Mauritanie : signaux contradictoires envoyés au secteur pétrolier

Trois ans après avoir pris possession de blocs offshore au large de la Mauritanie afin d’en évaluer le potentiel pétrolier et gazier, ExxonMobil est sur le point de quitter le pays faute de résultats probants. Un coup dur pour la major américaine qui avait versé pour ce projet une prime de signature de 70 millions USD. Et un nouveau mauvais signal adressé aux acteurs du secteur, alors que le pays multiplie les initiatives pour les attirer.

La pilule est amère pour ExxonMobil, contraint de mettre un terme à son projet d’exploitation-production des blocs offshore C14, C17 et C22 au large de la Mauritanie. En jeu : trois contrats d’exploitation et de production de pétrole et de gaz situés à environ 200 km des côtes mauritaniennes, pour une superficie combinée d’environ 34.000 km, dont la profondeur est comprise entre 1000 et 3500m. Mais faute de résultats satisfaisants dans la phase d’exploration, le projet a tourné court et la major s’est accordée avec le ministre du Pétrole sur les modalités pratiques d’abandon des activités d’exploration dans ces blocs.

Précédent coûteux

Pour ExxonMobil, l’enjeu était de taille, ce projet promettant de renforcer sa position de leader mondial d’exploration en offshore profond. Celui-ci ayant tourné court, la major essuie une perte nette considérable au vu du montant record de la prime à la signature versée en 2018, pas moins de 70 millions USD lui ayant alors été réclamés pour prendre possession des trois blocs. Un arrangement qui avait créé un précédent coûteux pour les contrats suivants, à commencer par Total qui a dû verser en 2019 une prime de 40 millions USD pour mettre la main sur les blocs offshore C15 et C31… contre « seulement » 16,5 millions USD en 2017 pour s’approprier les blocs C7 et C18. Cette surenchère s’explique par l’attractivité des eaux profondes mauritaniennes, théâtre du méga-gisement gazier « Grand Tortue-Ahmeyin » opéré par BP et Kosmos Energy, dont une partie se trouve dans les eaux sénégalaises. Une attractivité encore accrue fin 2019 suite à la découverte par le puits d’exploration Orca de 13 billions de pieds cubes de gaz récupérable sur le bloc mauritanien C8, co-exploité par BP et Kosmos.

Perspectives assombries

Mais la conjonction de l’échec de la phase de prospection d’ExxonMobil et de la surenchère du montant des primes à la signature devrait freiner l’engouement des majors pétrolières vis-à-vis de l’offshore mauritanien et avoir un impact sérieux pour l’activité extractive. Une conséquence que le ministère n’avait visiblement pas anticipé en augmentant déraisonnablement le montant de ses primes de signature. Ce vestige de la mauvaise gouvernance qui a caractérisé l’ère Aziz n’est pas isolé, comme l’illustre la plainte déposée par MCM (filiale du géant canadien First Quantum Minerals) en mars dernier auprès d’un tribunal d’arbitrage international spécialisé dans le domaine de la fiscalité, accusant l’Etat de lui imposer des taxes injustes et indues. Une actualité qui, associée aux conséquences de la pandémie de Covid – qui ont notamment poussé BP et Kosmos à reporter certains investissements dans le gisement « Grand Tortue-Ahmeyin »–, assombrit un peu plus les perspectives du secteur, déjà affecté par l’évolution du prix des hydrocarbures et l’intérêt des majors pour les énergies renouvelables. Et qui risque de conforter la mauvaise image du pays à l’international, malgré ses initiatives pour tenter d’attirer les investissements étrangers dans ses champs pétroliers et gaziers offshore, en concurrence avec ses voisins côtiers.

Ben Abdalla