Notre pays à la croisée des chemins/Par Moustapha Ould Abeiderrahmane, Président du Renouveau Démocratique

Notre pays à la croisée des chemins/Par Moustapha Ould Abeiderrahmane, Président du Renouveau DémocratiqueCompte tenu de nos acquis en matière de développement économique et social, en matière de liberté et de démocratie, mais aussi de nos faiblesses et insuffisances, nos difficultés et manquements conjoncturels, il convient, pour tous les acteurs politiques, pouvoir comme opposition, de se regarder en face pour un examen de conscience en profondeur afin de se donner les moyens de préserver notre pays des dangers qui l’assaillent, de consolider les libertés et la démocratie, de créer un nouvel espoir susceptible de renforcer l’unité nationale et le progrès social.

En effet, on doit constater les fragilités de notre tissu social, ses multiples contradictions internes, le fait que notre pays n’a jamais connu une organisation étatique unifiée avant de devenir une colonie française, ce qui signifie qu’en réalité, c’est avec l’indépendance, il y a moins de deux générations que la construction de l’Etat national a commencé.

Avec le prochain départ du chef de l’Etat de la charge de président de la République et donc nécessairement son remplacement par une autre personnalité, avec la situation de dispersion, d’‘indigence prévisionnelle et de faiblesse de l’opposition démocratique, avec l’absence totale dans notre pays de tout symbole, de référence respecté par le plus grand nombre, à défaut de tous, que ce soit sur le plan politique ou religieux, qu’il s’agisse d’homme d’affaires ou de personnalité indépendante, d’associations civiles ou d’institution ou commandement militaire.

Dans ces conditions, aggravées par une situation conjoncturelle d’affaissement des prix de nos exportation (fer, or, pétrole etc.), de renchérissement des prix des matières de première nécessité, de chômage étendu, notamment parmi les jeunes diplômés, le pouvoir doit rechercher à concourir à la mise en place des moyens adéquats pour de nouvelles élections transparentes dont les résultats seront acceptés par tous.

C’est cela qui permettra, dans le cadre de l’Etat de droit, à la prochaine direction du pays, au prochain parlement et surtout au futur président de la République de pouvoir assurer convenablement leur charge dans l’intérêt de la Nation et de l’Etat.

Dans les mêmes conditions, l’opposition démocratique se doit de quitter définitivement le jeu politicien stérile consistant à faire feu de tous bois pour contester la légitimité, voire la légalité du pouvoir en place ; elle doit s’armer de courage, chasser ses penchants subjectifs pour aider le pouvoir à se renforcer, pour aller dans le sens d’une plus grande stabilité du pays, avec l’espoir d’un réel enracinement de la démocratie chez nous.

Oh ! J’entends bien les sarcasmes des uns et des autres. Leur parti pris et leur négativisme individualiste, issu de l’atavisme de notre société traditionnelle, émiettée, à culture nomade dans sa majorité en plus du fatalisme qui nous sert souvent de vernis religieux.

Aussi, j’insiste pour demander, une encore fois au chef de l’Etat d’engager un vrai dialogue avec l’opposition démocratique dont les revendications raisonnables doivent être prises en considération.

J’insiste d’autant plus que je sais que les perspectives de non candidature du chef de l’Etat actuel à l’élection présidentielle de 2019, demandent, pour le moins, un large consensus national pour permettre de pérenniser la stabilité de nos institutions et de l’Etat.

D’ailleurs, il me semble que tous doivent féliciter le chef de l’Etat pour ses multiples prises de position solennelles en faveur du respect de la Constitution, en ce qui concerne le nombre de mandats présidentiels autorisés ; et comme il le dit lui-même, il est évident qu’une telle attitude participe pleinement à l’enracinement de la démocratie dans notre pays.

En ce qui concerne l’opposition démocratique, compte tenu des perspectives immédiates, elle doit nécessairement faire sa vraie mue pour quitter définitivement le terrain de la contestation et de l’agitation, sans renoncer naturellement à s’opposer au pouvoir en place, en critiquant ses programmes et ses agissements, chaque fois que nécessaire, en mobilisant les catégories sociales opprimées contre lui.

Comment opérer cette mue nécessaire ?

Une coalition électorale, nécessairement

Pour créer un minimum d’espoir de changement par des élections, c’est-à-dire, dans le cadre de la légalité, l’opposition démocratique et notamment le FNDU doit établir une réelle coalition électorale susceptible d’unifier ses forces, mutualiser ses maigres moyens matériels afin de se donner une chance de gagner les élections éventuelles à venir.

Il est évident qu’une telle coalition électorale ne suffit pas à elle seule pour créer un vrai espoir pour le changement. Pour cela, il est nécessaire de négocier sérieusement et avec réalisme un programme commun de gouvernement; cela ne semble pas impossible quand on sait que le FNDU dispose déjà d’un consensus d’orientations communes susceptibles de constituer la base d’une négociation pour l’établissement d’un vrai programme réaliste de gouvernement, y compris les perspectives de financement de ce programme et sa durée de réalisation dans le temps.

Une fois la coalition établie, le programme commun de gouvernement négocié, il convient également de se donner les moyens d’espérer gagner l’élection présidentielle ; pour cela, il est absolument nécessaire de s’entendre pour soutenir le même candidat.

Des primaires pour une candidature unique

Pour ce faire, l’opposition démocratique se doit, le plutôt possible, de s’entendre pour organiser, en son sein des élections primaires nécessaires pour la sélection de son candidat unique à la présidentielle de 2019. C’est un processus long mais qui n’est pas difficile à établir, une fois qu’on dispose d’une coalition électorale et d’un programme commun de gouvernement.

De quoi s’agit-il ? Il s’agit de négocier une série de critères pour l’établissement de la liste électorale pour ces primaires, de s’entendre pour désigner un groupe de personnalités afin de diriger et organiser ces primaires.

A titre d’exemple, on s’entendra pour dire que les catégories suivantes en âge légal de pouvoir voter, puissent figurer sur la liste électorale des primaires: tous les membres de bureaux exécutifs, de toutes les organisations politiques, syndicales, ou de la société civile légalement constituées, tous les imams appointés et donc reconnus par l’Etat, tous les titulaires du diplôme de brevet d’études de premier cycle ou d’un diplôme de l’enseignement supérieur, tous les professeurs d’université etc.

Il doit être entendu que ne sera accepté sur la liste électorale des primaires que les personnes qui auront signé le programme de gouvernement et payé une participation de symbolique par exemple de 500 à 1000 Ouguiyas.

Compte tenu des délais qui nous séparent des prochaines élections, et en particulier l’élection présidentielle de 2019, il est urgent de commencer à débattre de l’ensemble de ce processus.

Il va de soit que seuls les pôles du FNDU qui le souhaitent et les partis politiques ou regroupements de partis de l’opposition non membres du FNDU, peuvent être concernés par le processus de négociation engagé.

L’ensemble de ce processus doit être la partie essentielle de la feuille de route de la lutte de l’opposition démocratique dont la recherche d’un vrai dialogue responsable avec le pouvoir constitue l’axe central pour permettre le renforcement de la démocratie dans le pays à travers des élections honnêtes, transparentes et organisées consensuellement.

 

Source : Le Calame (Mauritanie)