« C’est l’AVOMM qui a fait une proposition à son nom sans passer par le comité de pilotage du CCRM d’une part et d’autre part c’est une partie du collectif des Veuves qui a malheureusement fait plus confiance à d’autres personnes n’appartenant pas au CCRM ».
La création du Cadre de Concertation des Rescapés Mauritaniens coïncide avec les présidentielles de 2019. Pour son président Dia Cheikh, l’élection de Ould Ghazouani est un espoir pour régler définitivement le passif humanitaire.
Les négociations qui ont débuté le 13 août dernier entre le ministre de l’Economie et le secrétaire général du gouvernement et le cadre de concertation des Réfugiés Mauritaniens- Mauritanie-Europe-Etats-Unis et CCVE font apparaître des divergences au niveau de la feuille de route.
Le président du CCRM donne sa version des faits à Kassataya et pointe les difficultés du règlement du passif humanitaire.
« Nous avons rejeté l’idée de la justice transactionnelle proposée par Kane Ousmane selon laquelle des victimes s’expriment dans une salle, parlent de leurs souffrances durant les années de braise de 1986 à 1993 et que les représentants du pouvoir présents demandent pardon ».
Kassataya : pouvez-vous nous présenter votre association ?
Dia Cheikh : le CCRM (Cadre de Concertation des Rescapés Mauritaniens) est créé le 19 Mai 2019 par huit organisations : AVOMM, ARME, CAMME, VOIX DES MARTYRS, COMITE INAL, ODH, OCVIDH, MAURITANIE MIN JEJJITA aux États-Unis.
La motivation principale repose sur l’unité des forces intérieures et extérieures de la Mauritanie pour faire face au pouvoir mauritanien afin de régler définitivement le passif humanitaire. C’est ainsi qu’une coordination a été créée pour fédérer toutes les associations d’où le CCRM-Mauritanie-Europe-États-Unis et CCVE.
Avec la bonne volonté d’Allah, ces deux cadres parlent d’une même voix face à la question nationale.
« Nous avons rejeté l’idée de la justice transactionnelle proposée par Kane Ousmane selon laquelle des victimes s’expriment dans une salle, parlent de leurs souffrances durant les années de braise de 1986 à 1993 et que les représentants du pouvoir présents demandent pardon ».
Kassataya : dans quel contexte les négociations entre l’Etat mauritanien et la coalition des organisations des victimes du passif humanitaire se sont déroulées à Nouakchott ?
Dia Cheikh : je rappelle d’abord que la création du CCRM remonte aux dernières présidentielles de 2019. Pendant la campagne électorale nous avons envoyé à tous les candidats un document sur notre position par rapport au règlement de ce passif.
A l’occasion de la première visite du président Ghazouani en France, le président du CCRM à l’époque Djibril Yongane a fait partie des personnes reçues par le président de la République et qui lui a remis le même document reçu durant la campagne électorale.
Quelques mois après les journées de dialogue ou de concertation se sont déroulées à Nouakchott. L’occasion pour notre coordination d’accepter de prendre part pour représenter toutes les victimes. Malheureusement le dialogue est suspendu unilatéralement par la commission préparatoire dirigée par le secrétaire général du gouvernement. La politique a horreur du vide. Ce qui nous a poussé à envisager une rencontre avec le président Ould Ghazouani.
C’est ainsi que des démarches ont été entamées avec le ministre de l’Economie Kane Ousmane désigné par le président comme notre interlocuteur ou médiateur.
Nous avons été reçu finalement par le président Ould Ghazouani auquel nous avons présenté une feuille de route sur laquelle toutes les organisations étaient d’accord.
Cette feuille de route comporte les quatre piliers de tout règlement de ce dossier à savoir Devoir de justice, devoir de vérité devoir de mémoire et devoir de réparation. Le président a approuvé cette feuille de route qu’il fallait par la suite développer surtout concernant la forme de justice citée sur la feuille la justice transactionnelle.
Nous avons été reçus le 13 août dernier par le ministre Kane Ousmane qui avant même cette rencontre à pour idée concernant la justice transitionnelle que des victimes s’expriment dans une salle parlent de leur malheur subis durant les années de braises et que les représentants du pouvoir présents dans la salle demandent pardon. Cette idée a été rejetée par toutes les coordinations.
Pour donner suite à ce rejet le CCRM était en train de réfléchir sur la conduite à tenir jusqu’à ce que l’AVOMM fasse une proposition à son nom au comité de pilotage qui a été reçu par le ministre sans avoir suivi la voie normale qui consistait à faire passer cette proposition par le CCRM.
Cette proposition a permis de suivre le chemin emprunté consistant à établir un document acceptable pour tous. Toutes leurs propositions ont été reprises par le comité de pilotage même si la chronologie est différente.
Pour cette raison le CCRM n’a pas compris les raisons du désaveu de l’AVOMM du document final obtenu sur la base de leur proposition. Ce document final a été approuvé par les différents bureaux exécutifs des trois coordinations.
Rappelons que chaque organisation est représentée au B.E et que donc rien ne se décide au bureau exécutif sans que l’organisation n’en soit informée.
Toute organisation appartenant à une coordination doit respecter la démocratie et être consciente que toutes les décisions doivent se faire à la majorité que donc il peut arriver que l’on soit contredit mais que l’on respecte la majorité.
Kassataya : quelles premières conclusions tirez-vous de ces négociations avec le pouvoir ?
Dia Cheikh : la première conclusion c’est que les victimes ont fait de leur mieux pour tenter de faire bouger les lignes mais ce qu’il faut retenir c’est que le règlement définitif du passif humanitaire est une question de volonté politique. Sans elle il ne peut y avoir la réconciliation nationale. En attendant la réponse du gouvernement pour le moment nous ne pouvons pas savoir d’avance la position du pouvoir. Et cela ne signifie pas que je suis optimiste.
Kassataya : le collectif des veuves à Nouakchott vous reproche d’accorder votre violon avec les représentants du gouvernement ? Que répondez-vous à cette accusation ?
Dia Cheikh : C’est seulement une partie du Collectif des Veuves qui a malheureusement fait plus confiance à d’autres personnes n’appartenant pas au CCRM et ne souhaitant pas la réussite de cette démarche car ne faisant pas partie de la coalition. Le collectif a suspendu ses activités au CCRM avant même que les travaux du document ne prennent fin alors que dans notre feuille sur la justice transitionnelle nous exigeons la justice pénale c’est-à-dire la justice ou rien.
Néanmoins nous espérons que les bonnes volontés feront tout pour que l’on puisse tous continuer à naviguer ensemble. Prétendre que nous suivons les représentants de l’Etat dans les négociations est une accusation non fondée.
Kassataya : enfin peut-on dire que la question du règlement du passif humanitaire est en train d’avancer ?
Dia Cheikh : nous jugerons la volonté politique du pouvoir de régler ce problème quand nous aurons leur réponse à notre nouvelle feuille de route. Cependant nous sommes certains que le règlement de ce dossier est dans l’intérêt de tous les Mauritaniens.
Propos recueillis par Yaya Chérif Kane
Kassataya