Pour une échéance électorale aussi importante, normalement tout devait être connu. En tout cas, les candidats, tant de la majorité que de l’opposition. Mais, à ce jour, seul le président Birame Dah Abeid, dont le sort est confus, s’est déclaré en ce sens, il y a déjà plusieurs mois de cela. À part lui, c’est, semble-t-il, la confusion totale. Motus et bouche cousue.
Du côté du pouvoir, les supputations pullulent. L’actuel chef général des forces armées et de sécurité serait le futur candidat de l’Union Pour la République, entend-on souvent dire.
Son imminente mise à la retraite suffit, aux tenants de cette thèse, à prouver la volonté d’Ould Abdel Aziz de passer le témoin à quelqu’un de « sûr ». Parfois, les professionnels des folles rumeurs évoquent, à tort et à travers, des noms de personnalités pressenties, assurent-ils, à jouer les hommes de paille d’une oligarchie militaire au pouvoir depuis plus de quarante ans.
Parfois, certains autres, incrédules, eux, des promesses, maintes fois réitérées par Ould Abdel Aziz, de ne pas se représenter à un troisième mandat apocryphe, estiment que l’ancien général n’entretient la diversion qu’en l’attente de l’opportune astuce qui lui permettrait de ne pas quitter le pouvoir en 2019. Il ya dix ans, après les accords de Dakar, Mohamed Ould Abdel Aziz alors candidat à la présidentielle avait fondé sa campagne sur des slogans alléchants : « président des pauvres »,« lutte contre la gabegie » ; entre autres ; qui lui avaient valu de passer, sans coup férir, dès le premier tour.
Aujourd’hui, les rapports des institutions internationales et régionales relatifs au niveau de vie : alimentation, confort, emploi, accès aux services de base (santé, éducation, eau), etc. ; classent la Mauritanie à des rangs catastrophiques. Selon une série d’articles réalisée par l’éminent économiste Moussa Fall, publiés par Le Calame sous le titre « La décennie perdue », tous les indicateurs économiques démontrent les mauvaises prestations du pays, en comparaison des périodes fastes pour certaines ressources nationales, comme le fer ou le poisson. Le taux des populations en situation d’extrême pauvreté aurait beaucoup augmenté, entre 2009 et 2018.
Du côté de la bonne gouvernance et de la lutte contre la gabegie, les choses ne semblent pas mieux aller. Entre 2009 et aujourd’hui, nombre de scandales auxquels les noms de très hautes personnalités sont liés ont défrayé la chronique. Les marchés du nouvel aéroport de Nouakchott et du nouveau palais des Congrès, la vente d’édifices publics, la faillite d’entreprises nationales comme la SONIMEX ou l’ENER, l’envahissement du monde des affaires par de nouveaux riches socialement proches du sérail, la détérioration de la monnaie nationale masquée par des manipulations, comme sa division par dix, et les modalités y afférentes sont autant de réalités qui ne servent guère les slogans de 2009.
À titre d’exemple, la plupart des responsables qui furent sacrifiés pour la cause de la lutte contre la gabegie, ont été réhabilités, après avoir été publiquement taxés de voleurs, et réinvestis à d’autres hautes fonctions. Les exemples en cela ne manquent pas. Suivez mon regard. Des institutions prestigieuses, comme la BCM ou le ministère de l’Économie et des finances, sont devenus de véritables nids de mauvaise gouvernance où l’on recrute, à tout va, sur la base du clientélisme, du trafic d’influence, du népotisme ou de l’allégeance.
Audit ministère des Finances, les dizaines de conseillers, directeurs et autres inspecteurs et contrôleurs généraux n’ont – parfois, pour ne pas dire souvent mais c’est déjà trop – ni aucune expérience ni aucun profil correspondant à leur fonction. Les centaines de millions qu’ils perçoivent en termes de salaires, avantages de toutes sortes et de frais de mission, sont, tout simplement, injustifiables. C’est quoi, si ce n’est de la gabegie ? À ce trop, il faudrait ajouter les propos du tout nouveau président de l’Assemblée nationale qui aurait été « rempli d’argent » grâce aux avantages que lui procurent ses droits dûment acquis à la surveillance maritime. Et les vingt-cinq millions que gagnerait le ministre de l’Économie et des finances.
À la BCM, cinq agents – quatre chauffeurs et un planton – sont empêchés, depuis plusieurs années, de recrutement, ne touchant mensuellement que quatre-vingt mille anciennes ouguiyas, puisque les gouverneurs successifs, d’Ould Raïss à aujourd’hui, ont, sur les bras, soixante-dix-neuf cadres contractuels constitués de fils de députés, conseillers à la Présidence, généraux, copines de femmes influentes, notables qu’ils ne peuvent pas officialiser sans autorisation « d’en haut »... N’en jetez plus, la cour est pleine…
Sneiba El Kory
ource : Le Calame (Mauritanie)