Dans le cadre d’une tournée en Afrique, le président français, Emmanuel Macron, a accordé un entretien exclusif à France 24 et RFI depuis l’Alliance française de Lagos au Nigeria. Compte-rendu de l’interview accordée à Claudy Siar.
« Le sujet de l’immigration est un des grands défis politiques d’aujourd’hui et des prochaines années, parce qu’il ne s’arrêtera pas. » Le président français, Emmanuel Macron, dans une interview accordée à France 24 et RFI depuis l’Alliance française de Lagos au Nigeria – où il a inauguré un centre culturel –, aborde le sujet des migrations dans sa globalité.
En commençant par ce qu’il estime en être l’origine : « Ce défi, il plonge l’Europe dans une crise morale et politique, et il naît, il faut bien le dire, d’une crise africaine », explique-t-il.
Emmanuel Macron poursuit : « Cette crise est liée d’abord à un contexte sécuritaire défaillant – ces migrants, ces exilés arrivent par des trafiquants – et donc l’émotion qu’on vit côté européen nous fait parfois oublier qu’il y a, derrière, le pire du crime organisé ». Et le président français de fustiger « les trafiquants d’être humains », « une plaie aujourd’hui en Afrique », qui « sont en même temps des trafiquants de drogue, des trafiquants d’armes et liés aux terroristes ».
Le président français met par ailleurs en garde contre ce qu’il nomme « des fausses représentations » : « Regardons lucidement ce sujet des migrations : les personnes très pauvres ne quittent pas leur pays, ce sont des classes moyennes de pays – qui sont plutôt émergents – qui aujourd’hui passent par la Libye. » Il poursuit : « Une écrasante majorité de celles et ceux qui prennent la mer après des mois, voire des années d’errance, de souffrance, ils viennent d’où ? Nigeria, Sénégal, Côte d’Ivoire, Guinée. Est-ce que ces pays vivent moins bien qu’il y a dix ans ? Non. » Et Emmanuel Macron d’ajouter : « Nous avons donc une jeunesse qui considère qu’il n’y a plus d’espoir dans son pays, et qui n’est pas la jeunesse pauvre. […] Ça c’est la réalité, et c’est un problème. »
« Ne pas regarder le sujet des migrations par l’angle uniquement sécuritaire »
Pour Emmanuel Macron, « le sujet des migrations » est avant tout « démographique » : « Quand vous êtes un pays pauvre, estime-t-il, où vous laissez la démographie galopante, où vous avez 7-8 enfants par femme, vous ne sortez jamais de la pauvreté, parce que même quand vous avez un taux de croissance de 5 % ou 6 %, vous n’arrivez jamais à en sortir tant que la concentration de la richesse ne se fait pas bien. »
Le président français expose ensuite trois propositions politiques pour « rebâtir l’espoir pour toute une jeunesse », selon ses mots :
• Concernant la démographie, il estime « qu’avoir une politique de planning familial, avoir une politique d’éducation des jeunes filles, de lutte contre le mariage forcé, c’est une nécessité, c’est comme ça que l’Afrique deviendra un grand continent. »
• Au sujet de l’éducation, le président français souhaite « aider les gouvernements [d’états africains] à construire et développer des universités en Afrique. » Et de raconter : « Je suis frappé à chaque fois que j’ai des jeunes, partout en Afrique, qui viennent vers moi et qui disent ‘on veut des visas’, je leurs dis à plusieurs reprises ‘mais vouloir un visa c’est pas un projet de vie’. »
• Sur l’économie, Emmanuel Macron affirme « qu’il faut aussi créer des emplois […] par l’entreprenariat, par le développement économique ». Ce qu’il qualifie de « politique de responsabilité [doit aussi] donner accès à la vie politique », estime-t-il. Ajoutant : « Les jeunes, ils ne partiront pas, si ils se disent : ‘moi je peux changer mon pays’. »
« Convertir le regard » sur l’Afrique par la culture
Lors de cette interview, le président français revient aussi sur la « Saison des cultures africaines » qui aura lieu en France en 2020. Avec l’objectif avoué de « convertir le regard » et de « parler aux sociétés civiles africaines ». Le président précisant : « On ne parle pas simplement, quand on vient en Afrique, des grands contrats de défense, des grands contrats miniers ou des grands contrats d’entreprise. […] Ce qu’on veut faire avec cette saison africaine, c’est changer le regard réciproque, en tout cas, c’est le pari qui est pris. »
Le double objectif affiché par le président de la République, avec la Saison Afrique 2020 est, d’une part, de « montrer aux Français ce qu’est l’Afrique d’aujourd’hui [:] Ce sont les artistes africains qui seront au cœur de cela », précise Emmanuel Macron. D’autre part, « l’autre conversion du regard, c’est celle de l’Afrique à l’égard d’elle-même. […] C’est de permettre à des artistes africains de faire leur propre récit de l’Afrique. […] On a besoin d’une jeunesse africaine qui se raconte elle-même. »
Texte par FRANCE 24
Source : France24