Abdou Diouf avait succédé à Léopold Sédar Senghor et occupé cette fonction de 1981 à 2000. Tout au long de ses 20 années de pouvoir, Il avait cherché à placer ses mandats sous le signe de l’approfondissement de la démocratie, de la libéralisation de l’économie et de la décentralisation de l’administration. Il avait réussi quelques succès pour certains timides.
Mais il avait aussi laissé de mauvais souvenirs. La presse sénégalaise qui s’était acharnée sur sa gestion du pouvoir avait affirmé que son bilan montre clairement qu’il avait été incapable de transformer ses rêves en réalité.
Le technocrate Abdou Diouf voulait par exemple créer un Technopôle unique dans son genre pour démontrer sa volonté de vouloir propulser le Sénégal en direction d’une émergence scientifique. Projet espèce d’incubateur des réalisations grandioses à l’image de la Silicone Valley qui avait fini comme décharge.
Malheureusement pour lui l’avenir avait refusé de l’accompagner dans ses ambitions et ses rêves s’étaient transformés en cauchemar. De 1983 à 2000 Abdou Diouf a été incapable d’adapter le Sénégal à sa propre vision économique ou à celle d’Abdoulaye Wade qui cherchait le pouvoir pour faire du Sénégal un pays émergeant.
Abdou Diouf, un intellectuel haut de gamme, nul en géopolitique.
En 1989, au moment des évènements, Abdou Diouf venait d’avoir 54 ans. A cette époque, son régime croulait sous le poids de multiples problèmes politiques et socio-économiques. Il faisait face à deux difficultés majeures.
La première, cette flambée de violence des partisans d’Abdoulaye Wade, un rotor politique qui commençait à prendre de la rouille, mais était à cette époque incontestablement le guide suprême du Mouvement SOPI, slogan des jeunes, des chômeurs et des intellectuels qui appelait au changement.
Originaire de Louga, fils d’un fonctionnaire de la poste, Abdou Diouf est né dans un milieu familial modeste. Tôt il est envoyé à Saint-Louis, 70 kilomètres de là, pour suivre des études.
En 1955, diplôme de baccalauréat de philosophie sous l’aisselle, il s’inscrit en licence de droit à l’Institut des hautes études de Dakar, l’actuelle université Cheikh-Anta-Diop à la quelle c’est lui qui avait donné ce nom. Il a fait de brillantes études et son parcours académique est sans faute. Lauréat de la faculté de droit en 1957, il obtient sa licence en 1958.
Abdou Diouf est né à Louga, la ville natale du multimilliardaire Djily M’Baye où cohabitent Wolofs, Peuls, Toucouleurs (poulars) mais aussi des Maures certains « résidus » du passé historique de cette ville, auxquels se sont ajoutés des maures « contemporains » issus de la migration économique. Louga est une ville à la fois historique et contemporaine qui a été de tous temps ballotée par des événements historiques et culturels nombreux qui ont marqué son histoire.
En avril 1989, Abdoul Diouf était très bas dans les sondages. Acculé par une très forte opposition guidée par Me Abdoulaye Wade qui jouait au Général de la Rue, Il étouffait à cause de la fumée des gaz lacrymogènes des manifestations intempestives et continues des étudiants de l’université Cheikh Anta Diop, université véritable lance flamme de la rue.
Ceci d’une part. D’autre part, la situation de la Casamance donnait du souci à son régime mais aussi du fer à tordre à ses forces armées qui n’étaient pas engagées dans une guerre classique mais une guérilla qui avait des capacités opérationnelles de repli (Gambie) qui lui donnaient un certain avantage sur le terrain.
Abdou Diouf un président indomptable qui rêvait de malmener Nouakchott.
Il est évident que les événements de Diawara étaient graves. Mais quel que soit cette gravité, ils pouvaient être réglés à l’amiable, socialement ou religieusement même au niveau local, c’est-à-dire entre les éleveurs et les agriculteurs des deux villages qui sont à l’origine du conflit.
Abdou Diouf le savait bien. Mais, ce que personne ne s’explique vraiment, c’est pourquoi le président sénégalais avait tenu à gérer lui-même la crise en personne, à sa manière et pour des raisons dont personne ne connaissait ou avait compris les dessous de cartes.
La preuve. Hosni Moubarak à l’époque président de l’Organisation de l’Unité Africaine, avait tout essayé pour recoller les morceaux cassés de cette fracture dans les relations historiques et religieuses pourtant très profondes qui liaient le Sénégal et la Mauritanie. Ses efforts ont été voués à l’échec par opposition d’Abdou Diouf.
Le président sénégalais, entêté avait opté plutôt pour l’escalade. Il avait opté pour cette escalade parce qu’il croyait avoir eu une occasion de régler certains comptes avec Maaouiya un président « Beydane » qui maltraitait les halpoulars de l’autre rive.
L’occasion et les circonstances de ses événements pouvait lui permettre à la fois « d’exproprier » Abdoulaye Wade de ses casseurs de rue pour les utiliser à des fins « cyniques » d’une part et d’autre part il pouvait saisir l’occasion pour donner une gifle à Maaouiya le président mauritanien, duquel il n’était pas content du tout et pour multiples raisons.
Abdou Diouf un sénégalais« maurophobe » ?
Avant les événements de Diawara, le gouvernement sénégalais sur lequel l’étau de la pression politique de l’opposition se resserrait, considérait même envisageable l’éventualité d’une intervention de l’armée à Dakar pour réprimer les manifestations politiques qui soutenaient Me Wade.
Ces manifestations commençaient sérieusement à serrer les plaquettes des freins des activités du régime qui faisait face à une contestation qui prenait de plus en plus d’ampleur. L’idée était venue à l’esprit d’Abdou Diouf, en plaçant le conteste dans la crise de Diawara, de pointer ses armes en direction de Nouakchott pour intimider les mauritaniens voire même les attaquer.
Abdou Diouf, un sénégalais qui ne connaissait pas bien la Mauritanie, n’avait jamais vraiment aimé les maures, et, à l’époque où il était à la tête de son pays il n’aimait pas non plus la Mauritanie, pays qu’il considérait un régime arabo-berbère raciste et oppressif à l’égard des négro-mauritaniens. Il ne voyait donc pas d’un mauvais œil de « donner » une leçon militaire au régime de Nouakchott.
Francophone et francophile, élevé en allaitant le « lait » de la négritude sous son label « Senghorien », Abdou Diouf, avait une image très négative des maures. Pour lui, les maures ne sont que des arabes « mutants » sous variantes « baasistes » et « nasséristes ». Philosophe, Abdou Diouf n’a jamais aimé la couleur blanche.
Ou plutôt il n’a aimé cette couleur qu’une fois de sa vie. Lors de sa rencontre avec sa jolie femme Elisabeth. Ceci est peut être d’autant plus vrai qu’Abdou Diouf avait refusé catégoriquement de donner la main de sa fille Yacine en mariage à Kadhafi sous prétexte qu’elle n’avait pas l’âge requis pour le mariage.
Il est possible aussi que l’ancien président soit allergique aux maures, parce qu’il il garde un mauvais souvenir de cette race à cause de ce que rapporte l’histoire sur ces arabo-berbères. Au dernier quart du 17ème siècle, les maures avaient organisé un mouvement « Nasr Dine » qui, grâce aux troupes de « Tachoumchas » avait abouti à la conquête du Fouta Toro, du Cayor et du Walo.
Jusqu’en 1776, les maures se ravitaillaient en mil au Walo et au Fouta. Les historiens notent que ces maures, par ailleurs, faisaient payer à chaque famille du Fouta par an le « moud de Horma », (environ 4 kilos) une sorte de patente instaurée et imposée qui peut signifier que le Walo et le Fouta étaient sous domination « coloniale » des maures ou en tout cas sous leur protectorat.
A partir de 1720, Les habitants de la région du Walo et du Fouta avaient commencés à vivre la hantise de l‘esclavage. Entre 1721 et 1722, la victoire d’Ely Chandhoura sur le Brakna lui avait procuré 4.000 captifs qui avaient été réduits à l’esclavage.
En 1778, le commerce avec les Sarakolés (Soninkés) et les malinkés (bambaras) pouvait fournir jusqu’à 3.000 esclaves, dont 700 à 800 étaient envoyés au Bac d’Arguin, ici chez nous, pour être vendus aux Portugais. A cet époque, en 1720, les maures pouvaient échanger un cheval contre 10 à 18 esclaves.
Si tous ces souvenirs se sont bousculés dans la tête d’Abdou Diouf, cet intellectuel timide c’est possible. A moins que ses souvenirs n’aient été ravivés par « Walo » ce succès du célèbre chanteur sénégalais Pape Seck qui, dans une épopée de musique noire, était revenu sur les atrocités des attaques maures sur des villages du Walo. C’est probable aussi.
En tous cas ce qui est sure, c’est que à un moment le président sénégalais Abdou Diouf avait pensé envoyer ces « Djiombars » se frotter aux « méharistes » maures en représailles de l’incident de Diawara.
Et si le Sénégal et la Mauritanie étaient entrés en guerre ?
Faire la guerre à la Mauritanie, cette éventualité était une option posée sur table. Mais heureusement pour Abdou Diouf. Il en avait été dissuadé par certains de ses officiers supérieurs (et pas des moindres), qui, contrairement à ce que le président Abdou Diouf s’imaginait, savaient eux parfaitement bien que l’armée mauritanienne était une armée puissante, sur équipée (grâce à des vols de nuit d’avions militaires de pays arabes amis).
Les conseillers militaires du président Diouf et surtout, -un élément essentiel-, les généraux de l’armée sénégalaises savaient aussi que l’armée mauritanienne comptait dans ses rangs d’excellents officiers qui avaient d’ailleurs laissé des empreintes indélébiles dans les annales de l’histoire de l’Ecole de l’Application de l’Infanterie de Thiès, qui était, au moment de sa création en 1981 connue sous l’appellation ENOA, l’Ecole Nationale des Officiers d’Actives.
Certains officiers supérieurs de l’armée sénégalaise, encadreurs dans cette grande école militaire, avaient affirmés par le passé par exemple que, le général de brigade Hanana Ould Sidi, mauritanien, (descendant de la tribu guerrière des Oulads Daouds), a été l’un des plus brillants officiers africains qui ont franchis le seuil de cette prestigieuse école de Thiès, une référence académique militaire en Afrique.
Mais aussi par ailleurs, même avant la création de l’Ecole de l’Application de l’Infanterie de Thiès, des officiers mauritaniens dont certains négro-mauritaniens avaient inscrits leurs noms en gras et en majuscule au Prytanée Militaire de Saint-Louis, un établissement de référence, créé en 1923 pour répondre aux besoins de la formation intellectuelle et technique des cadres des pays de l’Afrique Occidentale Française.
Une guerre entre les deux pays aurait pu déboucher sur une hécatombe.
En plus de cela, une guerre qui se déclencherait entre le Sénégal et la Mauritanie ne ferait en réalité que des dégâts collatéraux dont le prix fort sera payé par les populations civiles et surtout négro-africaines des deux rives.
Certaines villes du Sénégal, comme Rosso Sénégal, Richard Toll, Mboyo, Demeth, Waladé, Kaskass, Saldé, Dagana, Podor, Matam et Saint-Louis du côté du Sénégal sont à la portée de tirs d’une artillerie lourde, donc très exposées. Comme d’ailleurs Rosso Mauritanie, Boghé, Kaédi, MBagne, Maghama, d’autres villes et d’autres villages mauritaniens situés sur notre rive.
Si la guerre avait éclaté entre les deux pays en 1989, cette guerre aurait fait effet contraire à l’effet escompté par les sénégalais, puisque ce sont les populations négro-mauritaniennes qui allaient en payer le prix le plus fort, par les conséquences du conflit mais aussi par des représailles incontrôlables qui pourraient venir de l’intérieur de leur propre pays.
Ceci d’une part. D’autre part, des stratèges militaires sont unanimes à admettre qu’en cas de guerre entre le Sénégal et la Mauritanie, l’armée mauritanienne pourrait en moins de 24 heures rayer de la carte définitivement certaines villes sénégalaises situées le long du fleuve dans la bretelle N’Diago-Gouraye.
Comme par exemple Rosso Sénégal, Richard Toll, Mboyo, Demeth, Waladé, Kaskass, Saldé, Podor, Matam et même peut être même Saint-Louis. L’armée sénégalaise peut aussi faire de même et rayer de la carte toutes les villes mauritaniennes situées sur cette même ligne de front, mais ce seront les negro-mauritaniens qui seront enterrés sous les bombes des sénégalais et pas les arabo-berbères.
Donc le Sénégal n’avait aucun intérêt à chercher à chatouiller militairement la Mauritanie, parce que la conséquence serait évidemment que les négro-mauritaniens de la région du fleuve, iront chercher refuge au Sénégal ce qui les placeraient sur la ligne de mire des tirs de l’armée mauritanienne en cas de conflit.
L’occasion rêvée pour Abdou Diouf est tombée du ciel le 9 avril 1989. Abdou Diouf était exaspéré par une suite de problèmes que lui posait Nouakchott. D’abord par le problème de frontière qui était soumis à un tribunal arbitral de Genève en Suisse, remporté par le Sénégal finalement. Ensuite par l’aspect géopolitique de l’économie mauritanienne qui avait pris une nouvelle configuration.
En effet, Nouakchott qui dépendait depuis l’indépendance des installations portuaires de Dakar, s’était donné 1986 une vie économique maritime indépendante du Sénégal grâce à son port en eau profonde, le port de l’Amitié. Du coup Nouakchott avait également empiété sur le monopole dont jouissait Dakar pour approvisionner le Mali.
Puis il y’avait aussi ce problème de l’éducation et en particulier de Langue. La formule choisie par Nouakchott de faire en Mauritanie de l’arabe la langue nationale et du français la langue officielle était au vu de Dakar une complication de trop pour les négros africains de Mauritanie qui seraient complétement handicapés dans leurs performances, et dans leurs chances d’émerger. Ce qui peut être interprété comme une politique de bon débarras.
La politique linguistique de Nouakchott, qui se fermentait depuis 1966, (date des premiers affrontements sanglants entre arabo-berbères et négro-mauritaniens) avait directement alimenté des tensions internes qui ont surgies à la suite des événements d’avril 89.
La presse sénégalaise y était pour beaucoup, parce qu’à l’époque, elle s’était lancée dans des critiques très virulentes à l’égard de Nouakchott et elle avait considéré que cette décision sur les langues illustrait une intention manifeste des autorités mauritanienne d’exclure les négro-mauritaniens des postes importants, des promotions administratives et des opportunités de travail ce qui du reste n’était pas faux puisque plus tard il s’est avéré que c’était bien l’objectif visé par la politique de Nouakchott.
Nouakchott fait couler le sang de martyrs en 1987, Dakar pleure.
Un autre élément important est à ajouter aux raisons qui ont poussé Dakar à en vouloir à Nouakchott, ce sont les conséquences de la tentative de coup d’État fomentée par des officiers négro-mauritaniens. Cette tentative avait eu pour conséquence l’exécution de trois chefs des putschistes, l’arrestation et l’écartement de beaucoup de brillants officiers négro-africains dont certains n’étaient ni de près ni de loin impliqués dans cette tentative avortée.
Ce coup d’état qui portait la signature de six officiers négro-mauritaniens, Diacko Abdoul Kérim, Sarr Amadou, Ba Abdel Khoudouss, Boye Alassane Harouna, Ba Saidy et Sy Saidou avait mis le président Ould Taya dans une de ces fureurs qui, par extrapolation, allait plus tard envoyer en enfer des milliers de négros mauritaniens halpoulars durant de longues années de braises.
Un verdict de la cour spéciale de justice en date du 3 décembre 1987, (présidée par un « chasseur de prime » à la solde du régime), avait déclarés coupables 13 officiers dont deux capitaines et 21 sous-officiers.
Trois lieutenants à l’origine de la préparation du complot avaient été condamnés à mort sans droit de recours et avaient été exécutés trois jours plus tard, c’est à dire le 6 décembre 1987 dans la hâte et dans les « secrets gardés » de la grande muette. Dakar considérait ce verdict très lourd par rapport à la faute commise qui n’était qu’à un stade d’intention.
Si cette tentative de coup d’état avortée, avait mis le président Ould Taya dans une fureur qui allait l’entrainer plus tard à partir d’avril 1989, à faire l’aveugle, le sourd et le muet face à ce que les négro-mauritaniens considèrent comme un génocide sans précédent, et plus tard tout au long de l’épuration ethnique organisée et exécutée par certains hauts responsables de son régime, (aussi bien négro-mauritaniens qu’arabo-berbères), ce génocide allait mettre par ailleurs aussi en colère les négro-mauritaniens qui avaient été victimes d’injustices flagrantes et abjectes, des tortures (à l’israélienne) et des représailles qui les ont marqués à vie.
Mauritanie-Sénégal, un divorce sous fond de violences physique.
Mais au-delà même de ces conséquences, ces événements douloureux qui n’avaient aucune raison d’être, ont occasionnés une déchirure profonde dans le tissu des liens de fraternité et d’amitié entre les halpoulars et les maures « blancs » dont certains, n’ont à aucun moment, ni de près ni de loin cautionné ou contribué à cette souffrance infligée aux halpoulars mauritaniens.
Le président Abdou Diouf qui se sentait ridiculisé par l’ancien colonel de l’armée mauritanienne converti en civil, ne dormait plus tranquille à cause de ces multitudes de petits problèmes que lui posait son voisin du nord.
Au problème de la distribution des avantages que devait rapporter au Sénégal un projet de production électrique de l’Office de Mise en Valeur du Fleuve Sénégal, il y’avait eu l’affaire des gardiens de troupeaux mauritaniens qui violèrent les lois de l’hospitalité traditionnelle pour le pacage en amenant leurs chameaux sur la rive gauche du Sénégal.
Deux mois plus tard, il y eu cette crise provoquée par l’interdiction des importations mauritaniennes au Sénégal, aussitôt suivie par une mesure de réplique mauritanienne interdisant l’entrée en Mauritanie des produits maraîchers sénégalais. Ce qui avait porté un coup sévère aux retombées financières de milliers de petits producteurs maraichers sénégalais de la région du fleuve.
L’option militaire écartée parce qu’en définitive elle ser ait plus à l’avantage de Maaouiya que d’Abdou Diouf qui cherchait à venir à la rescousse des négro-mauritaniens, le président sénégalais s’entêtait à donner coute que coute d’une manière ou d’une autre, une bonne leçon à Maaouiya.
C’est pourquoi, d’ailleurs Abdou Diouf avait refusé toutes les médiations et avait préféré jouer aux prolongations d’un désaccord sur tous les plans pour frapper le plus fort possible Nouakchott au moment opportun.
Sa politique avait trouvé une brèche d’entrée. C’était lorsque les mauritaniens avaient commis cette erreur fatale qui avait donné à Abdou Diouf l’occasion de mettre son plan à exécution. A cause de cette erreur fatale les ressortissants mauritaniens vivant au Sénégal ont payé un prix très élevé.
Les « escadrons de la mort » mauritaniens, préparés et organisés pour un acte prémédité.
Dans un documentaire vidéo, un mauritanien (arabo-berbère) avait apporté un témoignage accablant. Dans ce témoignage actuellement en ligne sur Youtube ce « maure » avait déclaré qu’il était à Nouadhibou au moment des évènements. Dans la nuit, des gens sont venus frapper violemment à la porte de sa maison.
Quand il avait ouvert, des maures (negro-mauritaniens) de différents âges l’ont informé que personne ne devait dormir cette nuit-là. Que tous doivent rester réveillés, parce que le lendemain, une bataille allait être déclenchée simultanément à Nouadhibou et à Nouakchott.
L’élément vidéo ne fixe pas une date précise de cette descente de nuit des éléments des « escadrons de la morts » mauritaniens qui annonçaient que la violence allait être déchainée le lendemain. Ce qui signifie qu’en Mauritanie, les actes perpétrés par les « escadrons de la mort » sur les ressortissants sénégalais étaient prémédités et cautionnés par les autorités.
Sinon, ces tueries « gratuites » des sénégalais n’auraient pas eues lieu. Le lendemain effectivement, simultanément à Nouakchott et à Nouadhibou les massacres des sénégalais avaient eu lieu, ciblant des familles dont les domiciles avaient été localisés la veille.
Pour corroborer ce témoignage, ce que je puis affirmer personnellement, c’est que cette déferlante des « escadrons de la morts » dans les rues de Nouakchott et de Nouadhibou a eu lieu quand j’étais encore en mission sur le terrain.
Deux preuves sont irréfutables. La première. Quand je me suis rendu au siège de ma société le lendemain de mon arrivée, l’un de nos volontaires qui évacuait les blessés à l’hôpital, m’avait dit qu’avant mon arrivée de l’intérieur des cadavres jonchaient le sol partout au tour de la morgue qui était pleine à craquer de corps non identifiées. C’était durant les deux premiers jours de la violence.
Ma femme la naïve, échappe à la mort par miracle.
La seconde preuve. Quand je suis revenu de mission, ma femme m’a dit qu’elle était sur le balcon de la maison quand un des « escadrons de la mort » passait dans la rue. Des négro-mauritaniens (Harratines) en nombre peut être de deux dizaines enragés l’ont aperçue. Ils se sont dirigés vers la porte des escaliers pour attaquer la maison ou ma femmese trouvait.
Les tueurs se sont rués vers la porte de l’escalier pour monter à l’étage agresser ma femme et piller la maison. Ils étaient sur le point de défoncer la porte de l’escalier pour monter, quand l’un deux qui suivait le groupe à distance s’est interposé. Il leur a dit que la maison était ma maison en me désignant par mon nom (donc la maison d’un maure) et que la femme qui se trouve sur le balcon était ma femme.
Par fait du hasard, par chance pour elle et aussi pour moi, celui qui s’était interposé face aux tueurs avait déménagé nos bagages dans cette maison qu’on venait d’occuper seulement quelques semaines auparavant.
Ma femme était enceinte de quatre mois. Elle attendait notre premier enfant issu de notre mariage, une fille qui était venue au monde le 23 décembre 89 comme l’avait prédit le Dr. Mantita (Kissi) l’une des meilleures gynécologues de ce pays. Dr Mantita appartient à cette génération de médecins en voie de disparition qui ont fait leurs preuves par compétences.
A son nom il faut ajouter Dr. Moustapha Sidatt, Dr. Dia El Housseinou, (le meilleur Psychiatre de l’Afrique de l’Ouest de son époque), Dr. Gacko pédiatre, Dr. Fassa Yérim, le Pr Mogueya, le Pr. Isselmou Ould Khliva, le Dr. N’Diaye Kane Ousseynou (ORL), Le Dr. Dahada Ould Joud, le Pr. Kane Boubacar, le Dr. Abderrahmane Ould Nafé, le Dr. Abdallahi Ould Horma entre autres, qui ont chacun, dans sa spécialité, marqués de leurs empreintes la médecine de compétence et ont sauvé des milliers de vies humaines.
Quand les blessés sénégalais, lance des mauritaniens dans la fournaise.
Après la furie meurtrière des deux premiers jours à Nouakchott et à Nouadhibou en Mauritanie, les violences meurtrières des escadrons de la mort » se sont arrêtées. En ce moment-là, le président Abou Diouf avait demandé à Nouakchott de rapatrier tous les sénégalais se trouvant dans le pays. Ils étaient à cette date au nombre de 30.000 enregistrés officiellement par la tenue des livres de l’Ambassade. Ils travaillaient pour la plupart, dans la pêche artisanale, comme domestiques ou comme ouvriers spécialisés sur des chantiers de constructions.
En réponse à la demande d’Abou Diouf, le gouvernement mauritanien avait autorisé le rapatriement des sénégalais par le pont aérien mis en place. Parmi les rapatriés du premier vol du 21 avril 1989, Nouakchott avait évacué également des blessés sénégalais.
C’était l’erreur qu’il ne fallait pas commettre. Les déclarations faites par ces blessés à la télévision sénégalaise au moment de leur débarquement à l’aéroport international Léopold Sédar Senghor de Dakar Yoff, faisait donner de manière officielle et à peine voilée, le feu vert à une vague de violence qui allait se déclencher le lendemain dans les rues de Dakar avec une furie meurtrière sans précédent.
Plus de 160.000 mauritaniens se sont retrouvés le 22 avril 1989 pris au piège mortel des « escadrons de la mort » sénégalais, une véritable armée, espèce de « Légion de la honte » qui comptait dans ses rangs les aigris par la politique d’Abdou Diouf, les agresseurs de Reubeus, les repris de justice de Guenaw Rails, les adeptes du vandalisme et du pillage de la Medina où est né Youssou N’Dour un musicien qui avait été très marqué par ces douloureux événements.
Tous ces réservistes (tueurs de sang froid) étaient en alerte rouge depuis le 9 avril 1989. Ce 22 avril 1989 ils avaient donné l’assaut pour une violence meurtrière indescriptible. (à suivre).
Mohamed Chighali