Tibor Peter Nagy Jr. connaît bien le continent. Il mise sur sa jeunesse et dénonce «les dinosaures corrompus qui veulent rester présidents à vie». Reste à savoir, s’interroge le politologue Nicolas van de Walle, «ce qu’il pourra accomplir dans une administration sans réelle politique africaine».
Tibor Peter Nagy Jr. retrouve officiellement l’Afrique, un continent qu’il n’avait jamais vraiment quitté. Nommé en mai 2018, auditionné et confirmé par le Congrès un mois plus tard, le nouveau sous-secrétaire d’Etat aux Affaires africaines a pris ses fonctions le 23 juillet 2018.
C’est un familier du continent et fin connaisseur du Nigeria où il a été deux fois en poste et dont le président Muhammadu Buhari est le seul dirigeant africain qui a été reçu jusqu’ici par le président Donald Trump.
Les jeunes «sont l’avenir de l’Afrique»
L’agenda de Tibor P.Nagy paraît assez clair: il mise sur la jeunesse africaine qui ne pourra, selon lui, se réaliser et faire prospérer l’Afrique que dans un cadre régi par la bonne gouvernance. «C’est eux l’avenir de l’Afrique, et non les dinosaures corrompus qui veulent rester présidents à vie, indifférents au tort qu’ils causent leurs compatriotes», a-t-il déclaré lors de son audition devant les parlementaires américains en juin 2018.
«Les jeunes Africains auront pour leur vie des ambitions similaires à celle de tous les jeunes du monde entier. Si leurs rêves sont entravés par les conflits, le chaos ou un manque d’opportunités, les résultats seront catastrophiques. Mais si, a contrario, ils ont des perspectives positives et (si) la bonne gouvernance (est de mise), la jeunesse africaine sera une force dynamique (au service) du progrès et de la prospérité», estime-t-il.
En tant que sous-secrétaire d’Etat aux Affaires africaines, le diplomate «s’appuiera sur (son expérience) de plus de trente ans au sein du gouvernement américain, dont plus de vingt ans en Afrique pour le compte du service extérieur, notamment en tant qu’ambassadeur américain en Guinée et en Ethiopie, pour aider à faire progresser les relations entre les Etats-Unis et l’Afrique», a indiqué Nick Sadoski, porte-parole par intérim du Bureau des affaires africaines.
Tibor Nagy découvre l’Afrique en 1979, comme il l’a confié lors de son audition devant le congrès américain, avec la Zambie. Sa première affectation l’emmène à Lusaka. Il est alors en charge des services généraux de l’ambassade américaine.Tibor Nagy et son père, originaires de Hongrie, ont trouvé refuge aux Etats-Unis en 1957. Diplômé de l’université Texas Tech en 1972, puis de l’université George Washington en 1978, il rejoint le département d’Etat la même année, explique-t-on dans la biographie qui lui est consacrée sur le site de la Texas Tech.
«Un choix correct» au service «d’une administration sans réelle politique africaine»
Durant deux décennies, il parcourt l’Afrique au service du département d’Etat américain. Après la Zambie, il est envoyé à Victoria, aux Seychelles, où il est officier administratif. Il devient ensuite chef de mission adjoint à Lomé (Togo, 1987-1990), à Yaoundé (Cameroun, 1990-1993) et à Lagos (Nigeria, 1993-1995). Tibor Nagy est nommé ambassadeur des Etats-Unis en Guinée (1996-1999), puis en Ethiopie (1999-2002).
Retraité du département d’Etat, il retourne à l’enseignement. En 2003, il rejoint ainsi la Texas Tech où il est en charge des affaires internationales, avec évidemment un tropisme africain. Il y reste jusqu’à sa retraite en décembre 2017. Quelques mois plus tôt, en août 2016, il avait été rappelé par le département d’Etat pour être ambassadeur par intérim au Nigeria. Pendant ses années à la Texas Tech, il met aussi son expertise au service des politiques en conseillant, entre autres, le candidat Mitt Romney sur les questions africaines durant la campagne présidentielle de 2012 où le républicain est opposé au démocrate Barack Obama qui brigue alors un second mandat.
Celui qui s’est rendu sur le continent huit fois dont deux en tant qu’ambassadeur a souligné, durant son audition, que l’Afrique avait fait des progrès mais que certains de «ses problèmes restaient inchangés» ou avaient «empiré». «Le terrorisme et l’extrémisme violent ont gagné en ampleur et en intensité. Certains dirigeants africains se maintiennent au pouvoir en manipulant les Constitutions et en accroissant la répression (…)», a précisé Tibor Nagy.
Par ailleurs, a ajouté le diplomate américain, «il y a la Chine – adversaire, concurrent, partenaire ou les trois à la fois? – Une certitude: les Etats-Unis devront prendre en compte les activités de la Chine en Afrique, d’autant plus que ce pays se présente comme un modèle plus adapté à l’Afrique en termes de gouvernance et de développement.»
Pour Nicolas van de Walle, professeur au département de sciences politiques à l’université américaine de Cornell, Tibor Nagy semble être «un choix correct». «Il a beaucoup d’expérience». Seulement, poursuit le politologue, «on peut se demander ce qu’il pourra accomplir dans une administration sans réelle politique africaine et avec un président en guerre contre sa propre administration, notamment le département d’Etat.» Selon Nicolas van de Walle, «l’engagement personnel du président (américain) joue un rôle fondamental» dans l’efficacité de la politique africaine des Etats-Unis.
Par Falila Gbadamassi
Source : Geopolis Afrique