L’esclavage en Mauritanie : L’institution religieuse sort enfin une Fatwa d’interdiction

L’esclavage en Mauritanie : L’institution religieuse sort enfin une Fatwa d’interdiction

C’est indéniablement l’une des plus grandes victoires que vient de remporter le mouvement IRA qui, en 2012, s’était attaqué aux fondements du système esclavagiste enMauritanie, en l’occurrence les ouvrages que les partisans du mouvement appellent les « Livres du Code Noir ».

Les Ulémas mauritaniens ont longtemps refusé d’émettre un Edit criminalisant l’esclavage, d’où l’impact de la décision qu’ils viennent de prendre, mardi 26 mars dernier, en déclarant que « l’esclavage n’est plus légale à partir de ce jour ».

Au cours d’une conférence de presse animée mardi 26 mars 2015 à Nouakchott, l’Association des Ulémas de Mauritanie, l’instance suprême qui regroupe les voix autorisées de l’Islam dans le pays, a déclaré, par la voix de son Secrétaire général adjoint, Cheikh Ould Saleh, en présence du président de l’association, l’érudit Hamden Ould Tah et des membres du bureau exécutif, qu’il « n’y a plus, à partir d’aujourd’hui, d’esclavage légal en Mauritanie ».

Cette décision aurait été prise, selon la déclaration, en fonction de la situation sociale et politique que vit le pays. Cette déclaration qui tient lieu de Fatwa devient, selon la déclaration, imposable à tous les Ulémas et érudits du pays.

Cet Edit qui cite la loi de 1981 abolissant l’esclavage stipule ainsi qu’à partir de cette date du 26 mars 2015, il n’existe plus d’esclavage légalement reconnu par la religion et que toute persistance dans cette pratique sera considérée comme nulle et non advenue. Et de lancer un appel aux parties concernées afin qu’elles mettent tout en œuvre pour éradiquer les séquelles historiques de ce phénomène.

Ainsi, explicitement, les Ulémas reconnaissent d’abord que cette décision résulte d’une revendication sociale fortement menée par les organisations des droits de l’homme du pays, sous-tendus par la pression internationale, et ensuite, que l’esclavage a toujours été pratiquée hors de la norme islamique dans ce pays.

Deux constats qui viennent légitimer le combat mené par les organisations des droits de l’homme et les antiesclavagistes comme IRA, SOS EsclavesEl Hor… Ainsi, du fond de leur prison à Aleg, les leaders du mouvement antiesclavagiste IRA (Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste), en l’occurrence le président Birame Dah Abeid et Brahim Bilal, doivent se frotter les mains.

Ils viennent de remporter une victoire historique sur l’ordre féodal esclavagiste sur lequel reposait jusque-là toute la théorie de légitimation du phénomène. En brûlant publiquement en 2012, les ouvrages de rite malékite qui donnaient à la pratique esclavagiste ses armes religieuses, les militants du mouvement IRAavaient d’abord provoqué l’indignation, puis la réflexion et enfin l’évidence d’une raison prééminente.

Le coup mortel que le mouvement IRA avait porté à la cuirasse de l’ordre religieux a finalement porté. La nomenklatura religieuse qui a tenté de résister à l’onde de choc a finalement cédé sous le coup de boutoir des pressions nationales et internationales.

Ses plus augustes représentants, réunis dans la très officielle Association des Ulémas de Mauritanie, présidée par l’érudit Hamden Ould Tah, viennent en effet de décréter que « l’esclavage n’a pas de fondement religieux ». 

C’est la première Fatwa émise à ce sujet, après quatorze siècle de pratiques esclavagistes savamment saupoudrés du vernis de la sacralité et consignés dans des ouvrages qui ont forgé la connaissance empirique de milliers d’apprenants dans les Mahadras mauritaniennes. Réagissant à la Fatwa inédite, le mouvement El Hor, autre tendance de la lutte antiesclavagiste, a exprimé sa joie et sa délivrance.

A présent, El Hor exige l’application de cette Fatwa dans les faits, à travers la mise en action des textes criminalisant l’esclavage, l’implication de segments de l’Etat, notamment les institutions chargées de la sécurité et de la justice, à traquer les cas résiduels.

Selon El Hor, la matérialisation des actes que l’Etat mauritanien ne cesse de poser tout au long de ces années doivent sortir du carcan théorique pour se traduire en pratiques réelles. Il s’agit par delà les cas d’esclavage à dénicher, de mettre fin aux séquelles du phénomène par des politiques courageuses destinés à lutter contre les inégalités sociales, le racisme, la ségrégation et la marginalisation des victimes anciennes et présentes de ces pratiques.

JOB
Source : L’Authentique (Mauritanie)