Les travaux vont actuellement bon train pour l’élaboration du Projet de Loi de Finances de l’année 2023 (PLFA). Le contexte est particulier puisque la Mauritanie opte désormais pour le budget-programme, alors que durant plusieurs décennies, c’était le budget de moyens qui était adopté. On entre ainsi de plein fouet dans une logique de gestion axée sur les résultats.
Ce changement de paradigme est amorcé depuis quatre ans, c’est-à-dire depuis l’adoption de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances (LOLF) en septembre2018. Ce nouveau cadre de référence a pour ambition d’instaurer une discipline budgétaire laquelle faisait largement défaut auparavant.
Il s’agira également d’évaluer la performance de toute action publique à travers ce nouvel outil, ce qui, aux yeux de bon nombre de spécialistes dans le domaine, ne sera pas une tâche aisée du fait notamment de la nécessaire période d’apprentissage qui s’attache à un exercice aussi ardu tant du point de vue conceptuel que du contenu.
Plusieurs notions viennent à l’esprit lorsqu’on évoque la programmation par objectifs : sincérité budgétaire (comptes reflétant une image fidèle de la situation), performance, responsabilité, fongibilité, etc.
Ainsi, à l’instar d’autres pays de la sous-région, la Mauritanie entame à son tour une réforme majeure de tout le système budgétaire qui, si elle est menée à terme, bouleversera les pratiques en matière d’allocation des ressources, particulièrement pour ce qui est de la visibilité et de l’efficacité.
Il est fait ici référence à une programmation pluriannuelle (généralement de trois ans), brossant une vision globale à moyen terme et constituant un support pour un débat sur les orientations budgétaires.
Effets ravageurs du Covid
Mais au-delà des aspects purement techniques qu’il serait inopportun de développer ici, rappelons que la conjoncture particulière que vit le pays est marquée par les effets de la grave pandémie de la Covid 19, qui a eu des retombées néfastes sur la dynamique économique et sociale partout dans le monde et particulièrement en Afrique.
Outre le désordre que cette crise sanitaire a engendré dans la mécanique budgétaire, on assiste à la précarisation de larges couches de la population, ce qui a nécessité le lancement en urgence de programmes à connotation économique et sociale pour atténuer les effets ravageurs de la pandémie.
Soulignons ici, que dès le début de 2020, soit seulement un semestre après l’avènement de l’actuel régime, plusieurs programmes ont été mis en place sous le sceau de l’urgence, avec des objectifs différents mais complémentaires.
Il y eut d’abord la volonté d’accélérer la réalisation des engagements du Président tenus lors de la campagne électorale ; ensuite, il fallait atténuer les effets de la pandémie et enfin, l’économie ayant subi un sérieux choc suite aux effets de la Covid 19, il était nécessaire de prendre des mesures pour la relancer. Les objectifs et le contenu de tous ces programmes ont été expliqués en leur temps par les autorités et largement relayés par les médias.
Nous nous contenterons ici d’en rappeler quelques aspects, de toute évidence étroitement liés à la problématique traitée et le contexte économique et social qui est le nôtre.
En janvier 2020, a été donc mis en place le programme prioritaire N°1.D’un coût global de 4,1 milliards de MRU, il est composé de 25 mesures et actions ayant pour ambition de couvrir des domaines essentiels pour le quotidien des populations et le développement économique et social du pays.
Quelques mois plus tard, alors que les effets de la pandémie commençaient à se faire sentir, un Plan National Multisectoriel de Riposte à la COVID 19 a été mis en place, avec notamment la création d’un fonds spécial de solidarité sociale, doté de 4,3 milliards de MRU grâce aux contributions de l’Etat, des acteurs nationaux et des partenaires.
Enfin, toujours en 2020, un programme dénommé Programme prioritaire élargi du Président (ProPEP) qui se veut une consolidation des deux programmes précédents, est lancé dans un contexte particulièrement difficile, marqué par le ralentissement économique, avec une conjoncture mondiale atone.
Ce Programme, avec un coût de 24 milliards de MRU, s’étale sur deux ans et demi et s’inscrit de facto dans le second plan d’action de la Stratégie de Croissance Accélérée et de Prospérité Partagée (SCAPP) où sont définis les objectifs de développement du pays à l’horizon 2030.
C’est dire que l’élaboration de la LDF 2023 s’inscrit dans un contexte spécial marqué par la détérioration des conditions de vie de la population du fait des effets de la pandémie, conjugués au renchérissement des prix liés à une conjoncture mondiale incertaine, avec en particulier la guerre en Ukraine et ses retombées néfastes sur l’approvisionnement en denrées de première nécessité.
Face aux difficultés quotidiennes auxquelles font face de larges franges de la population, il va falloir parer au plus pressé et se montrer inventif pour atténuer les souffrances des plus démunis.
Pour ces derniers, le tintement des milliards annoncés restera inaudible tant qu’ils ne pourront pas assurer leur survie quotidienne. Entre défis et espoirs, la longue expérience et la compétence avérées du tandem actuellement au gouvernail des secteurs économique et financier, ne seront pas de trop pour trouver la bonne parade face à tous ces écueils.
Ishaq Ould Ahmed
Consultant et expert financier agréé auprès des tribunaux de Mauritanie
Le Calame