Birame souffle le chaud et le froid

En ce premier jour du mois béni du Ramadan, Birame Dah Abeid a tenu une conférence de presse dans son siège au PK 10 pour édifier l’opinion publique sur des questions ayant trait à la vie nationale.

Aujourd’hui plus que jamais le président du mouvement IRA et député au parlement mauritanien s’impose comme un interlocuteur sérieux du pouvoir qui lui ouvre toutes les portes, une nouvelle position qui consolide son statut de voix des sans voix.

En effet c’est dans une salle archicomble que Birame va marteler ses quatre vérités. Dans la salle il y avait des victimes de l’esclavage, du foncier rural privées de leurs terres et d’eau potable comme ces ressortissants du quartier d’Artémou de Sélibaby qui font face à un embargo sur l’eau provenant du seul puits dont ils disposaient.

Des pratiques inouïes, d’un autre âge qui se passent au nez et à la barbe des autorités qui font la sourde oreille, des agissements qui surpassent ceux de « Pharaon » s’indigne le leader de la lutte anti-esclavagiste.

Vaccination et deniers publics

Dans son intervention, Birame a d’emblée abordé la situation épidémiologique avec le Covid qui persiste. Le député qui a prié sur les morts provoqués par la pandémie a invité les citoyens à continuer à respecter les mesures barrières car dit-il il y a une catégorie de citoyens qui est toujours menacée plus que les autres.

Le député a lancé un appel pressant aux autorités les invitant à généraliser la vaccination. Il a aussi invité les responsables du ministère de la santé à profiter du Ramadan pour veiller aux intérêts des citoyens.

Selon le président du mouvement IRA, les détournements des deniers publics sont toujours monnaie courante. Au niveau de l’administration ajoute-t-il y a toujours « des chats gras ». On en trouve également au niveau des hommes d’affaires et des responsables de projets gouvernementaux.

Pour Birame, on doit tous tirer les leçons des déboires de l’ex président dont la mise en examen n’a fait réagir que la fameuse folle de Aziz et un proche du nom de Feil Ould Lahah. Aucun des hommes d’affaires qu’il a contribué à catapulter n’a pipé mot.

Cela avait aussi été valable à la chute de Moawiya. Donc Ghazouani doit éviter le piège conseille Birame.

De ce fait le premier conseil que Birame a adressé au président Ghazouani c’est de ne pas être de mèche avec des hommes d’affaires et encore moins d’en créer. Les proches du président ne doivent pas user et abuser du trafic d’influence. Ils ne doivent pas avoir un impact sur les responsables de l’Etat qui sont toujours prompts à se plier en quatre devant eux.

Profiter de l’ouverture du pouvoir

Le président du mouvement IRA a salué l’ouverture du pouvoir et du président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, une ouverture qui a permis de nouer le dialogue et d’avoir une forme de collaboration positive et pour l’intérêt général.

En vertu de cette nouvelle approche les problèmes de racisme, de tribalisme, de gabegie, d’esclavage…tous les problèmes sont discutés avec le président de la République.

L’Etat dit Birame doit garantir les libertés générales, la liberté d’expression, la liberté d’association…

Les administrations publiques doivent s’ouvrir aux élus qui défendent les intérêts des citoyens.

Ainsi depuis le milieu de l’année dernière Birame s’est entièrement consacré à la lutte pour les droits des citoyens et à la contribution à l’instauration d’un climat apaisé entre les différents pouvoirs et entre les députés et les structures gouvernementales.

Ce dialogue a porté ses fruits avec entre autre la loi sur les associations désormais régie par les critères de l’Etat de droit. Il y a aussi les visites effectuées dans les centres d’Etat Civil. Autre résultat palpable : les recrutements au sein des couches défavorisées de personnes issues du mouvement IRA et du parti RAG ; avec notamment  la promotion de 30 cadres.

Sur un tout autre plan Birame a exprimé son soutien à Sneiba El Kory,ce cadre de SOS-Esclaves récemment relevé de ses fonctions de Conseiller du ministre de l’Education suite dit-il à des rapports fallacieux des Renseignements.

Il s’agit là dit-il d’une atteinte à l’image que le pouvoir avait donnée de lui-même. Les fonctionnaires ont le droit de s’affilier aux partis politiques et aux ONG des droits de l’Homme. Seulement ces fonctionnaires doivent respecter le règlement intérieur de leur employeur.

Birame a dénoncé les recrutements ethniques. C’est dangereux prévient-il. Cette dérive communautaire est selon lui hérité au milieu des années 1980 et a sévi jusqu’en 2019.

Birame affirme qu’il pose les problèmes de toute la jeunesse mauritanienne et ses bureaux à l’Ilôt K et au PK 10 sont ouverts à tous. Il a affirmé que pendant ses visites à la Présidence, à la Primature et dans tous les autres ministères et services publics, il n’a jamais posé un problème personnel et il défie quiconque de prouver le contraire. Tous les dossiers dont il défend la cause appartiennent à des tiers qui n’ont rien à voir avec sa famille.

Justice, administration et sécurité en retard dans l’application des lois

Birame demande au président Ghazouani de mettre un terme au trafic d’influence familial et tribal. Selon lui, la justice, l’administration et la sécurité accusent un sérieux retard dans l’application des lois sur l’esclavage et le respect des Droits Humains.

Pour toutes ces institutions déplorent Birame, l’esclavage entre dans l’ordre normal des choses.

Il attire de ce fait l’attention du président de la République sur les problèmes fonciers au niveau du monde rural, de l’esclavage rural. Les gens qui se fatiguent à exploiter les terres n’ont dit-il comme permis d’occuper que leurs houes et leurs dabas. Ils ont hérité ces terres de leurs ancêtres qui se sont sacrifiés, qui ont été piqués par les moustiques et les serpents pour mettre en valeur ces terres. Et le paradoxe poursuit-il c’est que ce sont ces gens là qui sont importunés par les Hakem, les walis, la police et les tribunaux.

Ça c’est injuste et on ne peut pas se taire dit Birame.

Il y a l’exemple des paisibles paysans de Dafor (Guidimaka) dont les représentants étaient présents dans la salle. Ces paysans  exploitaient leurs terres depuis 1905 mais lorsqu’ils ont voulu se libérer du joug de l’esclavage, ils ont été expulsés de ces terres par leurs soi-disant maîtres.

Un autre cas, c’est celui d’un pauvre paysan de NDiago qui exploitait son terroir et y avait investi la valeur de 700000 Ouguiyas mais du jour au lendemain on l’a exproprié au profit d’un homme d’affaires qui avait l’administration et la police de son côté. La terre verdoyante a été saisie sur ordre du juge.

Des habitants de Gweilit(lac Rkiz)  qui s’étaient révoltés contre leurs maîtres ont connu la même mésaventure. La gendarmerie est intervenue sur ordre du Tribunal de Rosso pour saisir leur motopompe. Toute leur production est partie en fumée.

Il y a le problème des habitants d’Artémou cité plus haut.

Birame attire l’attention du président sur ces pratiques inhumaines et sur la complicité des corps et de l’administration de l’Etat à ce qui ressemble à une véritable colonisation agricole.

Nécessité d’une relation apaisée entre le pouvoir et l’opposition

Selon Birame, dans toute démocratie normale, il doit y avoir des relations apaisées entre le pouvoir et l’opposition. Si le pouvoir fait de bonnes choses l’opposition doit s’en féliciter.

Mon objectif affirme-t-il ce n’est pas de mettre des peaux de bananes devant le pouvoir mais de le conseiller pour qu’il agisse pour le bien de tous. L’objectif pour lui c’est de s’entendre et de collaborer positivement avec le pouvoir. Même si révèle Birame cela n’est pas du goût de tous y compris au sein du pouvoir. Ainsi certains cercles à l’intérieur et à l’extérieur du pouvoir s’évertuent à faire capoter la lune de miel entre Birame et le Président Ghazouani.

Birame fait allusion à une tentative de collusion entre un partenaire non étatique qui rêve de s’installer au Palais présidentiel avec des cercles du pouvoir. Ce partenaire non étatique serait derrière les retournements de veste au sein du mouvement IRA. Mais à en croire Birame cette tentative machiavélique qui tente de le mettre hors d’état de nuire sur le plan politique et de le mettre à mal avec le président Ghazouani est vouée à l’échec.

Inviter les djihadistes au dialogue

Le président du mouvement IRA a lancé un appel aux autorités pour qu’elles invitent les extrémistes djihadistes au dialogue. Il s’agit de ceux qui ne sont pas condamnés pour des crimes de sang.

Pour Birame Beaucoup de jeunes sont en prison pour avoir adopté la pensée Djihadiste ou pour avoir été actifs dans les recrutements.

Beaucoup d’entre eux ont compris qu’ils étaient dans l’erreur et ont renoncé au djihadisme takfiriste et violent.

D’ailleurs en 2000 l’Etat avait initié un dialogue constructif qui avait abouti à la libération de certains d’entre eux.

Un autre groupe est resté et il a beaucoup souffert dit Birame du fait de l’ignorance de la grille judiciaire car dans la mentalité du mauritanien, celui qui est condamné pour terrorisme est appelé à subir toutes les tracasseries.

Tous ceux qui ne sont pas détenus pour crime de sang doivent être libérés selon Birame.

Aujourd’hui, dans le monde entier on est unanime sur un fait : le terrorisme ne peut pas être combattu uniquement par des lois mais aussi à travers le dialogue et la Mauritanie a traversé des pas dans ce domaine.

Ainsi Birame demande à ce qu’au cours du dialogue en vue on réfléchisse sur les solutions du takfirisme par le dialogue. Cette demande est adressée au Président de la République et à la personnalité qui devrait piloter ce dossier du dialogue qui doit être une personnalité de choix.

Bakari Guèye