Le bilan des deux premières années du quinquennat Mohamed Cheikh El Ghazwani fait couler beaucoup d’encre et de salive.
Pour les officiels et leurs suppôts, il est jugé globalement satisfaisant ; pour l’opposition et une partie de l’opinion, il est tout au plus mitigé. Le professeur Lô Gourmo, vice-président de l’UFP, invité à une émission de la TVM, usera d’une expression imagée, celle de la peau de panthère pour le caractériser (ni entièrement blanc, ni entièrement noir).
D’aucuns jurent que rien n’a changé depuis le départ de l’ex-président Ould Abdel Aziz. C’est la continuité, comme l’avait annoncé très tôt l’ex-porte-parole du gouvernement, Sidi Salem. Au final, deux tableaux : l’un bien propre et l’autre bourré de ratures…
Satisfaits
Les soutiens du président de la République expriment comme toujours leur satisfaction du travail de leur mentor. Pour étayer leur propos, ils étalent les acquis de ces deux années : l’apaisement de l’arène politique, tout d’abord, avec une normalisation en conséquence des rapports entre la majorité et l’opposition et la dissipation de la tension politique qui marqua les dix années Ould Abdel Aziz.
Et de mettre en exergue la fondation de la CEP, illustration exemplaire de la volonté politique d’éradiquer la gabegie et du consensus perceptible à l’Assemblée nationale entre la majorité et le pouvoir, ce qui améliore, selon eux, l’image de la démocratie mauritanienne.
Leur second point de satisfaction est d’ordre économique et social. Tous apprécient le travail abattu dans un contexte de pandémie COVID et de rareté des ressources, la bonne tenue des indicateurs économiques. Le ministre du Développement économique dira, lors d’une émission sur la TVM consacrée justement au bilan du Président, que notre économie a tenu bon, que la croissance reste raisonnable, au vu du contexte mondial et sous-régional.
Ils ajouteront la gestion de la pandémie, avec ses deux plans successifs. L’un de riposte et l’autre de sortie de crise, dont l’essentiel est tiré des ressources propres. Ils jureront que le système de santé a bien résisté et que les dégâts ont été limités lors des trois vagues.
Autre point de satisfaction, le geste appréciable envers des personnes démunies affectées par la pandémie ou la pauvreté. Ils citent à cet égard la distribution des cashs, l’assurance-maladie accordée à des milliers de familles, la prise en charge des malades sous dialyse et autres, la réforme de l’éducation, avec à la clef, la mise en place d’une école véritablement républicaine…
Les partisans d’Ould Ghazwani se disent satisfaits de grands chantiers lancés par le président de la République, notamment la promotion du secteur de l’élevage, avec un fonds de huit cents millions d’ouguiyas, du secteur de l’agriculture qui va connaître des mutations profondes, de l’assurance-maladie pour cent mille familles, la renégociation des contrats avec les sociétés minières augmentant sensiblement les parts de la Mauritanie…
Ils se réjouissent aussi la sécurité qui prévaut dans notre pays, contrairement à certains pays du Sahel, particulièrement chez notre voisin immédiat, le Mali. Nombre de ceux-ci nous envient cette situation de stabilité aussi bien politique que sécuritaire. Pour être complets, ils vous affirment que notre diplomatie a enregistré de réels progrès.
Insatisfaits
Ce bilan reluisant dressé par les partisans du président Ghazwani est fortement contesté par les opposants du régime, même ceux qui avaient largué l’opposition pour soutenir le candidat des militaires, pensant qu’il ne pouvait faire pire que son prédécesseur. Les attentes placées dans le nouveau Président étaient grandes, après une décennie « perdue », comme le disait un grand économiste de la place.
Deux ans aux commandes du marabout-président n’ont pas convaincu ses opposants qui lui reprochent ses lenteurs et ses lourdeurs, l’absence d’une réelle volonté de changement, à défaut de rupture vis-à-vis de la gouvernance de son prédécesseur. L’essentiel du dispositif mis en place est constitué de visages rompus à l’exercice mais aussi cités dans le rapport de la CEP ou de l’IGE.
Les pratiques héritées du régime antérieur demeurent. Et de citer la persistance de la gabegie et du gré-à-gré ; le refus d’exécuter les recommandations de la Cour des Comptes qui a épinglé plusieurs irrégularités en divers secteurs publics ; la perpétuation des pratiques esclavagistes et de leurs séquelles ; les nominations « monocolores » donnant le sentiment à certains de ne pas appartenir au pays, exclusion donc de plusieurs composantes du pays ;les inégalités criantes, la discrimination positive au rabais, le refus de discuter avec les victimes du passif humanitaire dont les déportés restés au Sénégal et au Mali ; le recul des libertés avec des manifestations refusées ou réprimées ; le refus de reconnaître divers partis politiques ; une administration peu ou prou proche des administrés ; l’absence de diversité dans les media…
Avec, cerise amère sur le déjà indigeste gâteau, l’opacité dans la gestion des milliards dépensés contre le COVID…
Enfin, les opposants au régime de Ghazwani s’étonnent de ce que le Président prétende, au cours d’interviews à la presse, tout ignorer du dossier de son prédécesseur et, surtout, du contenu du rapport de la CEP, décelant, chez lui, un certain agacement à chaque fois qu’on lui demande de parler de son prédécesseur et de leurs relations vieilles de quarante ans. Et ses propos affirmant que nul ne serait laissé sur le carreau est venu jeter une sorte de trouble dans l’esprit des Mauritaniens…
Dalay Lam
Source : Le Calame (Mauritanie)