Lire l’interview de Boydiel Ould Houmeid
J’ai lu ces jours, non sans sourire, dans Le Calame, l’interview de mon compatriote Boydiel Ould Houmeid que je respecte. Pour son courage, pour sa constance, pour une simplicité que je lui découvre et que j’apprécie…
Je me suis intéressé à son propos sur le volet des langues. Il s’exprime, à demi, avant l’heure, sur la question de l’officialisation des langues nationales (Pulaar, Soninke, Wolof).
Plaidant implicitement pour la transcription de ces langues en caractères arabes, Ould Houmeid sous-tend et soutient son raisonnement par le rappel du procédé pédagogique mnémotechnique, usité naguère par nos marabouts Peulhs et Wolofs, pour l’acquisition des lettres arabes .Une réserve tout de même à cette approche pour dire attention à l’amalgame, à la confusion, à éviter, entre deux problématiques distinctes qui relèvent l’une de technique de mémorisation, l’autre de choix idéologique …
Derrière le propos et le choix implicite de Ould Houmeid, je crois avoir décelé un souci patriotique – me semble t-il- celui de construction d’un nation mauritanienne plus soudée, au travers de caractères de transcription … Chose louable, mais sans rapport, dans le fond, avec notre situation interne, et qui serait totalement injuste si elle venait à s’appliquer, à bien des égards …
D’abord parce que ce serait remettre en cause le débat des années 70, déjà tranché et complètement dépassé. Ce serait également, à mon sens, questionner la volonté des peuples qui ont librement exprimé leur choix souverain … Les Communautés Soninké, Pulaar, Wolof ont parlé …
Il ne faut, surtout pas, voir dans notre volonté de garder les caractères latins une hostilité à l’endroit de la langue arabe…Loin s’en faut ! Seuls les esprits chagrins et soupçonneux tirent ce type de conclusion hâtive et tendancieuse. Pour preuve, lorsqu’en 1955 El hadj Mahmoud Ba de Djeol (Gorgol) œuvrait, inlassablement, au rayonnement de la langue arabe par l’implantation d’écoles à Kankossa, dans les Agueylats, au Fuuta, au Mali, au Niger, au Nigeria, ‘’IBN Amar ’’-1er institut mauritanien – n’était pas encore né. Il ne verra le jour que dans les années 70! Tout pro-arabe qu’il fut, il resta partisan des caractères latins ; rappelons, par fidélité à l’histoire, que n’eût été l’opinion, déterminante, de cette grande figure, le choix actuel des caractères latins n’aurait pas prévalu…
Non, les Négro-africains n’étaient pas et n’ont jamais été opposés à la langue arabe ; y compris nos marabouts et ce depuis l’islamisation du Sahel ; en revanche Ils ont été et demeurent contre l’instrumentalisation de cette langue à des fins de domination qui, aujourd’hui, fait d’eux des laissés-pour-compte, effacés chaque, jour un peu plus, de la sphère publique…Effacés de l’ Ecole, de l’Administration, de l’Armée, de la Justice, de l’Economie, gommés de la direction de toutes structures officielles, jusqu’au site de la plage des pêcheurs … Au vu de tout cela on cherche, malgré tout, à forcer ‘’l’adhésion’’ aux caractères arabes !!! Discrimination de toutes sortes à tous les niveaux que ces mêmes acteurs politiques observaient tous les jours sans rien dire, mais dès que ‘’l’officialisation des langues’’ est évoquée, il y a levée de boucliers ! On crie à l’ethnicisme, on alerte sur des menaces imminentes à l’unité ! Cette discrimination ouverte, persistante, sert-elle à convaincre les principaux concernés à changer d’option dans le choix des caractères ? Question ouverte à Ould Houmeid et consorts … Non, Mohamed Ould Abdel Aziz était tout sauf le Président de tous les mauritaniens !
Rappelons, par ailleurs, encore une fois, que si L’Unité nationale –souci apparent de M. Boydjel pensons-nous- devait se construire ou se consolider, cela ne saurait se faire que dans le respect réciproque, dans l’acceptation des différences de nos composantes nationales.
Dernière raison, de principe enfin : s’il est communément constaté et admis que les arabes mauritaniens, voire ceux du continent, se sentent plus proches, ou plus attachés à leurs frères de race du Proche Orient, au nom de quelle logique refuserait-on aux communautés Peulh, Wolof et Soninké et bambara de Mauritanie la même aspiration à garder un lien ( linguistique) avec leurs frères du Mali , de Côte d’Ivoire, du Burkina et d’ailleurs ? A moins d’une raison obscure, à moins d’une intention sordide, un principe reste et demeure un principe, applicable partout et pour tous…
Récemment nous nous posions la question : ‘’ pourquoi donc nos frères – leaders haratines – restaient-ils silencieux devant notre revendication légitime pour l’officialisation de nos langues nationales ?’’
Ould Houmeid vient apparemment pour sa part d’y répondre, à sa façon … laissant présager une position du futur, plus ou moins déclarée ici. Décodons proprement et prenons bonne note…
Attendons sur la question Ould Boulkheir, Mohamed Vall, Biram, Boubacar, Ould Beye, Ould Werzeg, Borboss, Ould Ciré et autres …
Samba Thiam
Avril 01 Mai-2017
Tiré de Lecalame.info