« Si ta version échappe à celle de ton ami », dit-on chez nous, « c’est qu’elle est bonne ». C’est dire que, sans contradicteur, on peut raconter ce qu’on veut, puisque chacun est « joli pour sa tête ». Et « celui qui court seul est très rapide », c’est aussi notoire. Il est son propre repère. Qui donc a inventé la relativité ? Ça tourne autour de lui. Dans sa tête. Et pense, à force de parler, d’inventer, de « propagander » (hey ! Touche pas à mon français !) que les choses iront ainsi mieux et que les autres (qui ne sont pourtant pas dupes) les prendront en vérité. J’étais à Genève, comme l’autre était à Oualata.
S’il avait, lui, la mort, moi, j’ai entendu le mensonge officiel sur les réalités nationales. Et comme j’étais en Suisse, la Mauritanie y était aussi. Qui vient dans une forêt doit gazouiller comme ses oiseaux, nous dit le hadith. Alors, le commissaire, la présidente, les directeurs centraux et leurs autres militants très officiels des droits de l’homme ont gazouillé comme les Suisses. En Mauritanie, c’était comme en Suisse : tout est bien, tout est beau, tout est rose, tout est joli. Depuis dix ans maintenant, les droits humains vont « excellemment très bien ». Les programmes, stratégies et politiques en faveur des populations les plus vulnérables sont mises pertinemment en œuvre. Hey, ce n’est plus l’ancienne Mauritanie ! C’est la nouvelle, totalement rénovée, totalement révisée, totalement rectifiée. Les MJ (mauvais jeux) et les fautes ont disparu, comme en la plus excellente partie de belote. Regardez-nous, messieurs, mesdames les experts et les rapporteurs spéciaux des Nations Unies : comme on est beaux, comme on est panachés ! Il ya des hommes, il ya des femmes, Il ya des jeunes et de moins jeunes, il ya des beïdanes, il ya des kwars et des harratines. Des guerriers Béni Hassan et des béni oui-oui. Des marabouts avec des griots, subitement devenus amis. Il ya même des métis. Chacun dans son rôle, c’est ça l’essentiel. Le rapport de la Mauritanie est bien arrivé à Genève. Même si c’est après neuf ans. Mieux vaut tard que jamais. Les recommandations de la Communauté internationale. I
l fallait d’abord les écouter et prendre tout son temps de savoir quoi en faire. Et encore prendre son temps, pour savoir à qui sont-elles réellement adressées. Et encore prendre son temps de les comprendre, doucement, platement, diplomatiquement. Et encore prendre le temps d’avoir le temps de leur donner du temps pour arriver, à temps, aux destinataires qui ont besoin d’un peu de temps pour les examiner. Les recommandations de la Communauté internationale, ça rentre par l’oreille droite et ça sort par l’oreille gauche. Ou vice-versa. Puis la communauté internationale, ses experts et rapporteurs, auront bien le temps, aux prochaines sessions, de formuler encore de nouvelles recommandations aux pays, pour respecter et mettre en œuvres les anciennes recommandations. Les Wigmen Huti de la Papouasie Nouvelle-Guinée, les femmes Padouan de Thaïlande ou les Vadoma du Zimbabwe ont encore le temps d’attendre encore, comme les minorités du Népal ou de Suède, l’aléatoire occasion de promotion de leurs droits, via des recommandations onusiennes refroidies/réchauffées par des experts de ceci et rapporteurs spéciaux de cela, envers des « pays de merde », situés quelque part, en quelque bout d’un continent maudit, caractérisé par de gros transferts de bien mal acquis vers des paradis fiscaux et des banques… suisses. Les rapporteurs alternatifs, les nageurs en eaux troubles de « l’autre » société civile –celle des grands pigeons voyageurs qui veulent semer la discorde et diviser le pays – s’opposent systématiquement aux officiels. Ceux-ci mangent l’argent du contribuable. Les premiers, celui du partenaire. Les uns sont les ennemis du peuple, les autres de la nation. Tout ça sur la base de l’argent. J’étais à Oualata, disait un tel. L’enfer d’Inal, lui réplique tel autre. Moi, j’étais à Genève, pour entendre et voir la Mauritanie continuer à dissimuler ses insuffisances et ses disfonctionnements structurels, en perpétuant la politique de l’autruche. Salut.
Sneiba El Kory
Source : Le Calame