A.H.M.E. appelle à la libération de Ahmed OULD SAMBA, prisonnier politique de l’Etat mauritanien

Qui est Ahmed OULD SAMBA ?

Ahmed OULD SAMBA est le fils d’Abdallahi OULD SAMBA, ancien douanier ayant exercé à Nouadhibou pendant un certain temps. Ce dernier s’est illustré par son engagement sans faille dans la lutte contre l’esclavage. Sa demeure à Nouadhibou constituait un lieu permanent de rassemblement pour les militants d’El Hor (Organisation de Libération et d’Emancipation des Haratine). Son militantisme s’exprimait sans complexe, ni crainte.

C’est dans cet environnement, marqué par la lutte contre l’asservissement, qu’Ahmed OULD SAMBA a grandi. L’individu étant le produit de son milieu, l’influence familiale fut déterminante dans la construction de ses convictions.

Lorsqu’il intégra l’Université de Nouakchott, Ahmed OULD SAMBA rejoignit l’association des étudiants d’El Hor. Il s’impliqua également dans toutes les structures politiques fondées par Messaoud OULD BOULKHEIR, à savoir : l’Action pour le Changement (AC), la Convention pour le Changement (CC) et l’Alliance Pour le Progrès (APP). Les deux premières formations n’ont pas reçu d’agrément de la part du régime de OULD TAYA. En revanche, au sein de l’APP, Ahmed OULD SAMBA joua un rôle de premier plan en assumant d’éminentes responsabilités.

Fort de cette expérience, il nourrit l’ambition de s’affranchir de l’APP afin de créer son propre parti politique. Toutefois, cette initiative fut vouée à l’échec, probablement en raison de pressions exercées par l’Etat, et sans doute en lien avec la question de l’esclavage.

Désormais, Ahmed OULD SAMBA est devenu un habitué des prisons mauritaniennes. À peine libéré, il est immédiatement réincarcéré à la prison centrale de Nouakchott, lieu de détention des prisonniers de droit commun. Pourtant, il est un haut fonctionnaire de l’Etat, docteur en économie et personnalité politique. Son emprisonnement résulte d’une décision arbitraire, relevant du fait du prince. Il s’agit d’une mesure d’humiliation traditionnellement infligée aux victimes de l’esclavage. En effet, les maîtres avaient autrefois à leur disposition une panoplie de châtiments corporels et psychologiques destinés à leurs esclaves. L’attitude de l’Etat fait penser aux pratiques esclavagistes des maîtres d’esclaves.

Les raisons de cette incarcération

Ce retour en prison a été suscité par la dénonciation d’un acte politique survenu lors de la visite de Monsieur Ousmane SONKO, Premier Ministre du Sénégal. Une photographie circulant sur les réseaux sociaux montre que, face à la délégation sénégalaise, celle de la Mauritanie était exclusivement composée de Maures (Berbères et Arabes). Ce document, choquant et inexorablement révélateur, contredit le principe selon lequel une délégation officielle doit représenter la diversité réelle du pays.

Elle représente donc une offense pour l’ensemble des Noirs de Mauritanie car elle tend à nier leur appartenance nationale. Elle insinue que les Noirs – Haratine et Négro-mauritaniens – sont présents dans le pays sans véritablement en faire partie. Dans l’inconscient collectif des Maures, et possiblement des dirigeants, les Noirs se résument à deux catégories : d’une part, les Haratine, perçus comme des serviteurs, et d’autre part, les Négro-mauritaniens, considérés soit comme issus d’anciens foyers d’esclaves, soit comme de simples disciples.

Par ailleurs, cette photographie constitue un affront à la délégation et à la nation sénégalaise, un pays ami qui connaît parfaitement les diverses composantes de la Mauritanie. C’est aussi une insulte à toute l’Afrique subsaharienne, d’autant plus que la Mauritanie, au cœur du continent, abrite une importante population noire. L’Afrique est le berceau de l’humanité, où de brillantes civilisations ont vu le jour. D’ailleurs, la Mauritanie faisait autrefois partie de l’empire dirigé par Kankan Moussa.

Réactions et répression

De nombreux militants abolitionnistes ont manifesté pour exiger la libération d’AHMED OULD SAMBA. La répression fut brutale : sous la direction de l’officier THIAM, la police s’est livrée à un véritable lynchage des manifestants, femmes et hommes confondus. Le témoignage de son épouse, Vatimetou MINT MOHAMED, illustre avec éloquence la sauvagerie de cette répression. Elle relate les sévices subis par les manifestants, dont certains portent encore les stigmates de ces violences. Elle-même souffre toujours des coups de matraque infligés par la police mauritanienne.

La révolution de mai 1968 a débuté aux Etats-Unis, avant de s’étendre à Munich en Allemagne, à Paris en France, à Dakar au Sénégal et à Nouakchott en Mauritanie. En Mauritanie, elle a conduit à la naissance des Kadihines et du Mouvement national démocratique (MND). C’est dans ce climat de grèves et de répressions que Mohamed OULD BABANA, ancien élève du lycée de Rosso, a composé ce poème en hassania.

حربيتن زين ومتان – كيف دول بمدافه
ماتخبط ماه مورتان – ماعند باش إدافعه

[Notre armée est belle et forte – À l’image des nations, arbore des fusils.
Mais elle ne vise que la Mauritanie (mauritaniens) – Tirant sur des compatriotes sans défense.]

Sous le régime de Moctar OULD DADDAH, la répression des mouvements contestataires était déjà d’une grande brutalité, bien que les forces armées fussent encore à leurs débuts. Aujourd’hui, la Mauritanie dispose d’une armée puissante et de forces de l’ordre dotées de moyens de répression sophistiqués. Le poème de Mohamed OULD BABANA trouve toute sa résonance à notre époque, où la violence envers les militants abolitionnistes s’est normalisée. 

Avant la création de l’Etat moderne en 1960, et même après, la gestion des châtiments infligés aux esclaves relevait des maîtres eux-mêmes. Aujourd’hui, l’Etat joue un rôle dans la régulation de ces dynamiques sociétales, ce qui soulève des interrogations sur la persistance de certaines formes d’injustice.

Les abolitionnistes subissent une double peine. D’une part, ils sont emprisonnés dans des établissements où ils endurent des tortures physiques et psychologiques, souvent jusqu’à en ressortir brisés ou profondément traumatisés. D’autre part, ils sont non seulement violemment réprimés lors des manifestations, mais également exclus de la société : radiations professionnelles, privation de ressources financières et isolement social deviennent des outils pour les invisibiliser et étouffer leur combat. Le cas d’Ahmed OULD SAMBA, radié de la fonction publique et privé de son salaire, en est une illustration, impactant directement la vie de son épouse et de ses enfants.

Appel à la libération d’Ahmed OULD SAMBA

L’Association des Haratine de Mauritanie en Europe (A.H.M.E.) exige la libération immédiate de l’abolitionniste et homme politique Ahmed OULD SAMBA. Il est impératif de mettre un terme aux injustices dont sont victimes les Haratine et de garantir le respect des libertés et des droits fondamentaux de chaque citoyen mauritanien. 

Le 01 mars 2025. 

Mohamed Yahya OULD CIRE
Docteur en science politique
Président de l’A.H.M.E.
Site internet : www.haratine.com