Au moment où de l’autre bout du monde, un président en plein exercice, conscient de son bilan, décide sagement de ne pas se présenter une seconde fois alors que
constitutionnellement parlant, il en a la possibilité, en Afrique deux despotes élus dans des conditions floues (coup d’Etat et/ou élections truquées) dont les mandats ont expiré, choisissent de faire du forcing pour se maintenir au pouvoir. L’Afrique va vraiment mal; une souffrance causée par ces genres de dirigeants.
Afrique mon Afrique, Afrique des fiers guerriers dans les savanes ancestrales… Oh combien il est bon de se remémorer ce beau poème de David Diop.
Mais qu’est devenue cette Afrique que chantait le grand poète? Nous n’avons certes pas besoin de revenir sur les pages sombres de l’histoire de notre continent, mais ça me parait important de poser la question suivante : Que sont devenus les efforts et les sacrifices consentis par de grands panafricanistes tels que Nelson Mandela, Patrice Lumumba, Thomas Sankara, Cheikh Anta Diop, Kwame N’Krumah pour ne citer que ces derniers ? Ces Che Guevara africains resteront à jamais gravés dans nos mémoires parce qu’ils ont mené de nobles combats pour libérer l’Afrique du joug colonial. De l’époque précoloniale jusqu’à l’ère démocratique des années 90 en passant par la période des indépendances, ces figures de proue ont marqué l’histoire de l’Afrique de par leurs actions, leur détermination et leur engagement en faveur de leurs pays et du panafricanisme.
À présent, quelle est la voie empruntée par nos chefs d’Etats africains?
On n’a pas besoin de chercher loin pour comprendre la situation actuelle. Il suffit de jeter un coup d’œil dans les media pour savoir à quel point l’Afrique va mal. Depuis un certain nombre d’années, la parole qui, jadis fut sacrée en Afrique, a aujourd’hui perdu sa valeur dans bien des domaines de la vie mais plus particulièrement dans la scène politique. Dans la plupart des pays africains, nous avons aujourd’hui des dirigeants politiques qui ne travaillent pas pour l’intérêt du peuple qui les a élus.
Leur seul souci est d’assurer leur propre survie, celle de leurs familles et de leurs proches. Ils n’ont aucune crainte de Dieu dans la gestion de l’affaire publique. Leur désir immodéré de l’argent et des richesses est tel que beaucoup d’entre eux n’hésitent pas à marcher sur les cadavres de leurs propres frères africains pour sauvegarder leurs intérêts.
À mon avis, ces types de comportements de la part de pas mal de nos dirigeants sont à l’origine du sous-développement de l’Afrique. Leurs systèmes politiques ont fini par accélérer la paupérisation du peuple africain. Un tel système favorise la frustration de la population jeune, qui finit souvent par se rebeller. J’ai été sidéré de voir à la télévision le nonagénaire Robert Mugabe encore renouveler sa volontè de participer à une autre élection. Dans les pays gérés par des assoiffés de pouvoir ou des despotes comme Yahya Jammeh et/ou Joseph Kabila, les personnes qui tentent de dénoncer les injustices sont souvent maltraitées, emprisonnées et même tuées. Ces dictateurs considèrent le pouvoir comme l’aphrodisiaque suprême, pour paraphraser Henry Kissinger. Ici, je me limiterais juste à l’exemple de la Gambie et à celui de la République Démocratique du Congo puisqu’ils sont les cas les plus récents.
Dans le premier cas, nous avons un tyran qui a organisé des élections à l’issue desquelles il est sorti perdant, a reconnu sa défaite, mais qui, quelques jours après, à décidé de faire volteface à cause des pressions venant de l’intérieur et de l’extérieur. Dans le second, nous avons un autre assoiffé de pouvoir dont le mandat a expiré et qui refuse d’organiser des élections. Aux dernières nouvelles, une quarantaine de Congolais ont perdu la vie dans les manifestations, alors que ces derniers luttaient juste pour le rétablissement de la justice et de la démocratie.
Dans le cadre de ses réflexions, le sage Mahatma Gandhi avait raison de répertorier les tares de la société. Il disait, je cite: Les sept fautes sociales de l’humanité sont la politique sans principes, la richesse sans travail, le plaisir sans conscience, la connaissance sans volonté, les affaires sans la morale, la science sans humanisme et la religion sans sacrifice. Si on regarde de très près ce qui se passe actuellement en Afrique, on pourrait affirmer avec lui que la plupart de nos chefs d’Etats sont dépourvus de principes, qu’ils sont cupides et qu’il y a une absence totale de morale dans la gestion des affaires publiques.
Pour ce qui est de la crise gambienne, je me dis que le dossier pouvait être mieux géré. Non seulement Adama Barrow a été très mal conseillé au point de vouloir bruler les étapes, mais il s’y ajoute que la CDEAO et les Nations Unies se sont trop immiscées dans les affaires de la Gambie. Ils n’ont pas su faire preuve de prudence et de neutralité dans la délicate situation de la Gambie. Et c’est peut être ce qui est à l’origine du problème actuel de la Gambie.
A mon avis, c’est un truisme que de dire que Yahya Jammeh devra répondre de ses actes devant les tribunaux. Les mesures et ou éventuelles poursuites annoncées contre lui par les instances nationales et internationales dans les media et l’influence de ces derniers sur Amadou Barrow ont fait que le pauvre Jammeh a compris qu’il est actuellement dans une grande impasse et devant cette situation, il cherche les voies et moyens qui pourraient le tirer d’affaire.
Il essaie maintenant d’instrumentaliser l’Etat en amadouant certaines personnes de l’armée et de la justice. Les récentes nominations et promotions de certains gradés de l’armée le prouvent à suffisance. Mais il oublie que le peuple gambien qui jusque là très frustré, a entre temps atteint une certaine maturité qui lui permettra cette fois-ci de sortir dans les rues pour lui dire un non catégorique
Mais je pense qu’il suffisait juste de laisser les choses se dérouler normalement et une fois la passation de service faite, le nouveau président élu pourrait maintenant en toute tranquillité exécuter son pouvoir et au bout d’un voire deux ans maximum poursuivre ce dictateur de Jammeh sans grande difficulté. Pour ma part, c’est l’analyse que je fais de la situation. Je ne dis pas pour autant que c’est une raison pour que Yahya Jammeh décide de se maintenir au pouvoir.
Seulement j’ai pu noter quelques failles et surtout une absence de diplomatie dans la gestion de ce dossier. Et si on pousse davantage la réflexion, on pourrait affirmer à bien d’égards que la main extérieure c’est-à-dire l’Occident est souvent à l’origine de pas mal de conflits sur le continent africain. L’exemple de la Lybie avec Kadhafi est évocateur. C’est pourquoi j’invite le Sénégal, qui est le voisin direct de la Gambie, à adopter une attitude très lucide par rapport à cette question.
À l’instar de ceux qui m’ont précédé sur la question, j’exhorte Yahya Jammeh de respecter sa parole, de reconnaitre encore une fois sa défaite et de passer le témoin à un son frère Adama Barrow pour une Gambie pacifique. C’est ce qi fera d’ailleurs sa grandeur, quand bien même sa soif de pouvoir l’a parfois poussé à commettre des actes ignobles sur le peuple gambien.
Pour le cas de la RDC, je pense que Joseph Kabila est en train de poser des actes qui remettent en question le sens même du nom que porte son pays. C’est contradictoire que son pays porte le nom de République Démocratique du Congo et que lui le président fait des actions antidémocratiques. Je salue au passage le rôle joué par les évêques dans le cadre de la recherche de solutions pour la Paix en RDC. Pour une paix durable en Afrique, j’appelle les armées et les personnes en charge de la justice des deux pays que j’ai cités dans ma contribution, à avoir une attitude républicaine, à ne pas suivre les ordres de ces dictateurs, mais plutôt penser à l’intérêt des dignes et innocents citoyens.
Monsieur Gabriel Thior,
Professeur d’Allemand
gabrielthior@yahoo.fr