Une psychologue tuée après avoir effectué un signalement au procureur de la République

Selon des médias dont Francetvinfo : « Les motivations seraient liées à un signalement rédigé la veille des faits mettant en cause le suspect pour des faits de nature sexuelle commis sur mineur de quinze ans. Comment le septuagénaire a-t-il eu vent de ce signalement de la psychologue? L’homme a pour l’instant avoué le coup de feu, il est mis en examen pour assassinat depuis hier soir. »
Comment est-ce possible en France qu’une personne présumée violente à l’encontre d’un mineur ait connaissance d’un signalement d’un professionnel dans les heures qui suivent sa transmission au procureur de la République et puisse ainsi exercer des actions de représailles ou tuer le professionnel qui a dépisté et suspecté des infractions du code pénal ?

Parce qu’en France, à la différence d’autres pays notamment les Etats-Unis, les provinces du Canada et les Etats d’Australie, l’avocat-e de la personne suspectée ou du mineur peut demander à ce que lui soit transmis le signalement fait au procureur de la République dans les heures qui suivent son envoi avec l’identité du signalant et tout élément permettant l’identification d’un professionnel.

Parce qu’en effet, il n’est pas actuellement inséré en toute lettre dans l’article 226-14 du code pénal :
1.    Une protection de la confidentialité, c’est-à-dire la possibilité que l’identité et tout élément permettant l’identification de l’auteur-e du signalement ne soient pas dévoilés sans le consentement de celle ou celui qui a rédigé le signalement. Il ne s’agirait pas d’un signalement anonyme puisque le procureur aurait connaissance de l’identité et de l’adresse du signalant.
2.     Une protection contre toute action en responsabilité civile, pénale, disciplinaire et administrative pour tout professionnel qui signale une suspicion de violences à l’encontre d’un mineur au procureur de la République de bonne foi.
3.     Une extension de l’obligation de signaler, réservée au fonctionnaire (art 40 de procédure pénale) explicitée par les termes « est tenu de » quand il s’agit de suspecter des violences à l’encontre de mineurs ou de personnes vulnérables.

Le 5 juillet 2018, ces trois conditions avaient été adoptées dans l’article 226-14 du code pénal au Sénat. Supprimées quinze jours plus tard lors de la Commission mixte paritaire avec l’appui du gouvernement, elles ont été refusées à deux reprises, en octobre 2018 et en juin 2020.

Plusieurs médecins nous ont témoigné au fil des 20 ans de ce combat pour modifier l’article 226-14 du code pénal autorisant la levée du secret professionnel, avoir été l’objet de tentatives d’intimidations verbales, de menaces physiques après avoir signalé leurs suspicions de violences à un procureur de la république lorsqu’ils étaient l’objet de poursuites disciplinaires, pénales, disciplinaires et administratives.

A quand la fin de ces stratégies de peur auxquelles sont exposés les professionnels de l’enfance pour les décourager de signaler au procureur de la République, ce qui a pour effet de laisser les mineurs exposés à la répétition des violences ?

OUI, ÇA SUFFIT !  Il est urgent que soit rétablie les amendements adoptés le 5 juillet 2018 et que cette obligation de signalement ainsi que ses deux corollaires soit étendue à d’autres professions en contact avec des mineurs, (professionnels de santé, psychologues, clergé) !

Un grand merci aux signataires qui nous ont rejoints !

Pour tous, continuez à faire signer, écrivez à vos députés et sénateurs quel que soit leur parti,car il s’agit d’un combat au-delà des divisions politiques pour sauver la vie, la santé de mineurs qui sont les premières victimes de ces défaillances de l’article 226-14 du code pénal.

Docteur Catherine Bonnet, psychiatre d’enfants et d’adolescents, chevalier dans l’Ordre de la Légion d’honneur, auteure de L’enfant Cassé, l’inceste et la pédophilie (1999), L’enfance muselée, un médecin témoigne(2007).

Docteur Jean-Louis Chabernaud, Pédiatre-réanimateur, Hôpitaux Universitaires Paris-Sud (AP-HP, Clamart).