Un défilé militaire ici, une marche pacifique là-bas, de lacrymogène sur des manifestants, des arrestations et rebelote l’année suivante. Les faits sont têtus comme disait l’autre.
Mais moi, j’ai comme l’impression que l’obstination des pouvoirs publics de « refuser » de prendre leur courage à deux mains pour mettre fin au « génocide moral » conséquence du génocide physique de 28 mauritaniens condamnés à la pendaison jusqu’à ce que mort s’en est suivie sans forme de procès dans la nuit du 27 au 28 novembre 1991, est encore plus têtue.
Depuis 1991, on s’achemine lentement vers la mise à feu -par retardement- d’un « conflit moral » qui n’oppose pas deux communautés mauritaniennes l’une contre l’autre, mais qui oppose les régimes qui se sont succédés à la conscience collective à cause d’une affaire de « crime d’état » inscrite avec un sang humain sur le rôle de l’audience d’un crime jusqu’ici impuni.
Cette année 2020, plus que les autres années, des voix de plus en plus fortes provenant de toutes les composantes ethniques de ce pays s’élèvent pour dénoncer le refus des pouvoirs publics de donner des réponses toutes simples à des questions qui se posent légitimement année après année depuis trente ans.
– Qui a commandité d’exécuter de manière extrajudiciaire, 28 mauritaniens qui apparemment ne sont reconnus coupables que d’avoir la peau noire ?
– Qui sont ceux qui ont exécuté cette sentence qui relève du crime abominable et raciste ? – Où sont ensevelis les corps ?
Et surtout – le pourquoi de ce pourquoi invraisemblable ?
Les auteurs de ces actes qui déchirent la cohésion nationale et envenimement l’atmosphère de l’unité doivent être traduits devant la justice, la vraie, pas celle du « crime organisé » commee celle de cet acte isolé commis dans le noir de la nuit glaciale de la localité d’Inal.
Combien sont-ils derrière ce crime contre la citoyenneté mauritanienne de soldats qui ont servis avec honneur et dévouement sous les couleurs d’un drapeau national sensé les protéger ? Vingt, trente ? Cent génocidaires ? Peu importe leur nombre.
Est-ce que la cohésion nationale de 4.000.000 de mauritaniens mérite d’être sacrifiée pour protéger une poignée de criminels qui n’ont aucun sens du devoir religieux, moral et national ?
En 1991, nous étions sous un régime sanguinaire. Des acteurs et des témoins d’un crime et d’un génocide inouïs perpétrés contre des citoyens à part entière de ce pays ont, par leur silence été complices du plus abjecte mal qu’un musulman peut faire à un autre musulman.
Tant que le problème de ce passif sanguinaire n’est pas réglé pour un devoir de mémoire, par la connaissance de la vérité ou par une réconciliation nationale consensuelle, nous continuerons de marcher « inconsciemment » sur un terrain miné.
Miné par des mauritaniens auteurs de génocide qui se baladent sans être inquiétés dans un pays assis sur une poudrière au fond d’un volcan qui risque de reprendre de l’activité à tout moment.
Et cela n’est de l’intérêt de personne. Ni de l’intérêt de ces véritables lâches qui sont à l’origine de ce mal qui a creusé un fossé dans l’unité nationale. Ni dans l’intérêt des régimes qui se succèdent et qui, comme des sentinelles se relaient par tour de garde en se passant des consignes qui donnent l’impression de « noter » de ne pas régler définitivement ce passif qui n’est pas négro-mauritanien mais mauritanien tout court après tout.
Pour sauver le pays rien ne doit être tabou ou considéré comme tel. L’intérêt du pays est suprême et prime sur la traduction d’une poignée de criminels devant une justice pour répondre de leurs actes.
Si nous continuons de jouer aux prolongations de cette affaire nous allons donner l’impression aux veuves et aux orphelins des victimes de cette barbarie qu’il y’a une Mauritanie à deux vitesses ou à deux couleurs ce qui n’est pas vrai.
Ce qui est vrai par contre, c’est que la Mauritanie « arc-en-ciel » souffre d’un déficit très prononcé d’une volonté politique de résoudre un problème pourtant à équation unique.
Mohamed Chighali