Car, après l’espoir suscité par la fondation de la Commission d’enquête parlementaire (CEP) et les révélations de celle-ci – graves dysfonctionnements dans la gestion de divers dossiers durant les onze ans de règne du tombeur de feu Sidi Ould Cheikh Abdallahi et autoproclamé champion de la lutte contre la gabegie – on commence à déchanter.Et ce ne sont pas les propos du président de la République Mohamed Cheikh El Ghazwani, de son Premier ministre Ould Bilal et de son ministre de la Justice qui viendront les réconforter. Les observateurs s’étaient réjouis de l’engagement de l’Exécutif à ne pas interférer dans les procédures d’enquêtes de la police et de la justice.
Les ex-Premiers ministres, ministres, directeurs et, enfin, l’ex-Président en personne, ses proches et son fils ont défilé devant les limiers de la police des délits et crimes économiques. À l’exception des proches parents de l’ex-Raïs, tous se sont défoncé sur leur ancien mentor. Hier adulé, Ould Abdel Aziz est devenu quasiment la risée de la République.
S’appuyant sur l’article 93 de la Constitution, ce dernier a refusé de répondre aux questions des enquêteurs, arguant que seule une haute Cour de justice pouvait l’auditionner pour haute trahison.
Une querelle de robes noires s’en est suivie. Pour les défenseurs de l’État, redevenu simple citoyen, Ould Abdel Aziz peut être jugé par des tribunaux ordinaires : nombre de faits qui lui sont reprochés ne relèvent pas de la haute trahison.
L’un de ces avocats cite l’exemple de l’ex-président français Nicolas Sarkozy traité depuis longtemps devant les tribunaux pour « corruption » et « trafic d’influence ». Lui-même avocat, Sarkozy et ses défenseurs n’ont jamais réclamé être entendus par le Conseil d’État.
Quelles qu’en soient les raisons, le dossier traîne. Selon un membre du collectif de défense de l’État, nombre de dossiers reprochés aux personnes ciblées par le rapport de la CEP – plus de trois cents – sont déposés devant les chambres ordinaires.
C’est ce qui fait dire à divers autres observateurs que la HCJ n’est plus une priorité ou, disons-le, une urgence pour le gouvernement. En optant pour la justice ordinaire, le gouvernement pourrait réduire l’aspect politique du dossier que les détracteurs du régime mettent en avant, dénonçant un « règlement de comptes ».
« Haute ou pas, c’est devant la justice que le président Aziz répondra des faits qui lui sont reprochés », martèle un ancien ministre. Mais quelle attitude Ould Abdel Aziz adoptera-t-il face à la justice ordinaire ? La même que devant les enquêteurs de police des crimes économiques en refusant de répondre aux questions ?
Le cas échéant, que feront ses juges ? Iront-ils jusqu’à l’expédier en l’un des bagnes en cours de réfection au bled ? Le président Ghazwani usera-t-il de ses prérogatives pour gracier, voire amnistier son ami et prédécesseur?
Mais en stoppant la procédure de fondation de la HCJ, le gouvernement n’entachera-t-il les prérogatives du pouvoir législatif ? Ce dernier acceptera-t-il d’être à nouveau réduit à une caisse de résonance de l’Exécutif ? Quelle image le président Ghazwani et l’Assemblée nationale garderont-ils dans l’opinion, si jamais la HCJ meurt avant même de naître ? La mis en place de celle-ci est attendue au cours de la session parlementaire en cours… qui doit s’achever le 31 Décembre.
Interrogés sur cette éventualité, plusieurs députés disent ne pas comprendre les raisons de la lenteur de l’installation de ladite HCJ. « Le Conseil Constitutionnel a donné son quitus », soulignent-ils, « nous ignorons tout du processus ». Transparence, quand tu ne nous tiens pas…
DL
Source : Le Calame (Mauritanie)