Les dysfonctionnements et les incohérences de l’enseignement supérieur en Mauritanie : analyse et propositions /Dr Ahmed Ould El Moustaph

La présente réflexion se propose de passer en revue et analyser les distorsions qui constituent des freins au décollage de l’enseignement supérieur et la recherche scientifique, mais aussi les incohérences qui reflètent l’improvisation et le manque d’une vision claire, l’empêchant de jouer pleinement son rôle au développement culturel, économique et technologique du pays, et ce depuis 2006 jusqu’au 31 juillet 2019. Un bref aperçu, en guise d’introduction, présentera l’enseignement supérieur. A la fin de cette note, des propositions seront avancées en vue de contribuer à l’esquisse d’une stratégie nationale spécifique pour ce sous-secteur de l’enseignement.

Les chiffres, mis en gras et entre parenthèses, renvoient à des notes illustrant et creusant davantage quelques idées ou sujets, évoqués brièvement ou allusivement dans le développement du présent papier.

Le terme « ministre » utilisé dans la présente note renvoie exclusivement aux ministres ayant été nommés à la tête du département de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et des TICs durant la période comprise entre le 17 septembre 2013 jusqu’au 31 juillet 2019 ou aux ministres qui étaient en charge du pilotage de ce sous-secteur de 2006 jusqu’au 17 septembre 2013. De même, les termes « Mesrs, Mesrstic » se limitent au département de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et des TICs durant cette même période. Aussi, pour des raisons d’ordre méthodologique, le bilan de l’actuel gouvernement dans le domaine de l’enseignement supérieur et la recherche, ne fait pas partie de l’objet de cette réflexion.

Nous avons choisi cet intervalle (2006- fin juillet 2019) pour plusieurs raisons ; (i) c’est à 2006 que remonte la plus importante tentative visant à jeter les bases d’un enseignement supérieur digne de ce nom, après un quart de siècle de la création de l’université de Nouakchott, notamment l’adoption de nouveaux textes fixant le cadre juridique et règlementaire de ce type d’enseignement et l’introduction du système LMD (1) ; (ii) depuis cette (re)organisation de 2006 jusqu’à fin juillet 2019, aucune évaluation rendue public n’a été faite pour mesurer les limites de telle réforme et combler, le cas échéant, ses défaillances ; (iii) l’actuel Président de la République, Mohamed Ould Cheikh El Ghawzani, a fait de l’enseignement son cheval de bataille lors de sa campagne électorale et après son investiture. Cet intérêt donné par la plus haute autorité de l’Etat au système éducatif national, y compris l’enseignement supérieur, devrait encourager les décideurs et les acteurs de ce sous-secteur à y introduire les réformes idoines afin d’être au diapason des nouvelles orientations des pouvoirs publics dans ce domaine, mais aussi à rompre avec des pratiques et des approches révolues et contreproductives.

 

Aperçu sur l’enseignement supérieur

L’enseignement supérieur en Mauritanie se subdivise en enseignement universitaire public, objet de la présente étude, et enseignement supérieur privé. L’enseignement supérieur public est composé de deux universités : l’Université de Nouakchott Al Asriya (UNA), l’Université des sciences islamiques d’Aioun (USIA), et de deux Ecoles : l’Ecole Normale Supérieure (ENS), l’Ecole Supérieure Polytechnique (ESP) et quelques instituts : l’Institut supérieur de comptabilité et d’administration des entreprises (ISCAE), l’Institut supérieur d’enseignements techniques (ISET) de Rosso, l’Institut universitaire professionnel (IUP), l’Institut supérieur professionnel de langues, de traduction et d’interprétariat (ISPLTI), l’Institut supérieur d’anglais (ISA), l’Académie navale (AN), etc. Selon l’annuaire statistique de 2018-2019 du MESRSTIC, 22 469 étudiants nationaux et 210 étrangers y sont inscrits, soit environ 97% de l’effectif total de la population estudiantine ; le corps professoral est composé de 764 enseignants titulaires et environ 450 vacataires, ces derniers ne figurent pas sur ledit annuaire. L’UNA seule absorbe environ 70% des étudiants. L’enseignement supérieur privé quant à lui est composé de deux universités fonctionnelles : l’Université Chinguetti moderne (UCM) et  l’Université internationale libanaise (UIL), d’une Ecole : l’Ecole Sup’ Management, de l’Institut GEU l’Académie, etc. Il contribue à la formation d’environ 738 étudiants.

 

I/ Dysfonctionnements

Avant d’aborder ce point, il importe de souligner que le sous-secteur de l’enseignement supérieur n’est devenu indépendant des autres composantes de l’Education nationale (enseignement de premier et de deuxième degrés) qu’en septembre 2013. Il disposait à partir de cette date, et d’une manière continue, d’un département qui porte depuis lors son nom (2).

Il faut aussi reconnaitre, au passage, que durant les dernières années, des annuaires statistiques ont été élaborés à partir de 2014 -2015 et mis en ligne sur le site du ministère, rendant plus lisibles certaines données sur l’enseignement supérieur, en plus de la mise à jour de certains textes de l’arsenal juridico-règlementaire, la création de quelques instances et institutions et la fusion d’autres, etc.

Pour ce qui concerne les dysfonctionnements ayant freiné l’évolution et le développement de l’enseignement supérieur et la recherche scientifique durant la période précitée, elles se déclinent, à notre avis, comme suit :

1/ L’absence d’une stratégie concertée, échelonnée sur le moyen et le long termes et assortie d’objectifs clairs et réalisables suivant un calendrier bien défini, visant à contribuer à l’essor culturel et scientifique du pays et à former suffisamment de cadres hautement qualifiés pour les besoins de l’économie nationale. Alors, il ne suffit pas de rendre public chaque année un annuaire statistique, comportant des chiffres, certes importants, mais plutôt d’analyser ces données et en tirer les enseignements qui puissent faire avancer l’enseignement supérieur. La seule analyse, du reste très sommaire, de telles données a été réalisée par l’IIPE, Pôle de Dakar, en 2018 (3);

2/ Des défaillances au niveau de la conception : les textes législatifs et réglementaires (décrets,  arrêtés,  etc…) sont préparés avant la mise en place d’une stratégie à long terme pour le sous-secteur. Ainsi, on répète les mêmes erreurs de 2006 où une législation relativement prolixe a été produite pour (re)organiser l’enseignement supérieur avant d’entreprendre, en amont, un diagnostic approfondi et largement débattu des défaillances dont souffre ce niveau d’enseignement.

3/ Le retard accusé dans la mise en œuvre du système LMD, introduit en 2008-2009, est dû, entre autres, aux écueils suivants : (i) un bon nombre d’enseignants ne sont pas titulaires de diplômes requis par la plupart des universités des pays appliquant ce système: doctorat universitaire ou diplôme équivalent ; (ii) un corps enseignant globalement vieillissant et, dans certains cas, peu adapté aux nouvelles méthodologies d’enseignement et de recherche ; (iii) des conflits d’intérêts sur fond de discordances politico-idéologiques, pétrifiées et dépassées, entre certains groupes d’enseignants, influent négativement sur la cohésion du corps professoral; (iv) la non -authentification jusqu’à présent des diplômes des enseignants ; (v) les conditions précaires du personnel enseignant non permanent (les vacataires) ; (vi) un faible rythme de recrutement de nouveaux enseignants par rapport aux besoins réels des différents établissements et structures de l’enseignement supérieur ; (vii) l’improvisation et le manque de concertation entre les acteurs de l’enseignement supérieur, en particulier les enseignants  et les décideurs du sous-secteur ; (viii) la courte vision et l’opportunisme qui gangrènent certaines mentalités ; (ix) la démission et le découragement qui sévissent au sein de certains pans du corps professoral ; (x) les promotions sont rarement faites suivant des critères objectifs et désintéressés ; (xi) le manque de professeurs ayant les qualifications académiques requises pour encadrer les étudiants de Master et de Doctorat empêche, jusqu’à présent, l’ouverture d’écoles doctorales dans plusieurs disciplines.

 

4/ Le choix du lieu d’implantation du site du nouveau campus universitaire n’était pas adéquat, et ce pour plusieurs raisons : (i) la position excentrique de ce site par rapport à la plupart des moughataas de Nouakchott, notamment celles les plus peuplées (Dar Naim, Toujounine, Arafat, Riyad, El Mina) où le trajet aller-retour à partir des lieux de résidence de certains enseignants, cadres administratifs ou techniques et étudiants vivant dans des quartiers périphériques de certains de ces arrondissements et le nouveau campus dépasse parfois soixante kilomètres ; (ii) le temps moyen que met un enseignant pour arriver au nouveau campus afin de dispenser son cours et retourner chez lui est le triple, voire le quadruple du temps nécessaire pour faire la même chose à l’ancien site, le reste du personnel et les étudiants éprouvent le même problème ; (iii) le réseau routier de la ville de Nouakchott n’était pas suffisamment aménagé pour faciliter la fluidité du trafic vers ledit campus ; (iv) cet éloignement du nouveau campus universitaire, déjà évoqué dans le Plan d’orientation stratégique de l’Université de Nouakchott Al Asriya 2017-2020, doit avoir certainement un impact négatif  sur  les taux d’abandon d’études et d’échec d’un nombre non négligeable d’étudiants, notamment ceux inscrits aux facultés déjà installées : Faculté de médecine, Faculté des sciences et techniques, Faculté des lettres et sciences humaines.

 

5/ Un exemple pertinent de manque de concertation : l’Institut Supérieur professionnel des langues, de la traduction et de l’interprétation (ISPLTI)
Cet institut a été créé en 2014 pour remplacer la composante traduction de l’ex département de langues vivantes et de traduction de la FlSH de l’université de Nouakchott, supprimée en 2011, en attendant l’ouverture de cet institut qui n’était qu’un projet à cette date. Néanmoins, lorsque la mise en œuvre de ce projet a commencé fin 2014, les professeurs qui enseignaient la discipline traduction audit département n’y étaient pas convenablement associés, pourtant ils étaient les mieux disposés en termes d’expérience et de cursus. Résultat : les disciplines de traduction et d’interprétation n’ont jamais été enseignées dans cet institut depuis sa création jusqu’à présent. Ses étudiants sortent avec des diplômes de licence, dits bilingues, arabe – français ou arabe -anglais, sans formation théorique ou pratique en traduction ou en interprétation, très valorisée au marché local d’emploi. Des promesses ont été données par le directoire de cet institut concernant l’ouverture, à l’avenir, d’un Master de traduction/ interprétation ; cependant, la vocation principale de cet institut professionnel, comme son nom l’indique et dont les études s’échelonnent sur trois ans, comme tout institut, est de dispenser à ses étudiants une formation professionnelle sanctionnée par une Licence. Le Master de traductologie / interprétation peut se faire, mais dans le cadre d’une école et non un institut. Son coût sera aussi plus élevé et son encadrement plus difficile à trouver; de surcroit, les titulaires de ce diplôme n’accepteraient pas d’exercer des professions du genre : guide touristique, agent d’accueil dans un hôtel ou dans une entreprise, secrétaire traducteur dans le secteur public ou privé, etc., des métiers très sollicités et plus adaptés au profil des titulaires d’une Licence en traduction/interprétation qu’à celui d’un Master.

L’Etat a dépensé dans cet institut, depuis sa création jusqu’à présent, environ un peu moins d’un milliard d’Ouguiya. Apparemment, aucune mission d’inspection ou d’évaluation n’a fait le déplacement pour s’enquérir des enseignements dispensés par cette institution et leur adéquation avec la mission pour laquelle elle a été créée et du niveau de réalisation du contrat – programme qui est censé lier cet institut à l’Etat, sinon des mesures auraient été prises pour créer les conditions propices permettant l’ouverture des deux filières qui font défaut : une pour la traduction,  l’autre pour l’interprétation (4).

Les dysfonctionnements évoqués plus haut ont eu pour résultats : (i) une faible efficacité interne du système : un taux de redoublement important, relevé par l’étude de l’IIEP de 2018 (5) ; (ii) un ratio d’encadrement enseignant/ nombre d’étudiants assez élevé (6);  (iii)  une faible efficacité externe, caractérisée par les difficultés que rencontrent les sortants de l’enseignement supérieur pour trouver un emploi au marché du travail, due, entre autres, à l’inadéquation des diplômes obtenus aux besoins réels du marché d’emploi, dans le secteur public comme dans le privé (7) ; (iv) une recherche scientifique au ralenti à cause de l’inexistence  d’une stratégie dans ce domaine, les ressources humaines et matérielles allouées à cette composante importante du sous-secteur étant modestes ou inexistantes à l’époque étudiée (8) ; (v) aucune institution de l’enseignement supérieur en Mauritanie ne figure sur un classement (ranking) des universités arabes, africaines ou francophones.

 

II/  Incohérences

Les informations relatives à cet axe ont pour référence un enregistrement vidéo mis en ligne sur l’atelier organisé par le MESRSTIC du 11 au 18 mai 2019 afin de présenter le bilan du sous-secteur de 2008 à 2018.

(i)  Le MESRSTIC a participé à l’étude réalisée par l’IIEP en 2018. Celle-ci a fait le constat suivant : le nombre d’étudiants en Mauritanie pour 100.000 habitants est d’environ 600, tout en remarquant que ce taux est en dessous de la moyenne des pays comparables à  la  Mauritanie, qui est de 766 (9). Ce qui veut dire que le nombre d’étudiants pour la population mauritanienne (d’environ 3.900.000 habitants en 2017 selon l’Office national de la statistique) devrait être au minimum de l’ordre de 29 874 étudiants.

Lors de cet atelier, le ministre  s’est longuement appesanti sur la question du nombre d’admis au baccalauréat en 2018, précisant que le taux de réussite était plus important qu’en 2017 et que son département a eu beaucoup de problèmes à gérer l’inscription aux différents établissements de l’enseignement supérieur de ce flux croissant. Apparemment,  le ministre n’a pas été suffisamment informé par ces collaborateurs des implications de la conclusion de cette étude,  pourtant financée par l’Etat mauritanien et mise en ligne sur le site du ministère . L’argumentaire du ministre lors de son intervention est aux antipodes de la recommandation de l’étude de l’IIEP. En fait, le vrai problème n’est pas celui du nombre d’admis au baccalauréat, mais  plutôt l’urgence d’améliorer les capacités d’accueil des institutions de l’enseignement supérieur par un recrutement qui réponde aux besoins réels de ces institutions et la mise en place d’une stratégie pour le sous-secteur lui permettant d’anticiper toute fluctuation du nombre des admis au baccalauréat et d’agir en conséquence et à temps ;  (ii) le ministre, lors de cet atelier, a fait l’annonce de l’économie d’un milliard d’ouguiyas de 2015 à 2019 par l’administration centrale du ministère, justifiant cette mesure par « une rétention », tout en ajoutant que le département est sous-financé. Alors, la question suivante se pose : au profit de qui cette économie a été faite? Et comment peut-on annoncer que le département est sous-financé et en même temps on parle de l’économie d’un milliard d’ouguiyas ? A cette incohérence s’ajoute celle de la fluctuation des  budgets alloués à certaines directions centrales du Ministère durant les dernières années (10) ( iii) A la même occasion, une part importante de la communication du ministre a été consacrée à l’organisation des classes préparatoires et à l’Ecole Supérieure Polytechnique (ESP) ;  là aussi, le ministre a oublié que le bilan de cette Ecole et des autres instituts qui s’y rattachent est à mettre, au premier chef, à l’actif de l’encadrement de cette structure, c’est-à-dire les commandants militaires, nommés par le ministère de la défense nationale et l’Etat-major général des armées, en vertu de la cotutelle entre le Ministère de la défense nationale et le MESRSTIC qui régit cette institution et ses autres instituts. C’est la même chose pour les taux de réussite des élèves de l’institut des classes préparatoires aux concours des grandes écoles (11).  Certes, le rôle du MESRSTIC n’est pas marginal,  mais c’est un  rôle qui reste quand même secondaire; (iv)  Pour la même occasion, le ministre a annoncé devant un parterre de dizaines d’enseignants chercheurs et  responsables de la plupart des institutions de l’enseignement supérieur qu’il suit régulièrement des cours à l’Institut supérieur d’anglais (ISA). Cette annonce n’est pas compatible avec ses déclarations sur les candidats libres au baccalauréat lors de la même intervention, notamment lorsqu’il s’est fermement opposé à la candidature libre d’une partie des postulants à ce diplôme, en particulier ceux qui ont dépassé, selon lui, l’âge de scolarisation. Un ministre quinquagénaire qui se permet de suivre un cours à une institution d’enseignement public, supérieur ou autre, pour renouer avec les études, quelles que soient les raisons ou les modalités de ce retour aux bancs, est-il réellement en mesure de reprocher la même chose aux autres citoyens de la République dont les conditions ou les choix les ont empêchés de suivre un cursus normal d’études et qui s’efforcent d’obtenir un diplôme afin d’accéder à une formation ou trouver un emploi ? (v) Aussi, au cours de sa longue intervention lors de l’atelier de mai 2019, le ministre a révélé à son auditoire « qu’il a sollicité une cotutelle avec les militaires pour qu’ils assurent l’encadrement de l’Université [de Nouakchott Al Asriya], mais ces derniers ont décliné sa requête, préférant l’encadrement de petits établissements » . Il s’agit là aussi d’une déclaration plus que surprenante et une reconnaissance de facto de l’échec de l’encadrement de l’une des plus importantes institutions de l’enseignement supérieur, désigné pour l’essentiel par le ministre lui-même.

 

III/ Propositions

Afin de pallier ces dysfonctionnements et incohérences pour que l’enseignement supérieur puisse contribuer positivement au progrès culturel et scientifique de notre pays et, partant, à son développement économique et social, il serait opportun d’y introduire des réformes urgentes, en particulier : (i) la restructuration de l’actuel Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (CNESRS) (12), afin de lui permettre de servir en tant qu’instance autonome, responsable de l’élaboration et du suivi d’une stratégie nationale pérenne de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique sur le long terme (10 à 20 ans). Ses membres devraient être désignés parmi les universitaires les plus compétents et pour un mandat de quatre ans renouvelable une seule fois. Cette structure doit être autonome sur les plans administratifs et financiers afin d’être en mesure d’émettre des avis fiables sur les grandes décisions relatives à l’éducation nationale d’une manière générale et à l’enseignement supérieur et la recherche en particulier, telles que la création de nouvelles structures ou la fusion d’autres qui existent déjà, la carte universitaire, le suivi de l’évolution des institutions de l’enseignement supérieur, leurs besoins réels en enseignants et équipements, etc. Le président de ce conseil serait nommé par le président de la République, ses membres peuvent être élus ou désignés par les institutions de l’enseignement supérieur et par celles de l’éducation nationale. D’autres secteurs d’intérêt national peuvent y siéger, tels que la formation professionnelle, l’économie, l’industrie, la culture, les arts, etc. Cette structure servira ainsi d’organe consultatif dans le domaine de l’enseignement et la recherche, mais aussi de contrepoids aux décisions prises par les départements concernés afin d’éviter les excès et les abus éventuels ; (ii) la stratégie à long terme à élaborer par le CNESRS sur l’enseignement supérieur et la recherche scientifique, et sur l’éducation et la formation d’une manière générale doit être suivie, dans ses grandes lignes, par les ministres qui seront désignés à la tête des départements concernés ; (iii) le recrutement du personnel administratif, technique et de services ou PATS (administrateurs et agents administratifs, techniciens, secrétaires, chauffeurs, ouvriers, plantons, etc.) doit obéir à des règles strictes afin que l’effectif de de ce personnel ne dépasse pas le nombre d’enseignants permanents et pour que l’emploi au sous-secteur ne soit pas l’occasion pour certains de grossir, au détriment des enseignants, les rangs de leur parentèle ou clientèle politique. Actuellement, l’effectif de ce personnel au niveau de l’enseignement supérieur est plus que le double de celui des enseignants titulaires (13). (iv) l’élaboration d’une base de données où figurent tous les nationaux titulaires de diplômes supérieurs, notamment ceux de Doctorat universitaire, de Diplôme d’ingénieur principal et de Master II recherche et professionnel sous-employés ou en état de chômage; (v) la conception et la mise en œuvre d’une stratégie visant à retenir au pays les docteurs (titulaires de Doctorat universitaire) et les talents assimilés par des mesures incitatives concrètes : recrutement ou, à défaut, des contrats à  durée déterminée (CDD) pour ceux qui sont encore en âge de concourir ou des contrats à durée indéterminée (CDI) pour ceux qui ont dépassé l’âge de recrutement ; (vi) la création d’un nouveau corps pour les chercheurs avec un statut garantissant l’exercice de leurs missions, indépendamment de l’enseignement, comme c’est le cas dans d’autres pays ; (vii) la redéfinition et la redynamisation du rôle et de la mission de l’Inspection générale de l’enseignement supérieur afin d’assurer le suivi interne des différents établissements et directions du sous-secteur. Dans ce cadre, cette structure devrait produire annuellement, et dès le 2 janvier de chaque année, un rapport détaillé sur les missions d’inspections programmées ou inopinées qu’elle aurait entreprises l’année précédente dans le cadre de ce nouveau réaménagement. Dans ce rapport, l’inspection consigne en détail, entre autres, les anomalies éventuellement constatées, leurs causes, leur degré de gravité, les retards dans l’accomplissement du contrat-programme qui lie l’établissement inspecté à l’Etat et leurs causes, etc. (14).  Deux copies de ce rapport doivent être adressées à l’Inspection générale de l’Etat (IGE) et à la Cour des Comptes.

 

Conclusion :

Le sous-secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique a tant souffert, depuis des décennies, de l’improvisation et des pratiques malsaines et contraires à l’intérêt collectif. L’adoption des propositions de la présente note aidera, pensons-nous, à remettre sur les rails ce sous-secteur afin de contribuer pleinement au progrès culturel et scientifique de notre pays et, partant, à son développement économique et social. Ces propositions permettront aussi une répartition équilibrée des responsabilités entre les différents décideurs dans le but de corriger les erreurs du passé et éviter celles de l’avenir.

 

Notes :

1 . Article 3 de l’Ordonnance n°2006-007/ CMJD du 20 février 2006 portant organisation de l’enseignement supérieur. Le système LMD a été introduit à l’université de Nouakchott l’année académique 2008-2009.

2. Ce département était appelé le 17 septembre 2013 : Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, il devient le 30 octobre 2018 Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et des TICs.

3. Cette étude, intitulée : Mauritanie. L’enseignement supérieur et la recherche : éléments d’efficacité est le fruit des efforts conjoints du MESRSTIC et d’autres départements, tels que le ministère de l’Economie et des finances, le MEN, la Formation professionnelle, etc. d’une part et l’Institut International de la Planification de l’Education (IIPE), Pôle de Dakar, d’autre part. Elle a été publiée en 2018. Les cadres des départements précités ont fourni des données, tandis que l’analyse de ces dernières a été faite, en grande partie, par l’équipe de l’IIPE. Il faut cependant souligner que le titre de cet ouvrage est globalement en déphasage avec son contenu, car en lisant attentivement cette étude on se rend compte qu’elle tire la sonnette d’alarme sur les innombrables défaillances de notre enseignement supérieur plutôt qu’elle en présente des « éléments d’efficacité ».

4. J’ai moi-même enseigné l’élément « théories de la traduction », en particulier la théorie interprétative de l’ESIT (Ecole supérieur d’Interprètes et de Traducteurs de Paris), au département des langues et de traduction de la FLSH de 2008 et 2011. Sortant dudit département avec une maitrise en traduction, j’ai poursuivi mes études supérieures en traductologie à l’ESIT  en  2007, en 2009-2010 et en 2010- 2011, parallèlement à mes études de Master II Recherche et de Doctorat en didactique des langues (linguistique appliquée) à Paris 3 Sorbonne-Nouvelle de 2007 à 2012.

5. Selon cette étude, « le niveau actuel de redoublement au sein du sous-secteur (16 % en moyenne, et jusqu’à 33 % dans certaines années d’études, dans certaines facultés) n’a rien de rassurant pour l’efficacité interne du sous-secteur ». Sur 100 étudiants entrant en première année de licence, et ce, pour les huit instituts et facultés pour lesquels les données sont disponibles, seulement 41 parviennent jusqu’au diplôme de licence sans aucun redoublement ou bien après un ou deux redoublements. Cela représente un ratio de seulement deux étudiants sur cinq qui obtiennent leur diplôme en fin de premier cycle, indiquant au passage que trois étudiants sur cinq ont probablement abandonné avant ou sans l’obtention de leur diplôme. Cela pourrait être dû, entre autres, au fait qu’une proportion importante des jeunes ne sont pas orientés selon leurs premiers choix. Quand on fait la distinction selon les facultés ou établissements d’enseignement, le taux de survie jusqu’au diplôme de licence est aussi faible que 23 à la faculté des Lettres et Sciences humaines, et aussi élevé que 79 à l’ISERI. Il n’est par ailleurs que de 35 à la FSJE, et s’élève à 55 à la faculté des Sciences et Technologies. » (pp.34-35).

 

6. L’étude de l’IIPE de 2018 a calculé ce ratio à base de 684 enseignants permanents et plus de 500 vacataires ou contractuels assimilés à 300 enseignants permanents, le tout pour encadrer environ 19 000 étudiants, ce qui a donné, toujours selon cette étude, un ratio enseignant/ étudiants de 1/19. Or on sait que pour différentes raisons : nomination à de hauts postes administratifs, maladie, congés sabbatiques, etc. environ un tiers de cet effectif ne dispense pas de cours ou le fait à temps partiel. Même après le recrutement en 2017 de 75 nouveaux enseignants chercheurs et technologues, le nombre d’enseignants permanents exerçant à temps plein avec les contractuels et les vacataires, assimilés à des permanents ne peut dépasser le chiffre de 850. Si on se rend compte que le nombre d’étudiants inscrits, nationaux et étrangers, dans les établissements d’enseignement supérieur public en 2019 est de 22 679 étudiants, le ratio d’encadrement moyen raisonnable, à notre avis, est d’environ un enseignant pour vingt-sept étudiants (1/27). Ce ratio en Tunisie en 2015 était de 1/12.

7. Les durées moyennes d’accès à l’emploi sont en général très longues à la sortie de l’université. C’est environ quatre ans après la sortie de l’université que la moitié d’une cohorte de sortants accède à l’emploi. De plus, il faut attendre environ dix ans pour que la quasi-totalité d’une cohorte annuelle de sortants de l’enseignement supérieur soit en emploi. Les sortants de licence ont en moyenne une meilleure intégration que les autres sortants du Supérieur. (Voire l’Etude de l’IIPE, p.50). Il s’agit d’une inadéquation évidente entre la formation universitaire et les exigences du marché de l’emploi.

8. La mise en place d’un Haut conseil national pour la recherche et l’innovation en 2016 et la création de l’Agence nationale de la recherche et de l’innovation sont des mesures importantes, mais loin d’être suffisantes. Il fallait, en plus de ces mesures, créer un corps de chercheurs avec un statut bien défini et procéder au recrutement interne et externe de nouveaux chercheurs dont la mission principale serait la recherche et l’innovation, à l’instar de ce qui se fait dans d’autres pays.

9. L’étude de l’IIPE de 2018 a fait la constat suivant : « La Mauritanie compte environ 600 étudiants pour 100 000 habitants, ce qui fait du pays l’un des moins couverts par l’enseignement supérieur dans la sous-région. [..]  Faut-il le rappeler, le capital humain, cet ensemble unique de capacités et de compétences acquises que les agents économiques apportent sur les différents marchés économiques, se développe au moyen de l’éducation et/ou de la formation. Son accumulation améliore le potentiel d’une économie en contribuant au progrès technique. En considérant le pourcentage de la population active (de 25-64 ans) ayant un niveau postsecondaire (deuxième cycle du secondaire et supérieur) comme proxy du niveau de capital humain, il apparaît que son niveau est relativement faible dans le pays. [..] cet indicateur vaut 3,5 % en Mauritanie alors que dans la majorité des pays émergents, il est au moins de 15 %. Si dans quinze ans aucune stratégie d’accroissement quantitative et qualitative du nombre de diplômés n’est mise en place, le pays n’aura pas le niveau de capital humain nécessaire pour porter sa politique de développement axée sur l’émergence en 2030. Cela passera certainement par un accroissement quantitatif et qualitatif des capacités d’accueil actuelles. En effet, même si l’enseignement supérieur a vu sa capacité croître régulièrement ces dernières années, en passant de 426 étudiants pour 100 000 habitants en 2004 à 600 en 2016 ; l’accès à l’université reste relativement maîtrisé, la couverture du supérieur se situant à un niveau inférieur aux valeurs moyennes (766) des pays de niveau comparable. Il faut rappeler que même si la couverture de l’enseignement supérieur est en deçà de celle des pays comparables, son expansion devra impérativement se faire par le développement de formations courtes professionnelles plus porteuses sur le marché du travail. » (p.IIV. et pp. 55-56).

10. C’est le cas par exemple du budget du Cabinet du ministre où les charges du personnel (traitements et salaires) ont évolué de 278 151 875 Ouguiyas en 2017 à 356 904 580 en 2019, ce qui veut dire une importante augmentation de 78 752 705 (soixante dix-huit  million sept cent cinquante un huit cent  cinq) ouguiya en deux ans, soit un accroissement de 28.32 % . Il importe aussi de signaler qu’un montant de 200 millions d’ouguiyas du budget du Cabinet du ministre pour l’année 2016 a été inscrit sous la rubrique « Subventions et transferts », sans plus de détail pour que le contribuable puisse avoir une idée de la justification de la dépense de cette somme importante.

Aussi, le budget de la Direction des Ressources Humaines (DRH) qui était 101 997 720 en 2016 et 44 099 884 en 2017, a sensiblement baissé jusqu’à 13 500 000 (ancienne ouguiya) en 2019. Ce qui signifie qu’en 2017, ce budget a été réduit de plus de 60% par rapport au budget de l’année précédente ; en 2019, ce crédit a chuté de plus de 300% par rapport à celui de 2017 et de 600% par rapport à 2016.

A ses crédits fluctuants, s’ajoutent le recrutement excessif du personnel administratif, technique et de service (PATS), déjà constaté par l’étude de l’IIEP de 2018 (voir note 13 ci-dessous) et le retard de l’achèvement de la construction des locaux du rectorat de l’Université Nouakchott Al Asriya, de la bibliothèque centrale, du centre d’enseignement à distance (voir note 14 ci-dessous). Aussi, « l’économie d’un milliard d’Ouguiyas » annoncée par le ministre en mai 2019 ainsi que les constats faits par la Cour des Comptes dans ses rapports de 2015, 2016 et 2017 concernant les taux d’exécution des budgets du MESRS et qui sont  respectivement 93.3 %, 92.82 % et 93,63 %, soit au total un montant de : 1 545 008 961 (un milliard cinq cent quarante cinq millions  huit mille neuf cent soixante une ouguiya non exécuté sur trois exercices successifs 2015-2016-2017), tranchent avec « l’insuffisance des ressources financières, consécutive à des coupes budgétaires » évoquée dans le Plan d’Orientation Stratégique de 2017-2020 de l’Université de Nouakchott Al Asriya, publié en juin 2017. Tous ces crédits fluctuants et ces informations contradictoires ne rassurent pas sur la bonne gouvernance du sous-secteur.

Sources : lois de finance 2016, 2017 et 2019, Titre 42 ; Rapports annuels de la Cour des Comptes pour les années 2013-2014- 2015 et 2016-2017, Plan stratégique de l’UNA 2017-2020.

11. Pour mieux comprendre le taux de réussite des élèves des classes préparatoires aux concours internationaux, parfois surmédiatisé par le ministère, force est de constater que British Petroleum (BP) a annoncé en 2017, dans le cadre de son programme «BP Mauritania Excellence Scholarships Programme », l’octroi de dix bourses  pour la formation d’ingénieurs dans les Grandes Ecoles en France, au Maroc et en Tunisie. Cette compagnie a aussi donné des bourses Chevening en 2018 au profit de certains étudiants mauritaniens. Ainsi, on peut lire sur le site de cette compagnie : « BP is committed to investing in skills development for the people of Mauritania. In 2017 we worked with a wide range of government and non-government stakeholders on a needs assessment for skills development in Mauritania, which is now informing longer-term education and training initiatives to be supported by BP. Last year, the supported the studies of 10 students pursuing four-year engineering courses at Grandes Écoles in France, Morocco and Tunisia. In 2018 BP is pleased to support the continuation of the BP Excellence Scholarship programme along with a number of other postgraduate scholarship opportunities including providing prestigious Chevening scholarships. »

12. L’actuel Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (CNESRS) a été créé par décret n°119-2015 du 2 juillet 2015. L’article 3 de ce texte stipule que le ministre en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique en est le président, tandis que l’article 4 du même décret décline la composition de cette structure comme suit :

-Un (1) Conseiller à la présidence ;

– Un (1)  Conseiller au premier ministère ;

– Un (1) Conseiller du ministre en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique;

– Trois (3) personnalités mauritaniennes reconnues pour leurs expériences dans l’enseignement supérieur et / ou la recherche scientifique ;

– Un (1) enseignant- chercheur en Sciences humaines et sociales ;

– Un (1)  enseignant- chercheur en Sciences juridiques ;

– Un (1) enseignant- chercheur en Sciences économiques ou de gestion ;

– Un (1) enseignant hospitalo-universitaire ;

– Un (1) enseignant -chercheur en Biologie ou en Géologie ;

– Un (1) enseignant-chercheur en Physique ou en Chimie ;

– Un (1) enseignant-chercheur en Mathématiques ou en Informatique ;

– Un (1) enseignant technologue exerçant dans une école d’ingénieurs.

Le même article ajoute que les membres du CNESRS sont nommés par arrêté du ministre en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique pour une durée de deux ans renouvelable.

On remarque tout d’abord que certains domaines de l’enseignement supérieur ou de la recherche scientifique et des activités vitales pour l’économie du pays ne sont pas représentés dans cette structure, tels que l’agriculture, l’élevage, les études océanographiques, les arts, l’industrie, le tourisme, les sciences islamiques, la littérature (poésie, narration, critique littéraire, littérature comparée, etc.), les langues, la linguistique (générale et appliquée), pour ne citer que ceux-ci.

La deuxième remarque porte sur les attributions de l’autorité chargée par ledit décret de désigner les membres du CNESRS, en l’occurrence le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. On peut comprendre que ce dernier peut désigner un enseignant-chercheur pour devenir membre de ce Conseil, même si cette désignation devrait être faite suivant des critères objectifs : la compétence, l’expérience, etc. et transparents : l’enseignant désigné doit être choisi ou proposé par le conseil scientifique de l’institution ou de la structure à laquelle il est rattaché. Mais pour les autres membres, notamment le Conseiller à la Présidence et celui au Premier ministère, une question se pose : Est-ce que le ministre est légalement compétent pour les désigner ? Ce qui est raisonnable, c’est que la désignation des membres de ce Conseil soit faite conjointement par le Directeur de Cabinet du Président de la République, le Directeur de Cabinet du Premier ministre et le ministre de l’enseignement supérieur, mais le texte, dans ses deux versions, en arabe et en français, demeure équivoque sur ce point.

13. Suivant l’annuaire statistique du MESRSTIC de 2019, le nombre total des enseignants est de 764, tandis que l’effectif du personnel administratif, technique et de service (PATS) des différentes directions centrales du ministère, du CNOU et des autres institutions de l’enseignement supérieur public est d’environ 1547 (après avoir déduit le nombre de hauts responsables assimilés à des enseignants titulaires), ce qui démontre effectivement que le ratio PATS/ enseignants permanents est supérieur à 2/1. C’est-à-dire que pour chaque enseignant recruté on embauche en même temps deux employés du personnel administratif et technique. Dans certaines directions centrales du Ministère on trouve parfois 10 secrétaires pour une seule direction, c’est le cas pour exemple de la DAFP (Direction des affaires financières et du patrimoine). On trouve aussi 10 secrétaires au Secrétariat général du Ministère, même si pour ce dernier on peut comprendre que l’intensité du travail exige plus qu’un secrétaire. Ce même Secrétariat général dispose de trois chauffeurs dont deux femmes. Toujours à l’administration centrale du Ministère, on enregistre parfois 4 plantons pour une seule direction, c’est le cas par exemple de la Direction de la promotion de l’enseignement supérieur privé (DPESP) et de la DRH. Pour le CNOU (Centre national des œuvres universitaires), on enregistre 17 administrateurs et 20 agents d’administration. Les autres institutions de l’enseignement supérieur font presque les mêmes pratiques. L’étude de l’IIPE de 2018 a fait le constat suivant à propos de cette question :

Le personnel administratif en charge de l’administration au jour le jour du sous-secteur représente peu ou prou le double du corps enseignant permanent  [au nombre de 684 ], administration centrale et établissements d’enseignement compris. Au total, cela représente  1350 personnes dans l’administration du sous-secteur en 2016  […],Il est difficile de ne pas voir dans ce niveau aussi disparate du ratio professeurs/administratifs une absence de réglementation sur l’utilisation du personnel administratif au sein des diverses institutions. (pp. 30-31).

Remarquons au passage que, malgré ce constat pertinent fait en 2018, l’écart entre l’effectif du personnel administratif et technique et le nombre d’enseignants ne cesse d’augmenter. Ce qui explique, en partie, pourquoi on recrute moins de professeurs et on signe moins de contrats en faveur des enseignants non titulaires.

14. Si tel était le cas, c’est -à-dire si le suivi interne était efficace, on aurait pu éviter beaucoup de retards injustifiés dans l’achèvement de la construction des locaux du rectorat de l’Université de Nouakchott Al Asriya, la bibliothèque centrale, le centre d’enseignement à distance. Le coût de cette composante vitale du campus universitaire a été financé par la Banque mondiale en 2009/2010. Certaines sources parlent d’un financement à hauteur de 2.5 milliards d’anciennes ouguiyas.

Une dépêche de l’Agence mauritanienne d’information (AMI) en date du 26 /11/2010, annonça : 

« La bibliothèque universitaire centrale et le centre de formation à distance ainsi que le rectorat de l’Université, dont la pose de la 1ère pierre a été faite, sont des composantes essentielles du nouveau campus universitaire qui sera édifié sur une superficie couverte de 16075 mètres carrés financée par la Banque Mondiale pour une enveloppe financière d’un milliard 680 millions 407 mille 309 ouguiyas. Ces composantes seront exécutées par un groupement de deux sociétés dont l’une est nationale (GTM) et l’autre marocaine. La fin des travaux est prévue d’ici 18 mois. »

Lors de son intervention à l’atelier organisé par le MESRSTIC du 11 au 18 mai 2019 sur le bilan du département de 2008 à 2018, le ministre a évoqué ce retard et promis que les travaux de cette composante du campus vont terminer le plutôt possible. Le suivi de l’exécution des travaux de cette composante du campus universitaire incombait initialement à la Direction des Projets Education – Formation (DPEF), néanmoins le ministère ne devait pas rester éternellement silencieux devant un retard aussi long et injustifiable, surtout après la création depuis plusieurs années au sein du Cabinet du ministère d’une structure dénommée : Cellule d’Offre documentaire et de l’enseignement à distance (ODED) dont la mission principale est de superviser l’achèvement de ces trois composantes restantes du campus universitaire et leur utilisation future.

Durant cette période caractérisée par l’explosion de la pandémie du Coronavirus Covid 19 à l’échelle planétaire et ses implications sur le plan éducatif, un centre d’enseignement à distance aurait été d’une valeur inestimable pour l’enseignement universitaire dans notre pays.

Aussi, l’achèvement des locaux de la Faculté des sciences juridiques et économiques, financés par le Fonds saoudien de développement pour un montant d’environ 8.5 milliards d’ouguiyas (ancienne monnaie), est toujours attendu.  En somme, des constructions représentant environ le tiers du coût global du campus universitaire ne sont pas encore réceptionnées.