Il s’agissait en fait d’une parenthèse démocratique sans précédent et sans suite.
La presse officielle : Radio Mauritanie et Télévision de Mauritanie (TVM) concurrençaient la presse privée en matière de liberté de presse. Les journaux officiels ouvrent désormais sur des informations souvent critiques du pouvoir et/ou ne lui plaisent pas.
Tous éprouvent l’impression de vivre une nouvelle ère. Le PRDS (Parti Républicain Démocratique et Social), l’ancien parti du président déchu Maouiya, déboussolé, se perd et se transforme en PRDR(R pour le renouveau je crois).
Un certain Habib Ould Hemmet
Le pays vivait une fiévreuse pré-campagne électorale.
Le nouveau pouvoir affiche une neutralité sans précédent. Cette option fut incarnée par un cadre de grande valeur du nom de Habib Ould Hemmet, inconnu des ténors de l’establishment et du grand public. Un polyglotte, une révélation selon la presse, qui va beaucoup marquer l’ensemble de cette transition hors du commun. Ministre secrétaire général de la présidence, administrateur civil, formé à l’ENA de Nouakchott puis celle de Paris, il avait coordonné les travaux des comités interministériels chargés de la transition démocratique.
Le pays va vivre un bouillonnement politique exceptionnel, marqué par un duel interne au sein du comité militaire opposant Aziz-Ely: des ambitions qui se faisaient jour au fur et à mesure visant à influencer les événements chacun en sa faveur.
Ely se fera remarquer par l’affaire des « bulletins blancs ». On y reviendra.
Aziz se faisait remarquer par de nombreux gestes populaires parfois très osés et souvent en dehors de toute légalité: les populations répercutent directement sur lui leurs doléances: une fois il arrache un groupe électrogène pour une localité qui en manquait. Il aurait été question aussi d’une descente au Trésor pour s’approvisionner en liquidités en vue de solutionner des doléances populaires.
De nombreuses mesures furent prises visant à l’amélioration du système électoral et souvent en étroite concertation avec l’ensemble des partis notamment ceux de l’opposition comme le choix de tous les membres de la Commission Nationale Électorale Indépendante. Et d’autres visant l’amélioration des conditions et le mode du scrutin.
Devant la neutralité affichée du pouvoir, la classe politique pivotant habituellement autour du centre de force supposée du système affiche un certain désarroi. Le PRDS s’accroche, s’affiche une nouvelle mutation et ambitionne de récupérer le pouvoir perdu.
Ould Daddah, Messaoud et d’autres se cherchent fiévreusement dans la nouvelle situation aux contours glissants, caractérisée par un nouveau nom d’une tribu commerçante qui remplace une autre. La tradition risque de se perpétuer.
Le troisième larron
Le nom d’un civil, un certain Mohcen (Ould El Hadj, futur président du Sénat), émergea entre les deux chefs militaires. On ne sait pas grand-chose sur son rôle dans l’initiative du dernier putsch. Il appartient à la même collectivité tribale que les deux têtes militaires citées sans être pour autant cousin très familial. Plus politique, il joue un rôle central dans tous les événements qui suivront.
Un ami m’a raconté qu’une fois au lendemain des événements du 16 mars 1981, ce même Mohcen l’avait approché pour lui proposer une participation à un putsch dans lequel il s’apprêtait à s’impliquer et bénéficiant d’un soutien extérieur important. L’ami en question, cousin proche de certains soutiens de poids à l’action avortée du 16 mars 1981, avait récusé la proposition craignant surtout une manipulation des services de renseignement.
L’écho du bon démarrage de la transition politique en Mauritanie se répercuta partout à l’extérieur. La presse étrangère ne cesse d’en parler et de le citer en exemple.
La myopie, même partielle, de notre classe politique se fait toujours constater. Presque toutes les initiatives politiques proviennent en général du régime en place. Au niveau des partis d’opposition, on se cantonne souvent à enregistrer les événements et à réagir et souvent encore avec retard par un oui ou un non. En fait on limite la compréhension du mot opposition à son sens strict: réagir et de préférence par non aux initiatives des gouvernants.
Une idée ne cessait de mûrir en moi.
Depuis bien avant l’exécution du putsch, la ville de Nouakchott est envahie par les poubelles et les déchets de toutes sortes. La situation allait de pire en pire.
Une idée ne cessait de se développer chez moi.
Préparer notre fille Nouakchott à la prochaine fête.
Devant l’intérêt international grandissant pour la transition en cours en Mauritanie, considérant l’affluence attendue et certaine de journalistes et de visiteurs étrangers, il fallait urgemment nettoyer le visage de la ville de Nouakchott et faire disparaître toutes formes de poubelles de son intérieur et environs immédiats.
Comment un citoyen lambda comme moi pourrait faire parvenir cette idée aux oreilles des nouveaux maîtres du pays?
Ahmed Ould Khattry, un parent, responsable des Capecs (caisses de crédits et d’épargnes à Nouadhibou) pourrait me servir d’intermédiaire. Il était ami proche des chefs militaires régionaux. Je lui ai téléphoné pour lui faire état de la proposition. Il trouve l’idée sublime. Il me demande de la communiquer à un certain Mohcen qu’il présentait comme l’éminence grise de la nouvelle junte au pouvoir. Il me rappelle qu’on a mangé une fois ensemble dans un restaurant à Nouakchott. Je ne me souviens pas de lui ni de son visage. Il décide de nous mettre en contact. Mohcen me contacta aussitôt par téléphone. Il habite non loin de l’Agence Mauritanienne d’Information(AMI). Là je participe le soir à la correction du quotidien Horizons. On se voit immédiatement. Il affirme qu’il me connait depuis longtemps. On fait un tour dans sa voiture. Je lui fais état de ma proposition. Il l’a trouvé lui aussi géniale. Il se présente à moi comme une modeste personne sans culture poussée pour retenir tous les détails de la proposition. Il me demande de la lui écrire. Un rendez-vous fut pris pour la nuit suivante afin de lui présenter ma proposition écrite. Ce qui fut fait comme prévu. La tradition impose de faire la primeur des informations officielles à l’AMI, notamment le communiqué du conseil des ministres. Le mercredi suivant, le communiqué du conseil des ministres fut conclu par une recommandation de son président, président du comité militaire, feu Ely Ould Mohamed Vall. La recommandation se portait sur le lancement immédiat d’une campagne de nettoyage de la ville de Nouakchott. Elle reprend textuellement mon texte transmis à l’honorable Mohcen. Je garde avec moi mon texte original et le numéro du quotidien Horizons où figure dans le communiqué du conseil des ministres.
Peu de temps après, la tâche de nettoyage sera confiée à une société étrangère: Pizzorno.
(A suivre)