« Le retrait inattendu, en 2002, de notre pays de laCommunauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest(CEDEAO) n’est pas une mesure unanimement approuvée par tous les mauritaniens. Cette décision a été condamnée par toute la classe politique mauritanienne ; car elle porte atteinte aux intérêts vitaux de nos compatriotes établis, depuis de longues dates, dans l’espace territorial ouest-africain et était inspirée par un lobby de politiciens chauvins.
L’appartenance de notre pays à cette importante organisation régionale nous procurait pourtant plusieurs avantages dont ceux prévus par les Protocoles d’accord relatifs à la libre circulation des biens et des personnes et au droit de résidence et d’établissement sur l’étendue du Territoire des Etats de l’Afrique de l’Ouest.
Le Traité instituant la CEDEAO a été signé à Lagos le 28 Mai 1975 par seizeEtats de l’Afrique de l’Ouest et avait pour principaux objectifs de promouvoir la coopération, et le développement dans tous les domaines de l’activité économique entre les signataires. .
L’objectif ultime visé par ce Traité est d’élever le niveau de vie des peuples, d’accroître et de maintenir la stabilité politique et économique, de renforcer les relations entre les Etats membres et de contribuer ainsi au progrès et au développement du continent africain.
Notre pays se situant dans une position charnière entre le monde arabe et le monde négro africain, le père de la nation mauritanienne, feu Me Moktar Ould Daddah (que Dieu l’agrée dans son paradis), soucieux de mettre à profit cette double appartenance avait eu la sagesse, après notre adhésion à la Ligue Arabe et à l’Organisation de l’Unité Africaine, de signer avec ses pairs de l’Afrique de l’ouest ce traité historique.
Cette double appartenance géographique loin de constituer un obstacle à l’affirmation de notre identité culturelle spécifique qui est à la fois islamique, arabe et négro africaine, nous plaçait dans une position médiane privilégiée.
C’est cette posture, d’ailleurs qui avait permis à notre pays de pratiquer, avec succès, pendant une longue période (de 1960 à 1978), une diplomatie dite de trait-d’union qui nous avait valu, grâce au talent d’un de nos plus brillant Ministre des Affaires Etrangères : feu Mr Hamdi Ould Mouknas (que Dieu l’agrée dans son paradis) d’être respecté et convoité par le monde arabe et négro africain pendant une longue période.
Mais le double retrait de notre Pays de l’ex-CEAO, Organisation sous régionale instituée, auparavant, en 1973 entre sept Etats de l’Afrique de l’Ouest et devenue, en 1991, «Union Economique et Monétaire Ouest-africaine (UEMOA)» suivi de notre départ précipité de la CEDEAO ont brusquement mis fin à tous les liens de coopération économique à caractère sous régional et régional que la Mauritanieentretenait avec ses voisins du sud.
Tous les Partis politiques avaient pourtant vivement condamné l’isolement de notre pays vis-à-vis de ses voisins du sud qui présente, aujourd’hui, plus d’inconvénients que d’avantages pour notre pays.
Tous les mauritaniens de la diaspora ouest-africaine avaient en son temps condamné énergiquement cette mesure qui les prive de certains privilèges et immunités dont ils jouissaient conventionnellement dans l’espace territorial ouest africain.
Pourquoi alors a-t-on pris la décision de quitter cette organisation régionale ouest-africaine ? Si notre retrait de la CEAO pouvait pleinement se justifier en raison de la révision du Traité en 1991 de cette organisation qui prévoyait une intégration plus poussée entre les sept Etats et conduisait notre pays à perdre sa souveraineté dans le domaine monétaire (donc retour au Francs CFA), notre départ de la CEDEAO, cependant, ne pouvait nullement se justifier ; car la double appartenance de notre pays, à la CEDEAO et à l’Union du Magrheb Arabe (UMA) ne peut que présenter des avantages pour nos citoyens.
Parmi ceux-ci on citera la libre circulation de nos citoyens sur l’ensemble des territoires de ces Etats sans formalités administratives relatives à un visa d’entrée ou à une autorisation de résidence. Nos compatriotes étant ainsi considérés comme des citoyens de ces Etats étaient dispensés, dans une certaine mesure, de certaines tracasseries liées à leurs nombreux déplacements.
Au plan économique notre Pays tirait également d’importants avantages économiques et commerciaux procurés par l’ensemble des instruments de coopération mis en place et, notamment du bénéfice, dans le domaine des échanges commerciaux, des privilèges liés à la clause de la « nation la plus favorisée ».
Enfin l’expérience nous montre, aujourd’hui, que l’indépendance et la souveraineté nationales sont sans importance si elles ne sont pas soutenues par un environnement économique et commercial homogène et viable. D’ailleurs la tendance actuelle au regroupement des Etats en blocs économiques régionaux, dans certaines parties du monde, en constitue le plus bel exemple !
Notre pays doit donc tout faire pour reprendre sa place au sein de la CEDEAO. Nous souhaitons une réussite à l’actuel Ministre du Commerce qui aurait entrepris de telles démarches ».
L’article publié ci-dessous est écrit par un ancien-fonctionnaire qui a suivi au Ministère des Finances, de 1988 à 1993, en qualité de conseiller Technique et d’expert mauritanien, les dossiers des organisations sous régionale et régionale ouest-africaines. .
Nouakchott, le 22 .02.2016
Hamédine Kane
Ex-fonctionnaire.
Du Ministère des Finances
Chargé du suivi des affaires CEAO/CEDEAO