Dans le cadre de cette nouvelle mode lancée, plusieurs pays, dont généralement les élections sont toujours colorées d’irrégularités flagrantes ont créés des commissions électorales nationales dites indépendantes ou autonomes.
Pour les « régimes-systèmes » des pays les plus frappés par les épidémies du maintien illimité aux pouvoirs, la mise en place de tels organes de gestion des élections, était considéré comme un « lâcher du lest » au profit de l’opposition donc une sorte de gage d’équité et de transparence du processus électoral.
C’était une avancée pour la démocratie dans ces pays, même si les structures mises en place sont le plus souvent et partout en Afrique des structures montées avec de la récupération des fonctionnaires le plus souvent malpropres à la consommation démocratique et plus utile à la casse qu’à autre chose.
Toujours empêtrées dans des difficultés énormes lors des élections surtout quand ces élections sont présidentielles, ces CENIs africaines ont quand même parfois apportés dans quelques pays du nouveau aux processus électoraux mis en place.
Dans notre pays, trois textes dessinent les profils des attributions des CENIs qui se sont succédées. L’ordonnance n° 2005-012 du 14 novembre 2005 qui a été modifiée par la loi 2009-017 du 5 mars 2009, deux instruments juridiques qui ont été « complétés » plus tard par la loi organique 2012-027 du 12 avril 2012, une loi qui retirait à l’Administration territoriale les compétences d’organiser les élections étape par étape.
De 2005 à ce jour notre pays a connu trois transitions de CENIs. Les spécialistes considèrent que, parmi ces CENIs, une a joué le rôle de supervision, et les deux autres le rôle d’organisation.
Généralement en Afrique, le travail de la CENI est toujours élargi à l’implication de l’Etat, à celles des partis politiques et celle de la société civile. Mais malheureusement en Afrique, comme d’ailleurs chez nous ici en Mauritanie, le choix des présidents et des membres des commissions ne se fait pas au tirage au sort.
C’est un processus très méticuleux qu’entreprend le pouvoir en place pour mettre en place ses « pions ». Ses pions qui sont le plus souvent des fonctionnaires à la retraite, des politiciens en voie d’extinction, des figures emblématiques des régimes issus des composantes tribales ou régionales. Ces figures sont pratiquement toujours les mêmes ; des « repris des magouilles politiques » incontournables et indispensables à la survie politique des la Majorités présidentielles.
Des présidentsde CENIs compétents, mais des intendances qui ne suivent pas ?
Aux murs des couloirs de la CENI mauritaniennes des portraits sont accrochés ; le portrait de Cheikh Sid’Ahmed Ould Babemine, un brillant officier militaire à la retraite, celui de Didi Ould Boun’Ama, l’un des plus grands juristes mauritaniens (démissionnaire de la CENI pour raison de santé), et celui de Mohamed Vall Ould Bellal. Mohamed Vall Ould Bellal, ancien ministre des Affaires étrangères, un monument de la politique mauritanienne. Mohamed Vall Ould Bellal, c’est l’intégrité morale au sens propre du terme. S’ajouteront évidemment à ces photos de la mémoire historique de la CENI, le portrait de Dah Ould Abdel Jelil administrateur et ancien ministre, un véritable commis de l’Etat en version intégrale.
Le Capitaine Cheikh Sid’Ahmed Ould Babemine a été un président consensuel de la CENI. Très compétent, rigoureux dans son travail, doté d’une très, très forte personnalité, Cheikh Sid’Ahmed Ould Babemine est entré à la CENI la tête haute et il en est sorti la tête haute. Son travail n’a pas été à aucun moment entaché d’irrégularité que celle-ci soit administrative ou qu’elle soit électorale.
Son travail a permis de passer d’une transition militaire à une élection présidentielle constitutionnelle nickelle.
Didi Ould Boun’Ama,n’a pas fait long feu à la tête de la CENI. Il avait quitté la CENI malade et démissionnaire. Peut être rendu malade par ce qu’il voyait venir, qui n’était peut-être pas vraiment compatible avec la rigueur et l’honnêteté de sa personne.
Puis le relai a été pris par Mohamed Vall Ould Bellal. Mohamed Vall Ould Bellal, Monsieur propre. Monsieur mains propres et Monsieur esprit propre. C’est l’un des rares mauritaniens qui fait l’unanimité des tous les mauritaniens (toutes races confondues) comme un politicien intègre, honnête, et compétent aussi bien sur le plan administratif que sur le plan politique. Mohamed Vall Ould Bellal, dans une conjoncture extrêmement compliquée a fait ce qu’il pouvait faire et, comme il fallait s’y attendre, il s’en est sorti comme il était entré immaculé et sans pêché aucun.
Il a laissé place à Dah Ould Abdel Jelil. Pour certains activistes politiques particulièrement de l’aile politique négro-mauritanienne dure, son nom sonne comme le faux d’une note de musique dans un concert qui se jouera en deux parties. Les locales, régionales et nationales, (celles qui viennent de se dérouler) et les présidentielles de 2023 qui suivront l’année prochaine.
Certains voient en Dah Ould Abdel Jelil, un ancien ministre élément du système qui tient les rênes politiques de ce pays depuis les années 78.Pour beaucoup c’est le moule d’un sarcophage administratif compatible avec tous les régimes qui se sont succédés. Le nom de ce ressortissant du Tagant à lui seul donne l’impression de refléter une image floue qui n’augurera pas de l’organisation d’élections crédibles et transparentes.
Pourtant ce n’est pas la réalité. Il est vrai que le passé administratif de cet homme et sa proximité avec certains pouvoirs peut permettre le doute. Parce que c’est un administrateur qui, à un moment de sa carrière se trouvait à un mauvais endroit et à un mauvais moment. Mais l’homme qui parle peu mais qui compte de très nombreux amis de partout et de tous bords est doté d’une intelligence qui lui donne une avance sur lui-même et même peut être sur les autres.
L’avenir politique du pays en partie repose désormais sur ses épaules, des épaules fragilisées par l’âge. C’est cette réalité qui, peut-être fait craindre certains que l’homme ne puisse pas mener à bien cette barque surchargée par des responsables de l’autorité administrative, des responsables et des activistes de la Société Civile et par des chefs d’états-Majors politiques de partis généralement très sceptiques sur le choix des Présidents de la CENI.
Des élections tests qui annoncent un sale temps l’année prochaine pour la CENI.
Les élections organisées le 13 mai ont complètement chamboulé l’ordre préétabli traditionnellement. A l’annonce des résultats, les revendications de partout ne se sont pas faites attendre. Même le parti de la Majorité a revendiqué des victoires qui lui auraient été volées par une opposition qui ne baigne pas souvent dans l’honnêteté. Il y’a même certains partis qui soutiennent la Mouvance présidentielle qui déclarent avoir été floués dans certains bureaux de votes de zones isolées par leurs alliés qui ne jouaient pas un jeu franc.
L’opposition radicale a crié au scandale dénonçant ce qu’elle appelle du « jamais même avant la période de Ould Taya où les élections étaient de véritables mascarades ». On est donc en droit de se poser la question de savoir pourquoi en est-on arrivé là ? Le président de la CENI le repris de l’administration territoriale a-t-il été dépassé par des événements inattendus ? A-t-il été saboté par les états-majors des partis politiques en courses, même le parti dont il serait proche ? Toutes ces questions méritent d’être posées.
Elles méritent d’être posées parce que simplement on ne peut pas comprendre pourquoi la CENI sensée favoriser l’instauration d’un climat de confiance entre les différents acteurs du jeu politique national se retrouve prise en otage par des activistes dans le domaine de la fraude sous toutes ses formes.
On ne peut pas comprendre aussi simplement parce que la CENI est une institution qui pèse après tout le poids d’une somme de 8 milliards d’ouguiyas. On ne peut pas comprendre enfin et surtout parce que cette CENI qui baigne dans les milliards a été dotée cette fois d’un Comité de sages qui cumulent chacun de très grandes expériences, soit politiques, soit judiciaires soit administratives.
Des noms comme Mohamed Lemine Ould Dahi, Ba Bocar Souley (ancien ministre),
Baba Ould Boumeiss,( administrateur expérimenté), Bilal Ould Werzeg (homme politique de référence), qui s’ajoutent à des noms comme Djeinaba Tandia, Moulaye Ould Brahim et Amadou Moussa Diallo sonnent au rythme de la compétence et sont en réalité des responsables capables de faire naviguer l’embarcation même par mauvais temps politique.
D’autre part, logiquement la CENI, dans sa version logistique peut-être la même depuis l’époque de Cheikh Sid’Ahmed Ould Babamine, donc logiquement très expérimentée, devait être en mesure de préparer, organiser et superviser l’ensemble de l’opération électorale de sa phase de validation du fichier électoral jusqu’à la proclamation provisoire des résultats.
Donc qu’est ce qui a enrayé la machine électorale ?
Pourquoi ces élections ont fait tant de bruits ? Et des bruits qui évoquent des risques de descentes dans les rues et peut être même un soulèvement armé comme le dit Biram Dah Ould Abeid, un homme devenu un poids plume politique très léger à cause de son insolence verbale, son extrémisme tergiversant, sa malhonnêteté politique et surtout à cause de son ingratitude envers ses anciens électeurs et ses anciens soutiens financiers, des éléments qui sont alourdis à cause de sa guerre déclarée contre l’actuel président ?
Ce qui est certain c’est que Dah Ould Abdel Jelil, l’actuel président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) risque bien de bégayer encore plus s’il continue d’être étouffé par des pressions qu’exerce sur lui un ministère de l’intérieur qui ne cesse de s’ingérer de temps en temps dans des affaires qui ne relèvent pas de sa compétence, mais aussi étouffé par des partis politiques (majorité, opposition radicale et opposition affiliée au pouvoir) qui trichent chacun de son côté en accusant le disfonctionnement de la CENI, qui est un véritable gouffre financiers qui attire des ressources humaines de plus en plus médiocres qui ne sont pas attirées par la bonne morale, mais qui sont plutôt attirés par les avantages qu’offre une institution qui est un lieu favorable et très prisé où chaque responsable case qui il veut caser même sans compétence et sans profil.
Mohamed Chighali
Journaliste indépendant