Les plus grands dossiers d’esclavage : Affaire Noura

Les plus grands dossiers d'esclavage : Affaire Noura

Noura, victime d’esclavage à Boutilimit ou Comment la justice a aidé des mis en cause – Septembre 2013

Accablée par des années de servitude, une jeune fille de 18 ans répondant du nom de Noura avait déposé une plainte auprès de la Brigade de gendarmerie de Boutilimit en tant que victime de pratiques esclavagistes. Les présumés auteurs de l’acte furent interpellés.

Il s’agissait de membres d’une importante famille de la notabilité locale, Oulad Demane, dont un candidat à la mairie pour le compte du parti-état et de puissants commerçants. La fille aurait été grondée et menacée. Son père fut sommé de retirer la plainte immédiatement ! Le rapport de force sociale étant inégal, la plainte a été retirée sous la contrainte, selon certaines sources qui ont évoqué dans ce cadre la violation des procédures judiciaires.

Cependant, la fille refusa de lâcher prise et sollicita l’appui de l’ONG IRA, une organisation antiesclavagiste qui soutint immédiatement sa cause. C’est ainsi que la jeune fille réintroduit une deuxième plainte. La gendarmerie promit d’aller chercher de nouveau les personnes mises en cause, avant de déclarer plus tard qu’elle ne les avait pas trouvé et qu’ils avaient disparu. Les faits remontent au 9 septembre 2013.

Le 12 septembre, la jeune Noura accompagnée du président d’IRA, Birame Ould Dah Ould Abeid, se rendent à Nouakchott, et rencontrent le ministre de la Justice. Noura réitère devant lui sa plainte contre la famille Ehel Emhammed qui l’aurait réduit à l’esclavage elle et sa mère, alors qu’elle n’avait que 4 ans. Le ministre promit que la justice suivra son cours dans cette affaire, les informa en même temps que deux hommes, parmi les huit personnes interpellées dont quatre femmes, ont été arrêtés.

Pendant ce temps, les militants d’IRA avaient entamé un sit-in ininterrompu devant la brigade de Boutilimit pour exiger l’application de la loi 048-2007 criminalisant les pratiques esclavagistes. Vers la mi-septembre, la gendarmerie interpella effectivement trois membres de la famille incriminée, qui seront acheminés à Nouakchott.

Après l’audition des parties devant la brigade de gendarmerie, l’affaire fut transférée au tribunal de Rosso. Le Procureur absent, le dossier sera instruit par l’un des substituts, qui désigna un juge d’instruction. Les militants d’IRA suivirent l’affaire en prenant d’assaut le tribunal pour maintenir la pression.

Ils évacueront le bureau du Substitut de la République après l’intervention du commissaire de police de Rosso et le commandant de brigade de la gendarmerie. Promesse leur a été faite que l’affaire suivra les procédures normales. Mais dès que les militants évacuèrent les lieux, les trois inculpés furent libérés. Les femmes de la famille incriminée dans le même dossier étaient toujours en fuite, refusant de se présenter devant la justice. Mais les militants d’IRA revinrent à la charge, obligeant le Parquet de Rosso à convoque les femmes qui furent miraculeusement retrouvées. Toute la procédure fut reprise. Entre temps, le sit-in d’IRA est réprimé.

Six militants sont arrêtés. Deux blessés seront conduits l’hôpital. Par la suite, quatre seront libérés et deux envoyés à la prison de Rosso. Les personnes impliquées par la plainte restent quant à elles tranquillement épargnées. Mais le sit-in d’IRA avait repris. Birame Ould Dah Ould Abeid président d’IRA, accusa le pouvoir de s’être immiscé dans cette affaire, évoquant l’audience que le président de la République, Mohamed Abdel Aziz, aurait accordé à de puissantes personnalités tribales de la famille incriminée. «Cette affaire n’ira nulle part » leur aurait-il promis.

A la gendarmerie de Boutilimit, Noura fut de nouveau entendue. Elle déclarera plus tard à la presse que son P.V a été falsifié. Après lui avoir lu l’intégralité du document où tout était mentionné, pratiques esclavagistes, sévices corporels, etc. elle soutient que le document a été par la suite falsifié et transformé en une simple bagarre entre une bonne et ses employeurs.

Pire, dans la déposition des maîtresses de Noura, celles-ci auraient déclaré avoir embauché Noura depuis juste deux semaines comme bonne avant de découvrir qu’elle était de mauvaises mœurs. Selon les militants d’IRA, une petite enquête aurait pourtant suffi à la gendarmerie pour savoir laquelle de Noura ou de ses maîtres avaient raison. Ils ont ainsi dénoncé l’impunité accordée à la famille Ehel Emhammed épargnée de toutes charges, même du délit de fuite. Par contre, le dimanche 6 octobre 2013, ces sont les militants d’IRA toujours en sit-in qui seront sévèrement réprimés. Cette fois, la violence avait dépassé les limites tolérées.

Vingt-cinq militants d’IRA seront arrêtés, six conduits à l’hôpital dont certains dans un état grave. Mais la place sise à la Brigade de gendarmerie de Boutilimit, deviendra pour les militants d’IRA la «Place Noura» pour avoir connu le sit-in le plus long dans l’histoire des manifestations en Mauritanie, plus d’un mois. L’histoire de Noura sera d’ailleurs portée au niveau international, car Birame Ould Dah Ould Abeid, invité à faire une communication sur l’esclavage en Mauritanie devant la Commission européenne des droits de l’homme, en avait fait un de ses axes d’intervention.

Ils ont marché 150 Km de Boutilimit à Nouakchott pour Noura

Les militants abolitionnistes d’IRA, qui ont parcouru en six jours les 150 Kilomètres qui séparent la ville de Boutilimit à Nouakchott sont arrivés ce matin, lundi 2 décembre 2013, aux environs de 10 heures Place Madrid. Une immense foule de militants, dont des membres du Bureau Exécutif d’IRA (Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste), les attendait, notamment Hamady Ould Lehbous, conseiller du président Birame Ould Dah Ould Abeid, Ahmed Ould Mhamdi, Balla Touré, Ahmed Ould Lebeid, le président du parti Radical pour une Action Global (RAG), Brahim Ould Abeid, vice-président d’IRA, Coumba Bâ, vice-présidente et beaucoup de sympathisants.

La foule s’est ébranlée par la suite, banderoles au vent, au milieu des embouteillages en direction de la prison civile et du Palais de justice où un bref sit-in a été observé. La marche s’est par la suite achevée devant le Ministère de la Justice où les militants ont dénoncé la non application de la loi de 2007 criminalisant l’esclavage, aux cris de «Non à l’esclavage ! Non à l’exclusion des Haratines ! Liberté ! Liberté ! »

Cette marche est une réaction d’IRA face à l’impunité accordée à la famille Ehel Emhaimed, accusée par l’organisation d’avoir réduit en esclavage et à la soumission, la dénommée Noura Mint Ahmed, 18 ans, exploitée depuis l’âge de 4 ans, sans droit à l’éducation et sans salaires. La ferveur des militants d’IRA était d’autant vive qu’ils ont été galvanisés par le prix des droits de l’homme que les Nations Unies viennent de décerner à leur président Birame Ould Dah Ould Abeid. Une cérémonie solennelle a été organisée à cette occasion le 10 décembre 2013 dans la grande salle de réunion de l’Assemblée Générale des Nations Unies à New York.