La Gendarmerie a montré ses muscles, vendredi dernier, pour empêcher la tenue d’une manifestation de jeunes sur la route Rosso-Nouakchott. Une manifestation similaire avait été tenue au PK 25 de ce même tronçon qui avait regroupé plus de 200 personnes.
Il s’agit chaque fois de regroupements pacifiques de jeunes qui réclament la réhabilitation de la route Nouakchott -Rosso et qui condamnent l’attitude négligente voire dédaigneuse des Autorités qui prennent du temps à réagir malgré les pertes matérielles et humaines quotidiennement enregistrées sur ce tronçon.
Mais Diantre ! 160 kilomètres de goudron ! Qu’est-ce que cela représente pour un État ? La demande n’est pas si grande, d’autant que le terrain n’est pas escarpé et que le financement de ce tronçon serait acquis depuis la présidence de Sidioca, par le biais de l’Union Européenne.
Ayant décidé de vivre en paix hors des grandes villes et connues par leur patience, leur sens de la mesure et du compromis, ces populations n’en peuvent plus de vivre le long d’une route qui se détériore de jour en jour, bouchant tous les horizons d’ouverture et compromettant toute opportunité de développement local, voire toute vie.
En occupant les pavés et en interpellant le gouvernement, les manifestants ont voulu lancer un message clair : le respect pour tous. Les populations de cette partie du pays, menacées d’enclavement, voudraient juste avoir une route les reliant au reste du pays. Elles ne cherchent pas le pouvoir. Elles ne veulent pas de politique. Elles ne sont pas sorties pour la révolution, ni pour la déstabilisation d’un régime. Elles veulent tout simplement le minimum pour vivre et refusent de demeurer les éternelles oubliées du régime.
Ainsi, cette émule née il y a environ quatre ans, de l’expression de frustration des activistes de Nouadhibou qui s’étaient rendus, à l’époque à pied à Nouakchott, est en train de faire tâche d’huile dans le pays : il y a quelque temps, les gens de Maghta Lahjar ont mis en place des barrages sur la route de l’Espoir pour demander à boire.
Ceux de Guerrou ont à leur tour marché pour exiger la réparation des installations de distribution de l’électricité. Auparavant, les femmes de Djiguenny, avaient adopté la même attitude pour demander aux Autorités de leur fournir de l’eau.
Il faut bien le remarquer : la situation du pays n’est pas des meilleures. Elle est même inquiétante, voire alarmante. Demain, si la Mauritanie oubliée des « infrastructures », celle des abonnés constants à l’oubli, celle des cobayes politiques hypnotisées et des « tenus en liesse » pour leurs origines et leurs régions, se réveille, le désordre risque bien d’être rédempteur.
Les conséquences sont forcément imprévisibles. Imaginez les gens de Maghama, Toulel, Kankossa, Foum Gleita, Tadjoukel, Gollé Nguari, Amourj, Chinguitty et ailleurs marcher sur Nouakchott pour exiger un minimum d’installations vitales ? Imaginez que les centaines de milliers de jeunes sans emploi meurtris par la pauvreté et le dénuement venaient à prendre conscience de leur situation !
Imaginez toute la population de la Vallée descendre sur Nouakchott, pour exiger autant de services élémentaires que personne ne songe à mettre en place chez elle ? Imaginez les étalagistes déguerpis du Centre-ville de Nouakchott, se diriger ensemble en direction des grilles de la Présidence de la République pour réclamer des sites commerciaux d’hébergement…
Et si tous les laissés-pour-compte, toutes ces populations » oubliées « descendaient jusqu’aux portes du Palais pour dire au pouvoir : « y en marre d’être les oubliés du développement, y en a marre d’attendre la réalisation de promesses, y en a marre de nous arracher nos terres, de spolier notre identité et de nous réduire à l’état d’un bétail électoral » !
Présage utopique et apocalyptique ? Certainement, non. Diriger un pays, c’est offrir les mêmes chances de promotion à tous ses citoyens. C’est aussi, prévoir.