être un travail universitaire. Sinon lisez la thèse de Ould Ciré. Enfin, de qui parlez-vous lorsque vous dites « africains de mauritanie »: tous les mauritaniens sont africains, dites plutôt négro-mauritaniens ( lorsque vous critiquez les autres sur leurs écrits, tâchez d’être vous-même clair). J’ajoute que vous êtes hors-sujet, mon article aborde l’esclavage maure or vous nous parlez d’une lutte que vous ne citez même pas. Et d’ailleurs, monsieur, vous nous parlez d’objectifs, quels sont-ils? L’esclavage négro-mauritanien? Non, sûrement pas, car au mieux vous le taisez, au pire, vous le niez. Le racisme en Mauritanie? Pouvez-vous vous vanter d’une quelconque avancée? Ne donnez pas de leçons aux Haratine , monsieur Sallabarry. Pour finir, si vous pensez que nos luttes sont différentes, vous vous trompez. Et si vous pensez que vous réglerez la question du racisme en Mauritanie sans une abolition effective de l’esclavage maure, vous vous mettez un doigt dans l’oeil. En tout cas, j’ai lu avec plaisir les commentaires, et espère qu’il y en aura d’autres car c’est un débat de fond qui est soulevé ici. Merci.

Naji Ould Med
Il ya de ces éloquences que l’on apprécie quoique notre avis pourrait être différent!!…au bout du conte, l’argumentaire quand il est sublime ou « sublimisé », il donne raison à son auteur ou du moins fait adhérer l’autre sans même le vouloir.

Dahi Noueighedh
Effectivement, le rôle joué par Mohamed Yahya o/ Ciré dans la prise de conscience ainsi que dans la lutte contre l’esclavage est indéniable et il est de premier plan. Seulement ce rôle n’est connu que par les premiers intellectuels haratines ou les services secrets mauritaniens. Les amis de lutte de MYOC omettent de mentionner son nom pour ne pas s’attirer les foudres des différents pouvoirs en place ou tout simplement par calcul politicien. Certains, par contre n’ont jamais entendu parler ni de MYOC ni de son association y compris des journalistes: question de génération. Je pense que ce grand militant de la cause haratine gagnerait beaucoup plus à se faire connaître à l’intérieur du pays surtout auprès de la nouvelle génération; le secrétaire général de son association Diko Hanoune est plus populaire que lui. Ce n’est pas pour dédouaner les journalistes de l’Authentique.mais c’est la seule explication qu’on pourrait trouver à leur « oubli » »!!
[…] Moi, je sais et j’évalue à sa juste valeur le travail immense que vous menez à l’extérieur et qui a permis à ceux de l’intérieur d’avoir des ambassadeurs de qualité. Je sais aussi que pour cela vous avez sacrifié beaucoup de choses. Tous les haratines ne peuvent être que reconnaissants, même si certains n’osent l’avouer publiquement ( la politique politicienne est passée par là! ). Je crois aussi que l’histoire vous reconnaîtra ce rôle de pionniers et « d’éclaireurs ».