Préparatifs des élections 2023 : Encore des obstacles à venir

Après la dernière rencontre entre le ministère de l’Intérieur et les vingt-quatre partis de la majorité et de l’opposition, conclue par un apparent consensus autour de certaines questions, notamment la proportionnelle, la recomposition de la CENI et le vote de la diaspora, s’achemine-t-on vers plus de transparence lors des prochaines élections ?

Lors de cette rencontre, les uns et les autres ont en effet abordé ce qui apparaît comme le plat de résistance des prochains scrutins. Selon des sources concordantes, il s’agirait de la neutralité de l’administration, le vote de l’armée et l’utilisation de l’argent public.

Notons cependant ici que Tawassoul, le principal parti de l’opposition, tempère, pour ne pas dire marque de sa différence, le consensus annoncé par les autres partis et le ministère de l’Intérieur. Les islamistes préfèrent rester très prudents, tandis que l’APP continue à réclamer un dialogue politique afin régler les autres problèmes énoncés sur la feuille de route concoctée par les partis lors des préparatifs des concertations suspendus il y a quelques mois.

Exceptées les locales et la présidentielle de 2007, les élections en Mauritanie ont toujours accouché de contestations. L’Opposition et la Société civile ont de tout temps dénoncé des irrégularités mettant en cause l’implication de l’Administration.

Ce n’est de fait un secret pour personne que le gouvernement envoie ses ministres et hauts responsables pour influer sur le déroulement des scrutins. Des tentes sont dressées devant les bureaux de vote pour contrôler les militants et sympathisants des partis, particulièrement celui au pouvoir. Lors des locales de 2018, on a vu des ministres élire domicile en certaines capitales départementales pour contrôler le vote en amont et le jour du vote.

L’argent circule et les fonctionnaires sont sommés de faire voter les leurs en faveur du parti au pouvoir. Les corps habillés ne sont pas en reste avec les bataillons qu’ils envoient pour, disent-ils, «sécuriser » le vote. Des méthodes qui ne plaident pas pour un scrutin libre et transparent.

Des méthodes vraiment bannies ?

Le ministre de l’Intérieur et, donc, le gouvernement sont-ils vraiment disposés à se départir de ces pratiques déloyales et à laisser les citoyens voter en toute liberté ? La Direction générale des élections logée au ministère de l’Intérieur et les autorités administratives et de sécurité joueront-ils franc jeu ?

Voilà les questions existentielles que se pose l’opinion, quelques mois avant les prochaines élections dont certains prédisent l’anticipation en Février prochain. Il est bien beau de s’entendre sur la proportionnelle, le vote de la diaspora, le financement par l’État d’une partie des budgets de campagne des partis engagés dans la course mais rien ne changera, à l’arrivée, si les hauts fonctionnaires et cadres de l’Etat sont pistés par le gouvernement et ses services de renseignements, si des billets sont distribués la nuit à des citoyens qui dorment le ventre creux, si les corps habillés sont obligés de voter pour le parti au pouvoir, si la CENI est fantoche, etc.

Le dernier dialogue de 2012 avait apporté des améliorations pour la transparence des élections mais le pouvoir a toujours refusé de les appliquer, surtout en ce qui concerne l’incompatibilité des charges. On se rappelle que les partis APP de Messaoud Boulkheïr et l’ex WIAM de Boydiel Houmeïd qui s’étaient battus à l’époque pour une recommandation à ce sujet dénoncèrent sa non-application lors de la présidentielle de 2014.

Va-t-on enfin traduire cette intention dans les faits ? Rien n’est moins sûr. Le poids des tribus et des clans, le « zèle » de certains hauts fonctionnaires demeurent surpuissants. On l’a vu tout récemment avec le dernier rajustement gouvernemental, à travers le dosage toujours en vigueur dans notre administration.

Autre signe indien à vaincre : le déplacement des électeurs. Les acteurs politiques ont pris l’habitude, depuis le temps du PRDS, de déporter les populations vers leur circonscription à la veille d’un scrutin, ce qui contribue à influencer le vote. Des cortèges sont alors organisés par les différents clans pour peser sur le résultat.

Certains villages et villes voient doubler leur population, voire tripler, en quelques jours, parfois avec des gens sans aucune attache au terroir. Ils sont transportés pour les inscriptions et pour le vote. Il paraît très difficile de voir les partis politiques, en particulier celui du pouvoir, accepter de changer cette règle ancrée dans nos mœurs électorales.

Il est vrai, diront certains par ailleurs, que chaque mauritanien est libre d’aller s’inscrire et voter là où il le veut dans son pays mais un scrutin crédible et transparent s’accommode très mal avec ce genre de pratiques.

Enfin, pour en revenir à la recomposition de la CENI, organe-pilier de l’organisation des élections, les Mauritaniens se demandent si, après l’accord de principe, les différents partis, le ministère de l’Intérieur et la présidence de la République parviendront à un consensus sur le choix de son bureau directeur et de ses démembrements.

On s’est toujours bagarré autour des hommes et de leur qualité. Le choix de son président a surtout posé problème. Sur sa courte histoire, seul celui de Cheikh Sid’Ahmed Babamine fit consensus lors des locales et présidentielle de 2006-2007. La Mauritanie parachevait ainsi la transition militaire 2005-2007. L’homme avait quitté la CENI avec mention honorable.

Aujourd’hui, les supputations vont déjà bon train. On se demande sur quelle personnalité portera le choix des acteurs. Trouveront-ils un homme respecté de tous ou un homme de paille pour « valider » le scrutin ? Les partis de l’opposition réussiront-ils à faire bloc pour éviter d’en arriver à cette triste seconde hypothèse ? Le triomphe de la première sera le premier signal fort du gouvernement pour un processus électoral inclusif, transparent et incontestable.

Dalay Lam