Comme de coutume, c’est dans la division que le Manifeste des droits politiques, économiques et sociaux des Haratines a commémoré, le 29 Avril 2024, son douzième anniversaire. Une ommémoration qui n’était d’ailleurs qu’un faire-semblant, répétition de routine pour donner signe de vie ou plutôt de survie. La preuve en est qu’il n’y eut ni bilan ni actualisation du contenu du Manifeste originel, encore moins programme ou plan d’action pour l’avenir. Rien de tout ça, ni d’un côté ni de l’autre.
À l’ancienne Maison des jeunes, nous avons assisté, d’une part, à une piètre commémoration animée par des partisans manifestement mobilisés pour marquer leur supériorité numérique et couronnée de la même litanie ennuyeuse, faisant étalage des malheurs des Haratines, de leur exclusion et de leur marginalisation ; et, d’autre part, à un rappel soutenu de l’historique de nos faillites, se disputant par la même occasion la paternité du document et l’initiative du Manifeste. Nous sommes ainsi tombés du sommet d’un consensus politique historique qui avait suscité
l’espoir, l’adhésion et la mobilisation de la majorité du peuple mauritanien – et des Haratines en particulier – à la rivalité déshonorante de deux tendances moribondes se tiraillant une adresse politique pour la mettre à profit, au besoin et à toute fin utile…C’est triste, regrettable et même
indigne d’une élite qui avait pris en charge la responsabilité du combat pour le règlement de la problématique des Haratines meurtris par un passif esclavagiste séculaire et inhumain, laissés-pour-compte par un système politique imbu des mentalités esclavagistes et qui les maintient dans une situation déplorable frisant le néo-esclavage d’État. Quelles que soient les raisons de leurs divergences destructrices, l’Histoire retiendra qu’à cause de leurs ambitions démesurées, de leur opportunisme, de leur égoïsme et de leur manque de vision politique, les responsables de cette déchéance du Manifeste des Haratines ont desservi la cause de ceux-ci. Ils l’ont desservie parce qu’à cause de leurs divergences inopportunes, on a raté l’occasion de consolider l’approche nationale de la problématique haratine, dépassionner celle de l’esclavage, permettre au militantisme haratine de justifier la pertinence de sa démarcation politique et démystifier la campagne de diabolisation engagée à dessein contre son combat, pourtant on ne peut plus légitime et dont les raisons d’être sont encore d’actualité et manifestes. Ils l’ont desservie parce qu’à cause de leurs divergences sordides, on a raté l’occasion de réaliser l’union des tendances politiques haratines dans un large cadre de concertation sur leur problématique commune, incluant les autres forces progressistes du pays.
Divergences sordides
À cause de leurs divergences, le Manifeste ne nous a au contraire apporté qu’une division de plus, un discrédit de plus, une déception de plus… Ils l’ont desservie parce que la division de ses dirigeants a discrédité le juste et légitime combat des Haratines auprès de l’opinion publique nationale en général et de leur base militante en particulier. Aujourd’hui, toutes les forces politiques du pays – le système en place en premier – se sont rendues compte que, même cultivés et malgré la légitimité de leur juste combat, les Haratines demeurent politiquement manipulables, corvéables à merci et qu’ils souffrent encore de la séquelle de l’esclavage la plus tenace, la plus subtile, la plus marquante : le manque de dignité humaine.
Sinon, comment prétendre défendre les droits des Haratines écrasés par le poids d’un passé esclavagiste implacable, laissés-pour-compte, déshérités, misérables, marginalisés, exclus, méprisés et exploités, tout en se tiraillant autour d’un Manifeste qui n’est plus qu’une coquille vide, symbole d’une grandiose communion politique étouffée par la bêtise et l’égoïsme de ses dirigeants ? Non, on doit mettre un terme à cette crise qui n’a que trop duré ! Ridicule, déshonorante et discréditante, elle n’a plus de raison d’être : le Manifeste des Haratines doit être impérativement réhabilité dans la communion ou sabordé ! C’est l’occasion d’interpeller la jeunesse mauritanienne – et la jeunesse haratine en particulier – à prendre son destin en main et ne plus se fier à des générations qui ont, non seulement, fait leur temps et atteint la limite de leurs contributions au changement mais sont également souillés par plus de trois décennies de perversion politique sous le joug d’un système qui les a fait passer quasiment toutes aux moules de la gabegie, de l’opportunisme, du clientélisme, du favoritisme et de l’incivisme. Vous, jeunes Mauritaniens qui n’avez jamais été esclavagistes ni jamais subi l’esclavage, vous qui êtes plus réceptifs aux notions et aux valeurs de la citoyenneté, de la justice et de l’égalité, vous qui aspirez à l’instauration d’un État de droit, républicain, démocratique et moderne, à l’instar de tous les pays émergents, sachez que la Mauritanie est en danger et n’a plus que jamais besoin de vous pour sortir de son impasse politique. Ressaisissez-vous avant qu’il ne soit trop tard !
MOHAMED DAOUD IMIGINE
Source : Le Calame