Les albinos de Mauritanie ont célébré, le 13 Juin, la Journée mondiale de l’albinisme, à l’instar du reste du Monde, autour du thème « Forts, envers et contre tout ! ». Mettre en lumière les réalisations des personnes atteintes d’albinisme dans le monde entier ; montrer qu’elles peuvent défier tous les obstacles ; célébrer leurs façons d’y répondre et même dépasser les attentes, dans tous les domaines, et encourager chacun, en cette période de pandémie mondiale, à se joindre à l’effort mondial pour « Reconstruire en mieux » : tels étaient les objectifs sous-jacents de ce thème.
L’Association Albinos en Mauritanie (AAM) a commémoré la journée dans les locaux de la mairie d’Arafat. Rappelant qu’il s’agissait avant tout de sensibiliser le grand public sur les difficultés rencontrées par les albinos dans la vie quotidienne et de lutter contre le rejet qu’ils peuvent parfois subir en certaines sociétés, le président d’AAM, Younouss Adama Ba, a plaidé pour l’amélioration de leurs conditions de vie et du regard porté sur leur affection.
Il salue mais attend des actions concrètes. De concert, les albinos ont demandé leur intégration dans la catégorie des bénéficiaires de l’assurance-maladie récemment décrétée par les autorités. Et de rappeler les énormes difficultés d’intégration, de prise en charge médicale et de scolarisation, sous le regard indifférent de l’État.
« Au-delà des problèmes sanitaires et éducatifs, les albinos ont du mal à s’intégrer, à cause de la marginalisation et la discrimination portée à leur égard. Un vrai problème qui pousse à une faible scolarisation de cette frange de population », déplore-t-il.
Le président de l’AAM dénonce le sort réservé aux albinos, « en plusieurs pays du continent où », explique-t-il, « ils sont malheureusement encore trop souvent victimes de crimes rituels.
Comment un pauvre vivant dans des conditions dramatiques, confronté à un handicap peut-il enrichir qui que ce soit, à travers un sacrifice rituel ? Quelle lamentable superstition de croire qu’on puisse s’enrichir ou emporter des élections, avec quelque organe d’albinos ! ».
Par ailleurs maître de Coran, Younouss accueille plusieurs almoudos (élèves coraniques) de Nouakchott ou de l’intérieur du pays et les prend en charge, avec ses maigres moyens, au sein de sa concession (inachevée) servant de siège à l’AAM au 1er arrondissement. Il se démène comme il peut, sans aucune assistance pour enseigner, héberger et nourrir ses élèves.
Des efforts louables mais insuffisants, au regard des difficultés que rencontrent ces enfants. «Dernier à se coucher, il est le premier à se lever », admirent ses proches. Il doit veiller à la protection de ses almoudos, dont des albinos. Les patrouilles des forces de sécurité font aussi des rondes nocturnes, pour mieux sécuriser la zone.
Un geste que saluent les bénéficiaires, notamment en la présente vague caniculaire frappant l’intérieur du pays. On note en effet des mouvements d’albinos vers Nouakchott et Nouadhibou. Les femmes et les enfants ont du mal à suivre l’exode et restent exposés à des situations déplorables. Durant les grandes chaleurs de 2014 et 2015, six albinos avaient perdu la vie, se souviennent les membres de l’AAM.
Durant la commémoration, des exemples de jeunes albinos ayant réussi ont été présentés à l’assistance. Espoir d’un changement imminent dans la situation de cette frange de la population ?
Soutenu en chœur par son staff, Ba Younouss s’est en tout cas employé à lancer un appel aux autorités (ministère de la Santé, ministère de l’Action Sociale, de l’Enfance et de la Famille), des partenaires (OMS, World Vision…) et autres personnes de bonne volonté, pour éradiquer – à défaut, circonscrire – leurs problèmes, notamment en question de santé et d’intégration.
La mise sur pied d’activités génératrices de revenus pourrait leur permettre de sortir du cercle vicieux de l’exclusion et de la pauvreté. Le département de l’Action sociale va-t-il enfin tenir ses promesses d’assistance, périodiquement réitérées mais jamais concrétisées, à ce jour ?
De lourdes spécificités et des droits à défendre
« Les personnes qui souffrent de cette maladie génétique héréditaire, caractérisée par l’absence de mélanine, vivent de grosses difficultés socio-économiques. Les préjugés auxquels elles sont confrontées rendent difficile leur accès à des soins de santé adaptés, aux services sociaux, à la protection juridique et à la réparation, en cas de violation de leurs droits », estime Younouss.
« Les formes de discrimination auxquelles ils font face sont nombreuses ». Leur droit à l’éducation, par exemple, est affecté par leur déficience visuelle, qui les contraint parfois à abandonner l’école (manque de crèmes solaires et de lunettes, défaut de consultations…).
« Un faible niveau d’éducation peut déboucher sur le chômage et entraver leur droit à un niveau de vie approprié, les reléguant souvent à la pauvreté », note Sow Adama Hamady, secrétaire général de l’AAM, « il est temps que les populations changent d’opinion sur l’albinisme, une maladie génétique, un handicap qui ne doit pas être un obstacle à la réussite de ses victimes ni leur rendre la vie difficile.
Les albinos ont besoin de protection », soutient Sow, « leur affection existe partout dans le Monde et ce n’est pas une fatalité. S’ils doivent se protéger du soleil, il leur faut du travail pour contribuer au développement du pays ».
Et tous les membres de l’AAM de reprendre en chœur : « C’est à cela que notre association œuvre, pour réunir les forces vives de la nation mauritanienne, rapprocher les visions et conjuguer les efforts pour qu’ensemble, nous donnions espoir aux albinos ».
Et le président de conclure : « L’Association des Albinos en Mauritanie s’emploie à ce que soient reconnues les multiples souffrances qui accompagnent l’albinisme et les violations de droits dont sont victimes ceux qui en sont atteints.
Menacés, les albinos ne le sont pas seulement par des crimes liés à de vieilles peurs de l’étrange, insensiblement travesties en fausses croyances. Ils sont victimes de nombreuses formes de discrimination dans le Monde.
Leur maladie reste mal comprise, aussi bien sur le plan social que médical. Les campagnes d’éducation et de sensibilisation peuvent aider à lutter contre les superstitions et les stigmatisations qui y sont associées.
À cet égard, il serait préférable de recourir systématiquement au terme « personne atteinte d’albinisme », plutôt qu’« albinos », trop souvent utilisé avec une connotation péjorative. Malade, chacun d’entre nous n’en reste pas moins une personne à part entière. » Ça devrait aller sans dire… Cela ira-t-il mieux en le disant ? À chacun d’entre nous d’en faire l’évidence.
THIAM Mamadou
Source : Le Calame (Mauritanie)